L’association des Zinzolins, depuis sa création en octobre 2020, ose rêver, créer, imaginer, tout en étant soucieux du travail bien fait. Fidèles à leurs engagements sociaux et écolo, Les Zinzolins permettent à des personnes talentueuses et motivées de s’épanouir dans des rôles de cinéma qui les intéressent. Leur logo, qui représente le positionnement des mains des réalisateurs pour voir et imaginer leurs cadres, simple et efficace, s’inspire d’autres collectifs qu’ils admirent comme Kourtrajmé ou encore Les Parasites. Nous sommes allés à leur rencontre, pour découvrir le making-off de leurs projets et comprendre ce qui les anime.
Propos recueillis par Maude Vuillez
Cette aventure de cinéma, entre potes, est-ce un challenge ?
Virgile Duranton : Dès lors que l’on travaille avec des personnes passionnées, c’est facile de se lancer. En revanche, le plus difficile pour moi et on l’a ressenti lors de la production, c’est l’absence de soutien des institutions. C’est très dur d’avancer sans financement et à budget réduit dans le milieu du cinéma. On a tous dû mettre de notre poche pour porter ce projet à terme.
Clothilde Zanotti : Lorsqu’on est bien entouré.e comme on l’est, se lancer devient plus une formalité. Je rejoins Virgile sur l’absence de soutien. L’argent est nécessaire pour nourrir ou défrayer les transports, ce qui est le minimum pour une équipe bénévole. Alors il faut compter sur son propre porte-monnaie, et à 20 ans et quelques, il n’est pas bien gros.
Florian Poupin : Je pense que notre envie de faire des projets était plus forte que la “peur” de se lancer. Mais effectivement le plus dur est de trouver de l’argent. Mais c’est aussi ça qui me plaît, le challenge d’avoir une idée, pas d’argent et de trouver des petites débrouilles pour la réaliser.
Léontine Nivet : Je pense que l’envie nous dévorait tellement que c’était impossible de résister et de ne pas se lancer. Malgré tout, il faut quand même s’autodiscipliner et se donner les moyens de réussir. C’était quand même une pause dans nos études, pour créer les Zinzolins, il a fallu sortir d’un schéma d’études classiques. Il faut donc être bien accroché et valoriser réellement ce temps un peu “rebelle” de notre parcours, organiser son temps pour pouvoir vivre quand même à côté de l’association… mais faire tenir, et développer Les Zinzolins, ça vaut le coût de se lancer à fond !
Comment travailler en équipe ?
Virgile : La communication et le respect sont les mots d’ordre des Zinzolins. On organise régulièrement des réunions pour mettre en commun les projets et leur avancée, mais aussi pour discuter de nos soucis, de nos inquiétudes, etc. L’important, c’est que tout le monde ait le droit de parole et se sache écouté.e. On porte une attention toute particulière à ce que chacun puisse s’occuper, sur l’ensemble des tournages, de la réalisation, la scénarisation, des costumes, des décors, etc.
Clothilde : Je rajouterai la bienveillance et la passion de ce qu’on fait ! C’est vraiment agréable de se sentir soutenu et/ou de soutenir sur des tournages stressants, où il y a beaucoup d’imprévus à gérer. On aime tellement ce qu’on fait que ça nous arrive, après un long tournage, de discuter de travail jusqu’à 3/4h du matin. Alors qu’on devrait simplement se reposer pour le lendemain.
Florian : La communication est la clef dans le travail en équipe. On essaye d’écouter les autres, toujours dans la bienveillance. Le fait qu’on se connaisse depuis quelque temps aide énormément également. Car nous savons comment les uns et les autres fonctionnent et nous avons surtout une confiance et un respect mutuel très forts.
Léontine : Tout pareil ! Au sein des Zinzolins on essaie vraiment de savoir qui veut faire quoi, qui veut s’impliquer dans quels projets, le principal est que chacun·e participe à hauteur de ses envies. Ça peut ne pas être dans la création pure de projets audiovisuels mais dans la communication, dans le développement de la charte écologique de l’association, dans les jobs qu’on fait pour gagner de l’argent pour l’association (ex : intervenant.e dans un mini-camp de vacances cet été), etc. Et on essaie de faire ça en étant le plus honnête et le plus à l’écoute possible des autres.
Parlons de Terreur Nocturne. Pourquoi le format Web-Série ?
Virgile : Lorsque l’on a créé l’association, on avait plein de projets en tête. Malheureusement, le Covid et le deuxième confinement ont stoppé tous ces projets qui se déroulaient en extérieur, dans des restaurants, etc… On a donc réfléchi à un nouveau concept qu’on pourrait réaliser en temps de confinement : c’est pour cette raison que beaucoup des épisodes de Terreur Nocturne sont tournés en intérieur, dans des lieux privés. C’était une manière de rebondir et de continuer à tourner et à créer dans des conditions acceptables. Et puis le format de Web-série d’anthologie nous donnait la liberté d’écrire, de produire et de tourner au fur et à mesure, de suivre un cap sur ces 9 mois de création.
