Les autrices à lire si on aime Annie Ernaux : top 4 des livres d’autofiction à lire (ou relire)

L’écrivaine Annie Ernaux, prix Nobel de littérature 2022, a construit au fil des décennies une œuvre presque essentiellement autobiographique, très souvent considérée comme de l’autofiction. Ce néologisme, inventé par l’écrivain Serge Doubrosky, est défini par ce dernier comme « un récit dont la matière est entièrement autobiographique, la manière entièrement fictionnelle ». 

Article écrit par Emmanuelle Faguer

Nous avons eu envie de vous dresser une liste d’autrices qui ont, elles-aussi, entretenu des liens étroits entre la fiction et le réel. Si vous aimez l’œuvre d’Annie Ernaux, cette liste de romans est pour vous !

Colette, La naissance du jour, 1928, Flammarion

Si Serge Doubrosky s’attribue l’invention du concept d’autofiction, il reconnaît que le procédé existait bien avant lui, notamment chez Colette. 

En effet, dans La naissance du jour, publié en 1928, l’autrice, âgée de 55 ans, nous livre un récit à la première personne qui se veut tout d’abord rétrospectif, avec une réflexion sur sa mère. Puis elle emmène le lecteur dans un été à Saint-Tropez, narré sous la forme d’un journal où l’on suit rencontres, discussions et intrigues amoureuses. Enfin, les dernières pages sont pensées comme une réflexion sur le monde. 

Le « roman » (s’il en est un) joue sur un troublant pacte autobiographique. L’autrice dit d’emblée « Imaginez-vous, à me lire, que je fais mon portrait ? Patience : c’est seulement mon modèle ». Entre fiction et réalité, elle nous emmène dans un récit plein de poésie, une réflexion sur la vie, l’amour et le temps qui passe.

À sa sortie, elle dira aux critiques qui n’ont pas compris son récit : « Vous avez flairé que dans ce roman le roman n’existait pas ». 

Simone de Beauvoir, Les mandarins, 1954, Ed Gallimard

Les mandarins met en scène un groupe d’intellectuels au sortir de la seconde guerre mondiale. S’il n’est pas explicitement dit qu’il s’agit d’un récit autobiographique, les personnages sont des ersatz de Jean-Paul Sartre, Albert Camus et Nelson Algren (l’amant de Simone de Beauvoir à qui elle dédie le roman). 

L’œuvre est centrée sur la place de l’écrivain dans un monde post guerre mondiale, et questionne le rôle social et politique des intellectuels. C’est une plongée au plus près du réel dans un Paris détruit par six années de guerre. 

 « Nous avons toujours pensé qu’on n’écrit pas pour écrire. A certains moments, d’autres formes d’action sont plus urgentes.

Pas pour vous, dis-je. Vous êtes d’abord un écrivain.

Tu sais bien que non, ce qui compte d’abord pour moi, c’est la révolution.

Oui, dis-je, mais le meilleur moyen que vous ayez de servir la révolution, c’est d’écrire vos livres. » (P63) 

Les mandarins reçoit le prix Goncourt en 1954.

Amélie Nothomb, Une forme de vie, 2010, Ed Albin Michel 

Ce roman, publié en 2010, relate une relation épistolaire fictive entre Amélie Nothomb et Melvin Mapple, un soldat américain devenu obèse. L’autrice choisit de se mettre elle-même en scène dans cet échange épistolaire avec un lecteur, échange qui nourrit sa créativité. Elle réussit même à convaincre le soldat d’utiliser son corps comme « body art » pour protester contre la guerre en Irak. Grâce à l’autrice, il trouve une galerie en Belgique qui accepte de l’exposer. 

Il est connu qu’Amélie Nothomb entretient une relation épistolaire avec nombreux de ses lecteurs. C’est sûrement là que l’idée d’un roman est venue : se livrer, montrer une facette méconnue de l’autrice et évoquer son plaisir d’échanger avec ses lecteurs à travers des lettres.

« Tu le sais : si tu écris chaque jour de ta vie comme une possédée, c’est parce que tu as besoin d’une issue de secours. Être écrivain, cela signifie chercher désespérément la porte de sortie. »

Vanessa Springora, Le consentement, 2020, Ed Grasset 

C’est le récit bouleversant de V, 14 ans, jeune fille passionnée de littérature, dont le père est absent et la mère distante. Elle rencontre G à un dîner. Cet écrivain de plus de plus cinquante ans va alors lui faire une cour assidue et lui envoyer des lettres enflammées. Elle est conquise, troublée, flattée. Ils vont commencer à se fréquenter. C’est le récit d’un prédateur protégé par le milieu intellectuel. C’est l’époque d’une certaine de libération des mœurs où les mineurs ne sont pas protégés. C’est enfin l’histoire universelle de la notion de consentement. Un récit à lire et relire.

Les initiales donnent une forme de distance fictionnelle à un texte qui est profondément autobiographique : c’est l’histoire de Vanessa Springora (l’autrice) et celle de Gabriel Matzneff (son bourreau).

« Parce qu’écrire, c’était redevenir le sujet de ma propre histoire. Une histoire qui m’avait été confisquée depuis trop longtemps. »

Un livre essentiel dont la description du viol évoque de nombreux passages de Mémoire de fille d’Annie Ernaux, publié en 2016.

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