Le 1er février 2023, le Sénat a adopté la proposition de loi sur l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Si notre régime actuel est très protecteur du droit à l’avortement, cette nouvelle inscription reste une avancée de plus à la liberté des femmes de disposer de leur corps tel qu’elles le désirent. Parce qu’il est important de connaître et de se rappeler les combats qui ont mené à ce droit fondamental, nous vous proposons une sélection de cinq films traitant de l’interruption volontaire de grossesse.
Article écrit par Manon Martin
Annie Colère de Blandine Lenoir ( 2022)
Dans les années 1974, Annie, jouée par la merveilleuse Laure Calamy, ouvrière et mère de deux enfants se retrouve accidentellement enceinte. Elle fait la connaissance du groupe du MLAC ( Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception), qui avec des médecins militants, pratiquaient clandestinement des avortements alors illégaux. Accueillie par ce mouvement, Annie les rejoint et s’engage avec eux dans la lutte pour la légalisation de l’IVG.
Dans ce film, Blandine Lenoir fait le récit de l’émancipation d’une femme et met enfin en lumière un groupe social qui a tant œuvré pour les femmes. Avant Simone Veil, il y a ces femmes, et il est important de ne pas les oublier. La solidarité des femmes est mise à l’honneur, la douceur et le soulagement plutôt que la dimension tragique. Nécessaire et utile, ce film nous rappelle encore une fois que les batailles sociales ne se gagnent que par l’union et l’entraide, mais aussi et surtout que ce droit est fragile et que rien n’est jamais complètement acquis.
Never rarely sometimes always de Eliza Hittman (2020)
Dans une petite ville rurale de Pennsylvanie, Autumn (Sidney Flanigan), 17 ans, pense être enceinte. N’ayant pas de proches vers qui se tourner, la jeune femme se rend au planning familial. Enceinte de 10 semaines, le discours « pro-vie » des médecins ne laisse à la jeune fille que peu d’alternatives. Autumn décide tout de même d’avorter. Se confiant à sa cousine Skylar (Talia Ryder), elles décident de se rendre à New York où elle peut subir une interruption de grossesse sans accord parental.
Quasi documentaire, féministe et poignant, ce film ancré dans une tradition de cinéma américain indépendant est d’autant plus poignant aujourd’hui compte tenu de la situation actuelle des États-Unis face au droit à l’avortement. En juin 2022, la Cour Suprême a en effet décidé de mettre fin l’arrêt Roe v. Wade qui autorisait jusqu’ici l’avortement dans l’ensemble des États. Car oui, dans le pays le plus libre du monde, en apparence, l’avortement est encore et plus que tout aujourd’hui, une véritable épopée.
Le film remporte le Grand Prix au festival de Berlin 2020 et dresse le portrait d’une jeune femme prête à tout pour choisir son destin.
4 mois, 3 semaines, 2 jours de Cristian Mungiu ( 2007)
1987, dans l’État totalitaire communiste de la Roumanie de 1987, Gabita, une étudiante, tombe enceinte et veut avorter. Elle va alors s’aider de sa colocataire Ottila et d’un “faiseur d’anges”. Comme paiement, celui-ci demande à Ottila de coucher avec lui.
Dans ce film, Cristian Mungiu rend compte de la lutte brutale et sans fin pour les droits des femmes. Par l’atmosphère oppressante et pesante, il met en scène toute la violence subie par les femmes qui, pour pouvoir avorter, doivent se déposséder de leur corps. Encore une fois, la sororité et la volonté des femmes de tout faire pour leur liberté est mise en avant. Le film a reçu la Palme d’Or au festival de Cannes.
Une affaire de femmes de Claude Chabrol (1988)
Adaptation du livre éponyme de Francis Szpiner, inspiré de la véritable histoire de Marie-Louise Giraud, guillotinée pour avoir pratiqué plusieurs avortements dans les années 40. L’intrigue tourne autour de Marie Latour (Isabelle Huppert), maman de deux bambins sous le régime de Vichy et femme au foyer dont le mari est parti au front, mais dont elle s’en accommode très bien. Marie rêve de gloire, de devenir chanteuse, et de gagner son indépendance.
Claude Chabrol fait le portrait de tout type de femmes : des mères, des amantes, des amies, des battantes qui sont prêtes à tout pour disposer de leur corps. Prête à tout, même à mourir. Parce que si ce film montre bien une chose, c’est à quel point les femmes peuvent se sentir dépossédée de leur propre chair. Ce n’est pas seulement « une histoire de femmes », mais l’histoire de toutes les femmes qui veulent avoir le choix d’appartenir seulement à elles-mêmes.
L’événement d’Audrey Diwan ( 2021)
Ce film est l’Adaptation du récit autobiographique de l’autrice Annie Ernaux, racontant son avortement clandestin dans les années 60, alors que la contraception n’était pas encore autorisée. Brillante étudiante en lettres, Anne voit ses projets d’avenir stoppés net lorsqu’elle apprend être enceinte. Commence alors une véritable course contre la montre pour la jeune femme qui est prête à tout pour avorter. Seule contre tous, la jeune femme se tourne vers la clandestinité, consciente qu’elle ne pourra pas faire autrement.
Dans ce parcours du combattant douloureux et stressant, Audrey Diwan filme l’expérience réelle d’un avortement clandestin. Aussi sensible que brutal, le film marque par sa puissance, sa proximité et ce portrait d’une jeune femme qui ne veut pas renoncer à son avenir. C’est aussi l’occasion d’aborder le désir de sexualité et d’émancipation des femmes qui n’ont pas pour seul but de devenir mères. Une histoire bouleversante.