À l’heure où chacun veut redonner du sens à sa vie, l’engagement semble être devenu la star de notre quotidien. On ne vit plus que pour faire entendre notre voix, dans la rue pour les plus audacieux et en ligne pour les plus discrets. Mais ces actes de soutien sont-ils réellement dénués d’intérêt pour tout le monde ?
Article écrit par Laury Peyssonnerie
Le militantisme performatif : qu’est ce que c’est ?
Le militantisme performatif, ou slacktivisme pour les anglophones, est une prise de position soutenant une cause sur les réseaux sociaux. Connoté négativement, ce terme dénonce l’aspect superficiel de ces discours « engagés » qui ne sont jamais vraiment suivis d’actions concrètes. En d’autres termes, tout en partageant des publications sur l’impact environnemental et humain de Shein, certains continuent de passer commande sur les sites de fast fashion.
En dépit d’une hypocrisie qui s’applique à tous les sujets (ils ne vont quand même pas tous boycotter la coupe du monde au Qatar!), seule leur image sociale compte. Si ces comportements visent à démontrer un engagement quelconque, ils sont surtout révélateurs d’un symptôme d’individualisme grandissant. Dans un élan d’inconscience, ces partages ne font, en réalité, que flatter leur ego.
Ce serait d’ailleurs mentir que de dénoncer « les autres » sans préciser que nous sommes tous et toutes tombé.e.s dans le piège du slacktivisme. Et c’est totalement normal, car les réseaux comme Instagram nous poussent continuellement à suivre le culte de l’image parfaite. Ce moule qui s’est longtemps résumé au physique, vit aussi désormais à travers un étalage de valeurs. Dans cette logique, s’engager à travers son compte, c’est donc placer l’altruisme au cœur même de son identité. Enfin, c’est ce qu’Instagram nous laisse croire.
Plus qu’une mode, une stratégie marketing
Non, ce n’est pas une mode d’être engagé. Et pourtant, ça en a tout l’air… Et c’est là que se situe le cœur du problème. Cette course au militantisme vient tout droit de chez ceux qui y trouvent leurs comptes : les profils au pouvoir d’influence, soit les personnalités publiques et les entreprises.
Par un discours de marque engagé, leur communication sur les réseaux sociaux affiche des valeurs exemplaires. Et au final, c’est ce que les consommateurs recherchent : pouvoir s’identifier à des marques et des personnalités qui incarnent de vraies idées. Ce qu’ils ne voient pas toujours, c’est le revers de la médaille: le fameux wokewashing. En clair, les intentions des profils certifiés sont souvent bien loin d’être désintéressées. Et le capitalisme n’y est pas pour rien. Derrière ces beaux discours se cache une stratégie marketing affûtée, qui vise à accroître leur notoriété en s’inventant des engagements qui ne reflètent en rien la réalité. En plus de décrédibiliser les causes qu’ils prétendent soutenir, cet océan d’hypocrisie noie les comptes qui militent véritablement en faveur d’une cause. C’est peut-être le plus regrettable.
Une forme de militantisme qui n’a pas à rougir de son efficacité
Certes, la finalité du militantisme performatif n’est en rien louable. En revanche, les messages qu’il diffuse semblent mériter davantage de considération. En changeant de perspective, on peut aussi se rendre compte que cette forme d’engagement, quoi qu’elle cache, donne de la visibilité à bon nombre de combats grâce aux réseaux sociaux. D’un clic, n’importe qui peut s’éduquer sur un sujet et éveiller les conscience grâce à un partage.
Quand les médias traditionnels faisaient l’autruche sur la situation des Ouighours ou encore sur le mouvement Black Live Matters, le monde du digital s’affolait. Des milliers de publications ont été relayées et autant de carrés noirs ont été publiés… Stratégie ou pas, ces comptes ont pris le parti de ne pas invisibiliser ces causes. Si ce soutien n’a pas changé le monde, ne serait-ce pas une première étape vers l’engagement ? L’évolution du discours sur ces modes de communication ne trace-t-elle pas le chemin vers de véritables actions ?