Oscars 2023 : oeuvres intimistes, blockbusters, records d’inclusivité et discrimination latente 

The Oscars season is upon us ! La 95ème édition de la cérémonie de récompense se déroulera le 13 mars et sera présentée par Jimmy Kimmel. Quoi de mieux pour s’immerger dans cette saison des Oscars que de jeter un coup d’œil à la liste des films nommés ? 

Les quatre Oscars de Katharine Hepburn

Article écrit par Cloé Garnier

Les films les plus nommés : éclectisme

Les onze nominations pour Everything, Everywhere All at Once placent le film de Daniel Scheinert et Daniel Kwan en tête des longs-métrages retenus par l’Académie des Oscars pour cette 95e cérémonie. Ce film, qui raconte l’histoire d’une propriétaire de laverie plongée au cœur du multivers, devance notamment le long-métrage allemand À l’Ouest rien de nouveau (9 nominations), la tragi-comédie irlandaise Les Banshees d’Inisherin (9 nominations), le biopic Elvis (8 nominations), et le très intime The Fabelmans de Steven Spielberg (7 nominations). Côté français, malheureusement, le long-métrage d’Alice Diop Saint Omer n’a pas été sélectionné parmi les cinq candidats au Meilleur film international. Cependant le doux, sensible et poignant Close de Lukas Dhont y représentera la Belgique et la francophonie. 

Une année record pour les nominations d’acteur.ices asiatiques

Bien que deux des trois derniers lauréats du meilleur film aient été réalisés par des cinéastes asiatiques, l’Académie n’a pas été à la hauteur lorsqu’il s’agit de nommer des interprètes d’origine asiatique. Des films comme Parasite n’ont même pas obtenu une seule nomination pour leurs acteur.ices. Mais les nominations de mardi dernier, qui ont vu les acteurs de Everything Everywhere avec Michelle Yeoh, Ke Huy Quan et Stephanie Hsu, être sélectionnés aux côtés de l’actrice secondaire de The Whale, Hong Chau, ont établi un record pour le plus grand nombre d’acteurs d’origine asiatique jamais nommés en une seule année. À 60 ans Michelle Yeoh est devenue seulement la deuxième femme asiatique à être nommée pour l’Oscar de la meilleure actrice. La première, Merle Oberon, a caché ses origines asiatiques lorsqu’elle a été nommée en 1935, il y a presque 90 ans. Pour sa part, Stephanie Hsu est la première actrice lesbienne jouant un personnage lesbien à être nommée depuis que Ian McKellen l’avait été pour Gods and Monsters en 1998. 

Dans la catégorie du meilleur acteur, cinq nouveaux visages

Bien que la catégorie du meilleur acteur soit généralement composée de vétérans de plus de 40 ans, et que les mêmes noms célèbres soient souvent nommés (on pense à Tom Hanks nommé six fois ou encore Brad Pitt et Christian Bale, quatre fois chacun), cette année la tendance s’est inversée. Tous les hommes de la catégorie du meilleur acteur sont nommés pour la première fois, de Paul Mescal, 26 ans, à Bill Nighy, 73 ans. La dernière fois que l’ensemble de la liste des meilleurs acteurs était composée de personnes nommées pour la première fois, c’était en 1935, lorsque seuls trois hommes avaient été nommés. La liste de cette année est donc le bol d’air le plus frais parcourant l’Académie depuis près d’un siècle. 

Des oubliés significatifs 

Il est très étonnant de voir des films événements et de grande stature comme Babylon de Damien Chazelle, sur la vie tumultueuse et scandaleuse du Hollywood au tournant du muet au parlant, et She Said de Maria Schrader sur l’affaire Weinstein, expurgés des sélections phare de ce cru 2023. Est-ce la teneur sulfureuse du film de Chazelle sur Hollywood, qui est un flop au box-office américain, et le malaise dans la profession faisant suite à l’incarcération du producteur Harvey Weinstein pour viols et harcèlement sexuel, qui ont conduit à de tels oublis ? La coïncidence est troublante.

Un autre oubli récurrent dans l’histoire des Oscars concerne les films d’horreur. Lorsque le premier film de Jordan Peele, Get Out, a réussi à obtenir quatre nominations aux Oscars et une victoire pour le meilleur scénario original en 2018, cela a ressemblé à un moment sans précédent pour le genre, souvent boudé du cinéma dans son ensemble. Cependant, la dernière réalisation en titre de Peele n’a pas reçu une seule nomination cette année. Car s’il y a quelque chose que les Oscars aiment avant tout, ce sont les films décrits comme des « lettres d’amour au cinéma ». Après les années d’isolement causées par la pandémie, la tendance actuelle des Oscars est de récompenser les films qui ont ravivé la fréquentation des salles de cinéma l’année dernière ou qui conservent une révérence pour l’expérience en salle.