Florian : En effet, le format anthologique permet à chacun d’explorer des styles d’horreur, des mécanismes différents et de tous s’amuser sur des projets différents, mais avec une esthétique et un cadre commun.
Quel est votre meilleur souvenir de tournage ?
Virgile : On a tourné 20:12 en périphérie de Bernardswiller, en Alsace. Malgré l’autorisation de tournage et la prévention qu’on avait instaurée, plusieurs personnes ont cru à un véritable kidnapping et ont prévenu la gendarmerie. Nous nous sommes retrouvé à expliquer à des gendarmes que les hommes encagoulés dans un van blanc ne présentaient pas de danger. Ils ont très bien réagi et nous ont laissé continuer à filmer. On espère n’avoir traumatisé aucun habitant de Bernardswiller pendant ce tournage… !
Florian : J’ai de très bons souvenirs de tournages sur Terreur Nocturne, je pense que la fin de tournage de 00h00 est un souvenir particulièrement touchant, car c’était le dernier tournage de la série, le plus ambitieux, le plus fatiguant, et annoncer cette fin de tournage était émouvant.
Clothilde : La fin de 00h00 bien évidemment, la consécration et le soulagement total ! Plus généralement, le moment que je préfère est celui juste après une prise où je m’isole avec Florian, Virgile et Léontine pour visionner une prise et qu’on regarde toustes éberlué.e en se disant “YES CA MARCHE!!!”. Ces moments-là furent particulièrement forts lorsqu’on a validé les prises de 22h47, de 20h12 et de 00h00.
Léontine : 20:12 l’arrivée des gendarmes !! Ils ont étés supers sympas et c’est une sacré anecdote. Sinon je dirais le premier week-end de tournage qu’on a fait en extérieur. Globalement, ça nous a beaucoup professionnalisé, on a eu notre première route barrée et quel plaisir de ne plus être limités à Strasbourg pour tourner (le COVID nous limitant avant).
Quelle est la place des décors et costumes ?
Clothilde : Vu que nous avons peu de moyens, les décors et costumes que nous mettons en scène sont des affaires ou des lieux que nous possédons. Il y a alors un acte assez intime de les présenter aux spectateur.trices. L’exercice est de transformer un lieu de vie en plateau de cinéma. C’est aussi le biais le plus efficace pour planter un contexte rapidement, ce qui est assez plaisant à réaliser.
Léontine : Personnellement super importante ! J’adore l’ambiance qu’on peut créer avec les décors ou costumes, c’est pour ça que dans les courts métrages que j’ai réalisés j’ai cherché beaucoup d’images de références et essayé de créer des ambiances décalées. Dans 00:35 on s’est inspirés d’esthétiques du cinéma allemand expressionniste et le rendu est magnifique ! Et dans 21:59 on s’est beaucoup inspirés de Seven pour créer une ambiance dérangée, et essayer de présenter les personnages déshumanisés et coupés au niveau des épaules, montrer que quelque chose cloche par le décor ! Comme dit Clo on fait ça à notre échelle, avec nos moyens, mais on essaie de faire ça bien !
Quelle bandes-sonores privilégiez-vous ?
Florian : La musique a une place importante dans notre vie à tous, mais également dans les films et dans nos inspirations communes. On a eu la chance sur Terreur Nocturne d’avoir le compositeur BIZOO, qui est un ami à nous maintenant. Il a travaillé dès l’étape de l’écriture de certains épisodes, pour avoir la bande-sonore qui correspondait le mieux. Dans l’horreur, les silences sont parfois plus puissants qu’une musique, on s’est amusé à jouer avec les deux.
Clothilde : La musique rythme l’image, elle sera tempo et maîtresse d’émotions. Laisser Léo (qui a fait la musique de 22h47) et Jean (BIZOO) travailler sur les rushs nous a permis de dialoguer sur ce qu’on voulait avec eux et ce fut un exercice que j’ai adoré ! Nous les orientons avec des références musicales et eux cherchent le son qui magnifie le mieux l’image.
Comment préparez-vous le dispositif du plan séquence ?
Florian : Chaque plan séquence est différent à préparer. Est-ce que c’est un vrai plan séquence ? Est ce qu’on doit faire une coupe ? Comment faire la coupe de manière la plus efficace ? Mais c’est avant tout une chorégraphie qu’on répète en avance plusieurs fois, afin que chacun sache ce qu’il a a faire. C’est une chorégraphie et pour certains presque une performance. Je pense notamment à 22h47, dans les rues de Strasbourg. Ou nous avons répété pendant presque 4 heures le jour même, pour répéter chaque section et que tout le monde soit coordonné. Finalement, nous avons réussi à le rentrer en 3 prises seulement.
