6 autrices contemporaines à lire d’urgence

À l’occasion de notre semaine thématique autour de la journée des droits de la femme, on voulait revenir sur quelques autrices contemporaines qu’on adore afin de mettre en avant le travail des femmes, encore trop souvent invisiblisées. 

Article écrit par Alma-Lïa Masson-Lacroix

Pourquoi contemporaines ? Parce qu’on devait bien restreindre notre sujet, au risque de s’éterniser, mais aussi et surtout parce que cette année, on voulait faire de cette journée une célébration au présent. On voulait se dire que se battre contre l’invisibilisation des femmes autrices et artistes dans l’histoire et à l’avenir, ça commence en les incluant dans notre quotidien.

Pourquoi autrice ? Et pas auteur, auteure, etc… grand débat qui a fait couler beaucoup d’encre, mais qui, si l’on s’y penche un peu, ne fait pas tant débat. Et bien parce-que ça s’entend (contrairement à auteure, qui se répand de plus en plus mais ne règle pas le problème de l’invisibilisation à l’oral), et parce-que c’est le bon mot, historiquement et étymologiquement parlant. En effet, ce n’est pas un néologisme ni une féminisation d’un nom neutre. C’est un mot qui date de l’antiquité : il vient du latin autrix, et il fut utilisé couramment à l’oral comme à l’écrit en latin, puis en français à la Renaissance. Et ce jusqu’au XVIIe siècle, moment où un petit groupe d’hommes fonde quelque chose nommé l’Académie Française et décide d’interdire le mot, car selon eux le métier d’écrivain ne sied pas à une femme et qu’il ne faudrait pas que l’existence du mot leur donne de mauvaises idées (comme écrire, ou même penser). Si la question vous intéresse, vous pouvez aller lire le travail de la chercheuse Aurore Evain, ou l’émission de France Culture par Camille Renard. Mais pour l’instant, parlons autrices et parlons contemporaines avec ces 6 autrices à découvrir absolument.

Romans

  • Fred Vargas 

On se permet de commencer avec une autrice chouchoute chez Mauvaise Graine, nom de plume Fred Vargas, spécialité polars. Ses livres se dévorent avec plaisir et empressement, on y est suspendu.e.s à l’histoire et à la subtilité qui découle des rencontres humaines. Ils se démarquent par leur ton mélancolique, une sorte de flottement sur les choses et un regard sur le monde dépaysant. On y apprécie son amour de l’histoire et de l’art, qui transparaissent dans l’intrigue avec simplicité. On conseille évidemment la série de livres du Commissaire Adamsberg, mais pour bien commencer et devenir vite addicts, rien ne vaut Ceux qui vont mourir te saluent, livre court, stand alone, qui nous plonge dans son style si particulier et ses intrigues policières toujours plus étonnantes.

Ceux qui vont mourir te saluent (1994) – 206p.

A priori, tous les dessins de Michel-Ange ont été répertoriés. Et lorsque l’un d’eux fait une apparition discrète sur le marché, il y a tout lieu de supposer qu’il a été volé. Le plus incroyable, c’est qu’il provient probablement de la bibliothèque vaticane. Qui se risquerait à subtiliser les trésors des archives papales ? L’affaire se complique lorsque Valhubert, célèbre expert d’authentification parisien, est assassiné. Instantanément, les soupçons se portent sur le fils de la victime. Ce dernier fait partie d’un curieux triumvirat d’étudiants, aux surnoms d’empereurs : Claude, Néron et Tibère. En résidence à Rome depuis plusieurs années, tous trois entretiennent des liens singuliers avec la veuve de Valhubert. 

  • Yoko Ogawa

Autrice japonaise, son travail est caractérisé par une sorte d’obsession sur la folie ordinaire des êtres, qui se rencontrent, s’éloignent, et confrontent leurs solitudes. Écriture très poétique, portée sur la nature, le silence et la mémoire, elle détonne par une capacité à dévier complètement par instant vers une étude minutieuse et terrible de la perversité qui gît en chacun.e.s de nous et de ses personnages. Elle écrit brillamment et de façon très personnelle sur le deuil, l’abandon et l’amour. Pour une entrée dans son œuvre tout en étrangeté, on vous conseille un de ses romans qui esquisse bien les bases de ses obsessions, Les Tendres Plaintes.

Les Tendres Plaintes (2010) – 256p.

Ruriko est calligraphe. Fuyant la brûlure des infidélités de son mari, elle part s’installer seule en pleine montagne, dans le chalet de ses parents. Elle rencontre Nitta, pianiste reconverti dans la fabrication de clavecins, qui ne joue plus devant personne. L’histoire simple, intense et profonde d’une femme en crise entre deux amours, entre deux vies. Sur l’indicible solitude des êtres et leurs relations fugitives, un roman riche en mystère où s’épanouit tout l’art d’Ogawa.