À première vue, Nope semble correspondre à cette catégorie. Il s’agit d’un film populiste, juste assez complexe et intelligent pour être salué par la critique, à l’instar de Everything Everywhere All at Once. On pourrait penser qu’il s’agit là d’une recette instantanée pour un succès aux Oscars, mais Nope possède un attribut important qui le sépare du reste du peloton et le rend inacceptable pour un Hollywood narcissique. L’amour de Peele pour l’histoire du cinéma et l’acte de réaliser des films dans son troisième long-métrage est évident, mais il est également marqué d’un cynisme crucial. La quête du « plan parfait » de OJ (Daniel Kaluuya) et Emerald (Keke Palmer) est marquée du sang de l’exploitation hollywoodienne. Sentiment d’humiliation du monde Hollywoodien, ou racisme latent qui ne permet pas à l’Académie de nommer plus d’un film n’ayant pas des acteur.ices et réalisateur.ices en majorité blancs ? L’Académie fait en tout cas face à de nombreuses critiques face à ce snobisme évident et injustifié. 

Où sont les femmes ?

Après deux années consécutives où une réalisatrice a remporté l’Oscar du meilleur réalisateur, cette tendance s’est arrêtée net mardi dernier lorsqu’aucune femme n’a été nommée dans cette catégorie. Cette année, les réalisateurs Martin McDonagh (Les Banshees d’Inisherin), Daniel Kwan et Daniel Scheinert (Tout partout à la fois), Steven Spielberg (The Fabelmans), Todd Field (Tár) et Ruben Östlund (Triangle de la tristesse) seront en compétition dans cette catégorie. Cependant, Sarah Polley, qui a réalisé Women Talking, Maria Schrader, qui a fait She Said, ou encore Gina Prince-Bythewood, qui a réalisé The Woman King, auraient pu figurer dans cette catégorie. 

Les réalisatrices brillent également par leur absence dans la section des meilleurs films. Sur les dix longs-métrages en compétition, seul Women Talking est nommé. Ce déséquilibre a donné naissance au hashtag #OscarsSoMale (les Oscars trop masculins). Steven Spielberg a reçu sa neuvième nomination dans la catégorie « Meilleur réalisateur », rejoignant Martin Scorsese comme deuxième film le plus nommé dans cette catégorie, derrière 13 de William Wyler.

Suite à la publication de la liste, l’organisation américaine Women In Film a protesté dans un communiqué relayé par Variety mardi 24 janvier contre l’absence de femmes parmi les nominés pour l’Oscar du meilleur réalisateur. « Une fois de plus, l’Académie a montré qu’elle ne valorise pas la voix des femmes en nous excluant des nominations pour l’Oscar du meilleur réalisateur », indique le communiqué. Seules sept femmes ont concouru pour le titre de meilleur réalisateur dans l’histoire des Oscars. Trois d’entre elles ont remporté le prix : Kathryn Bigelow en 2010, Chloé Zhao en 2020 et Jane Campion en 2022. Ce n’est pas la première fois que les Oscars sont accusés de discrimination. En 2016, le hashtag #OscarsSoWhite (Oscars trop blancs) avait été créé, pointant du doigt le manque de diversité de la cérémonie. 

La France pourrait connaître la même polémique, puisque la liste des nominés pour les César a été dévoilée mercredi 25 janvier. En cause, l’absence totale de femmes dans la catégorie « Meilleur réalisateur », qui, de Cédric Klapisch à Cédric Jimenez en passant par Louis Garrel, a donné au cinéma français des allures de boy’s club. Face à cette déception, le magazine Causette a trouvé une solution en annonçant vendredi 27 janvier dans un communiqué de presse son intention de lancer son « Prix Cléopâtre, pour récompenser les meilleures réalisatrices (snobées par les Césars) ». Ce prix « sera composé de deux récompenses, l’une décernée par nos lecteurs, l’autre par notre rédaction », a annoncé la rédaction de Causette. Les deux lauréats (Prix du jury et Prix du public) seront annoncés le 24 février, jour de la cérémonie des Césars. Un système de vote en ligne sera disponible sur le site du magazine jusqu’au 10 février.

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