5 livres pour mieux comprendre la crise écologique

Tous les jours, les réseaux sociaux et les médias diffusent des informations sur les crises écologique, climatique, environnementale… De manière paradoxale, cette surabondance d’informations est souvent dissociée d’une critique sociale. Nous vous proposons dans cet article cinq livres qui permettent de mieux comprendre la crise écologique et surtout, les systèmes, structures, organisations, réseaux, représentations et modes de pensées qui en sont la cause.

Article écrit par Victor Poilliot

Faire partie du monde. Réflexions écoféministes, Collectif (2017)

L’écoféminisme, pour faire très simple, s’intéresse notamment aux liens et similarités pouvant être établies entre oppression patriarcale et exploitation-dégradation de l’environnement, et comment ces liens nous informent sur les dynamiques de domination. Dans ce recueil, les différentes autrices se penchent sur des problèmes locaux (au Canada) pour analyser des phénomènes à l’échelle globale : extractivisme, dégradation des conditions de vie des autochtones et destruction de leur milieu de vie par les acteurs économiques et politiques, privatisation des ressources au détriment du bien-être des populations les plus défavorisées. Beau travail éditorial que le rassemblement dans un même livre de perspectives aussi diversifiées : luttes décoloniales, pensées féministes, philosophie, sociologie, pensées décroissantes, véganisme, antispécisme.

Nous conseillons le texte de Catherine Beau-Ferron où elle parle de la perpétuation des modèles classiques de division genrée du travail dans la vie quotidienne en milieu rural et plus particulièrement de l’invisibilisation du travail domestique des femmes dans des lieux pensées comme décroissants et alternatifs. Nous conseillons aussi le texte « Donnez-leur des pipes et du steak » d’Elise Desaulniers, directrice générale de la SPCA de Montréal (Société pour la Prévention de la Cruauté envers les Animaux), dans lequel elle rappelle les liens entre consommation carnée, masculinité et patriarcat.

Quand la forêt brûle. Penser la nouvelle catastrophe écologique, Joëlle Zask (2019)

L’été dernier, l’été avant celui-là, et l’été d’avant encore, des milliers d’hectares de forêts ont brûlé en France, et dans le monde on parle de millions d’hectares brûlés chaque année. Parmi les pays les plus touchés par les mégafeux : l’Australie, le Brésil, le Congo, les Etats-Unis, la Russie. Les mégafeux désignent des incendies, généralement des feux de forêt, qui par leur résistance et leur développement particulier s’étendent sur de très larges zones ; provoquer leur extinction est très compliquée.

Dans son essai, la philosophe Joëlle Zask désigne ces feux comme le « symptôme spectaculaire du réchauffement climatique », ils sont la conséquence concrète de sociétés qui dégradent leur environnement. Les mégafeux nous mettent l’humain face à son incapacité à contrôler la « nature » mais aussi au fait qu’il est impossible de renier sa responsabilité par rapport à ces terribles incendies. L’autrice a construit son essai comme une suite de courts chapitres, ce qui représente un avantage pour la concision de la lecture mais représente aussi un désavantage pour la compréhension de nombreuses idées, on peut donc regretter l’aspect bref de certains développements. Malgré cela, ce livre mérite d’être remarqué puisqu’il s’agit d’un des rares ouvrages en français consacré au phénomène grandissant des mégafeux.

Les Bergères de l’Apocalypse, Françoise d’Eaubonne (1977)

Françoise d’Eaubonne a été tout au long de sa vie une femme engagée et pionnière dans ses réflexions sur les liens entre oppression patriarcale et désastre écologique. Elle a d’ailleurs participé à la création du terme d’écoféminisme pour montrer les rapports entre ces deux phénomènes.

Les Bergères de l’Apocalypse raconte l’histoire de la Grande Guerre des Sexes à travers les yeux d’Ariane, historienne de la fin du XXIe siècle. La lecture est captivante puisque l’on découvre en même temps que les recherches de la narratrice les combats menés par les guerrières engagées dans la destruction des « fécondateurs ». Ce livre est troublant sous plusieurs aspects : la description d’un monde ravagé par les catastrophes (climatiques, technologiques, sociétales) nous fait frémir lorsque l’on pense à notre propre futur ; les décisions prises durant la guerre contre les « fécondateurs » questionnent nos conceptions de la justice et des modes d’actions adaptés pour arrêter la dégradation de l’environnement par les activités humaines ; les descriptions des rapports entre les personnages interrogent aussi les manières d’aimer et de faire famille. Françoise d’Eaubonne réussit avec ce roman à aborder des problématiques centrales dans les débats actuels sur la crise écologique.

La recomposition des mondes, Alessandro Pignocchi, (2019)

Alessandro Pignocchi est auteur de bande-dessinée, il utilise le dessin pour décrire ses expériences d’anthropologue et pour imaginer des mondes où le rapport à l’environnement serait différent de celui qui est majoritaire aujourd’hui en Occident. Sa création d’univers au sein de son travail de bédéiste est directement inspiré de ses recherches anthropologiques ainsi que de celles de Philippe Descola. Ils ont comme point commun d’avoir travaillé auprès des Jivaros Achuar d’Equateur.

La recomposition des mondes retrace une enquête cette fois-ci menée en France et plus particulièrement dans la ZAD (Zone à Défendre) de Notre-Dame-des-Landes. Cette bande-dessinée fait suite à ses albums précédents puisqu’il est toujours question de lieux (une ZAD ou un village Achuar) où s’expriment des rapports particuliers à l’environnement. En menant l’enquête à Notre-Dame-des-Landes, Alessandro Pignocchi propose aux lecteur.ices de considérer ce lieu comme le potentiel espace d’expansion d’une pensée qui remet en cause la domination de l’« Homme » sur la « Nature ».

Héritage et fermeture. Une écologie du démantèlement, Emmanuel Bonnet, Diego Landivar et Alexandre Monnin (2021)

Les centrales nucléaires, les mines de charbon, les plateformes pétrolières, toutes ces infrastructures ont un impact sur l’environnement, elles s’avèrent destructrices lorsque leur fonctionnement est compromis par une erreur de manœuvre ou par un accident grave (tremblements de terre, tsunamis, explosions, incendies).

Les auteurs revisitent la notion de commun si chère aux nouvelles pensées du futur écologique qui imaginent un monde où la gestion de certains communs (eaux, forêts, rivières, jardins, des friches) reviendraient à une communauté ayant comme objectif premier la préservation de la ressource. Ils proposent la notion de communs négatifs (les centrales nucléaires, les zones contaminées et polluées, les déchets, les modèles économiques et managériaux dominants). Pour contrer les catastrophes contenues dans ces objets, les auteurs proposent une pensée du démantèlement. Ce livre est à la fois une critique et un manuel de sortie de la Technosphère.

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