Clothilde : Le plan-séquence se prépare selon moi depuis l’écriture, en tout cas pour Terreur Nocturne. Le format que nous voulions créer nous imposait un plan unique, il nous fallait alors réfléchir à une histoire dans sa forme la plus épurée, la plus fluide possible. Pour ma part, je vois le plan avant de l’écrire, j’imagine les échelles de plans, le mouvement de la caméra et la chorégraphie des acteur.trices. Puis les répétitions permettent une concrétisation et un ajustement des idées. Plus on essaye au préalable, plus on ose, moins le tournage sera difficile.
Léontine : Et je pense que le plan séquence permet des images et une sincérité des émotions qu’on adore avec Clothilde, Florian et Virgile. Donc quand on a choisi les codes de la série, on a tout de suite adoré l’idée que chaque épisode soit en plan séquence. Et ensuite de cacher chaque élément de la narration dans ce plan unique et efficace.
Votre inspiration en matière de film d’horreur ?
Florian : Je ne suis pas un gros consommateur de film d’horreur, mais j’aime le style. J’ai eu une grosse période d’adolescence où on aime se faire peur en groupe. Mais j’adore des films comme The Project Blair Witch, Insidious, The Witch. J’adore généralement les films de James Wan. Ou bien les films d’Ari Aster (Hérédité, Midsommar). J’aime les films d’ambiance, qui créent une sensation de malaise, de peur profonde. C’est ce qu’on a essayé de retranscrire de plusieurs manières avec Terreur Nocturne.
Clothilde : J’avais autrefois une hantise des films d’horreurs dû à quelques grosses frayeurs dans mon enfance mais je me suis réconciliée avec le genre via la pratique et l’étude du cinéma. Shining, autant son ambiance glaçante et tordue que son histoire, m’influence beaucoup je suppose. C’est plus le frisson, la sensation claustrophobique d’étau qui se referme sur le personnage, qui me glace. Je pense à The Witch d’Eggers, à Suspiria d’Argento, ou encore à Grave de Ducourneau et Perfect Blue de Kon.
Léontine : Pour ma part j’ai toujours beaucoup aimé les films d’horreurs, j’en regardais massivement au lycée. Ce qui me plaît c’est la tension, et l’attention dans laquelle est plongée le spectateur·rices. Dans les films d’horreur on cherche toujours à comprendre ce qu’il va se passer, on se dit que le personnage devrait faire ça ou pas ça pour s’en sortir, mais dans tous les cas on est impliqués ! J’aime plus les films d’horreurs qui développent un scénario réfléchi comme It Follows de David Robert Mitchell ou 10 Cloverfield Lane de Dan Trachtenberg, ceux d’action comme Dernier train pour Busan de Sang-ho Yeon ou La cabane dans les bois de Drew Goddard qui déconstruit la narration stéréotypée des films d’horreurs ou ceux penchés sur l’esthétique comme Le labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro.
Citez-moi votre film incontournable.
Virgile : C’est difficile de n’en choisir qu’un. Pour moi, le top 3 serait : Three Billboard (Martin McDonagh, Juste la fin du monde (Xavier Dolan) et Le Château dans le ciel (Hayao Miyazaki).
Clothilde : Aucun de nous quatre ne réussira à n’en citer qu’un aha ! Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma est impossible à ne pas citer, je rajouterai aussi True Romance de Tony Scott et Boyhood de Richard Linklater.
Florian : Effectivement impossible d’en choisir qu’un, mais je dirais Le monde est à toi de Romain Gavras, Boyhood de Richard Linklater en effet, et puis au hasard, L’Etrange Histoire de Benjamin Button de David Fincher (dur de choisir aha !)
Léontine : Hop, comme c’est acté voilà mes trois films : Thelma&Louise de Ridley Scott, Kill Bill de Tarantino et le Château ambulant de Hayo Miyazaki… (mais c’est une liste ouverte !)
Quel est l’avenir des Zinzolins ?
Florian : Les Zinzolins se sont agrandis cette année, avec 3 nouveaux membres officiels. On a des projets de courts métrages, et on a surtout envie de repartir en écriture pour avoir des nouvelles idées. On participera également toujours à des 48h également, car c’est un exercice qui nous plait particulièrement.
Clothilde : Flo reste très mystérieux mais on a deux trois choses sur le feu, spécialement un court qui verra le jour courant 2022. Effectivement l’envie de repartir en écriture est assez équivalente dans l’équipe, l’idée de nouveaux concepts est assez alléchante.
Léontine : Repartir en écriture bien sûr ! On a plein d’idées qui ne demandent qu’à être développées et peaufinées. En attendant d’y voir plus clair je dirais qu’avec nos nouveaux membres, notre gain d’expérience, et tant d’autres nouvelles forces, on va vers des projets de plus en plus qualitatifs, avec une équipe toujours plus motivée et bienveillante !
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