République et son incessant ramdam accueille dans une de ses rues annexes les photographies de l’artiste taïwanaise John Yuyi (nom d’artiste de Chiang Yu-Yi). 31 balais, un CV long comme huit bras, des collaborations avec Gucci, Margiela ou encore Nike et une curieuse manie de l’autoportrait, partons à la découverte du body de Yuyi.
Article écrit par Lauriane Haumont
Une série de nudes nous souhaitent la bienvenue dans la 193 Gallery. En s’y penchant de plus près, on reconnaît l’esthétique épurée et calfeutrée des toilettes d’un avion. Yuyi met à contribution ses troubles mentaux dans ses œuvres. S’ils sont là et impossible à déloger, autant en faire quelque chose de créatif. Lors d’un voyage long courrier, la jeune femme sent une crise d’angoisse la submerger. Que faire ? Ni une ni deux, elle file dans les toilettes et écoute ce que son instinct de survie lui ordonne de faire. Me déshabiller, vous dites ? Et bien ainsi soit-il. Délestée du poids des tissus qui maintenaient son angoisse flanquée à son corps, elle respire à nouveau. Son premier réflexe pour accepter cette fusion d’audace, c’est de sortir son téléphone et d’immortaliser cet instant. Avec le temps, ces selfies nudes dans les miroirs des toilettes des avions sont devenus un rituel pour la jeune artiste. Ce travail du corps, de sa mise en scène, de sa réappropriation et des messages qu’il est capable de véhiculer est central dans son travail.
Lorsque l’on tourne la tête, on voit se fondre son visage et la matière dans de nouvelles photographies. Pionnière du tatouage éphémère comme manifestation artistique, elle décline cette démarche afin de mettre en lumière différentes thématiques qui lui sont chères. Enfant d’Internet et biberonnée à la publicité, elle entretient cette relation étroite de chat et de souris avec la marchandisation. Son visage se plaque sur une lentille de contact, sur une cup noodle, il est tatoué d’annonces promotionnelles, de codes barres. Parfois plus que son visage, son corps devient un objet, un tube de rouge à lèvre Gucci, une œuvre d’art prostrée sur un pilier de plâtre au beau milieu d’un musée. Son corps l’amuse, son corps l’obsède. Peut-on taxer ça de narcissisme? La question la travaille également. Et la question est inhérente à l’exposition qui propose un hypothétique élément de réponse: “Et si l’obsession du moi était la clé pour comprendre les autres ?”
Pour tenter de glaner des éléments de réponse, rendez-vous à la 193 Gallery jusqu’au 23 décembre !
Yuyi’s body – l’exposition de John Yuyi à la 193 Gallery (24 rue Béranger, Paris 75003) jusqu’au 23 décembre 2022