  • Maylis de Kerangal 

Cette autrice se démarque par un style rapide, sans ponctuation et à bout de souffle. On va d’un personnage à l’autre, d’une histoire à une autre comme un marathon, mais un marathon fait de sensations, de regards et de corps sociaux, corps de métiers, ou corps humains. A travers ses ouvrages, elle explore le collectif, ses tensions et ses rythmes, ses puissances et ses grandeurs. Son roman Réparer les vivants (2013) a connu un énorme succès et a été adapté au cinéma en 2016 par Katell Quillévéré. Mais nous, on préfère vous conseiller un autre livre un tout petit peu moins connu mais tout aussi impressionnant : Naissance d’un pont.

Naissance d’un pont (2010) – 316p.

Ce livre part d’une ambition à la fois simple et folle : raconter la construction d’un pont suspendu quelque part dans une Californie imaginaire à partir des destins croisés d’une dizaine d’hommes et femmes, tous employés du gigantesque chantier. Un roman-fleuve, « à l’américaine », qui brasse des sensations et des rêves, des paysages et des machines, des plans de carrière et des classes sociales.

  • Siri Hustvedt

Grande autrice américaine, romancière, poétesse, Siri Hustvedt prête sa plume à toute une génération, une génération artistique, new-yorkaise, femme et féministe. Elle dresse des portraits intimes (de femmes principalement), à travers la découverte de la poésie, de la peinture, du monde et de l’amour. Elle parvient à dresser une réflexion féministe mais aussi sociale et artistique à travers des romans d’une sensibilité et d’une introspection sans limites. On voulait sortir des clous, et ne pas vous proposer son classique, plutôt quelque chose comme son essai Une femme regarde des hommes regarder des femmes, mais au final, on reste sur la valeur sûre avec son grand (métaphoriquement et littéralement) Tout ce que j’aimais.

Tout ce que j’aimais (2003) – 455p.

Au milieu des années 1970, à New York, deux couples d’artistes ont partagé les rêves de liberté de l’époque. De l’art et de la création, ils ont fait le ciment d’une amitié qu’ils voulaient éternelle et, quand ils ont fondé leur famille, se sont installés dans des appartements voisins. Rien n’a pu les préparer aux coups dont le destin va les frapper et qui vont infléchir radicalement le cours de leurs vies…

BD

  • Nine Antico

Autrice et dessinatrice de BD, Nine Antico aime le Rock, la culture américaine et penser les femmes, à tout âge. Son travail se démarque par un style rétro des années 60, des couleurs pâles et un humour vif. Elle parle des jeunes filles et du soleil, de musique, d’amour, et de société, et vous avez peut-être vu passer en 2020 son très beau premier long-métrage Playlist, entre cinéma et BD. Chez nous, on aime tout, mais s’il ne fallait choisir qu’une seule BD, ce serait Girls don’t cry.

Girls don’t cry (2010)

Les filles sont toutes différentes, et toutes pareilles. Elles veulent être originales, mais malgré leurs efforts finissent par se ressembler. Incarnations de la fraîcheur et de la jeunesse, elles se complaisent parfois dans une mélancolique indolence qui leur donne un peu de sérieux au milieu d’une déferlante de futilités.Avec cet album d’histoires courtes, la talentueuse Nine Antico scrute de près les émois de la vie de jeunes adolescentes parisiennes. Elle oscille entre tendresse et cruauté, entre trait art nouveau et motifs contemporains. 

  • Pénélope Bagieu

Avec un humour vif, une introspection constante, et beaucoup de choses à dire, Pénélope Bagieu est une autrice et dessinatrice de BD dont on a pas fini d’entendre parler. Avec un dessin tout en rondeur, elle n’a de cesse de parler du quotidien, son quotidien et celui des femmes, sans tabous et sans clichés, et toujours avec humour. Autrice engagée, elle se démarque par les deux magnifiques tomes qu’on vous recommande aujourd’hui des Culottées, mais toute son œuvre vaut le coup d’œil.

Culottées. Des femmes qui ne font que ce qu’elles veulent. (2016/2017)

Tome 1 – Guerrière apache ou sirène hollywoodienne, gardienne de phare ou créatrice de trolls, gynécologue ou impératrice, les Culottées ont fait voler en éclat les préjugés. Quinze portraits de femmes qui ont inventé leur destin.

Tome 2 – Sonita, rappeuse afghane et exilée militante ; Thérèse, bienfaitrice des mamies parisiennes ; Nellie, journaliste d’investigation au XIXe siècle ; Cheryl, athlète marathonienne ; Phulan, reine des bandits et figure des opprimés en Inde… Les Culottées ont fait voler en éclat les préjugés. Quinze nouveaux portraits drôles et sensibles de femmes contemporaines qui ont inventé leur destin.

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