Karukera One Love 2023 : quand la Caraïbe revendique ses couleurs en plein de cœur de l’hexagone

Les 9 et 10 septembre s’est tenue la troisième édition de la Karukera One Love. Guadeloupe, Martinique, Guyane, Haïti, la Réunion, Jamaïque, … le festival a donné rendez-vous à la communauté caribéenne à Torcy (77) pour la deuxième année consécutive. Mauvaise Graine Magazine était aussi de la partie.

Article écrit par Laury Robert

Il est 18h et le soleil semble lui aussi vouloir continuer la fête. Les rayons de cette fin d’après-midi ensoleillée se mêlent aux tenues multicolores des festivaliers. C’est sur la plage de Torcy que la Karukera One Love (KOL) a posé ses quartiers ce week-end du 9 et 10 septembre.

Presque une évidence : il fallait bien une plage pour un événement qui réunit la Caraïbe et porte le nom amérindien – originel – de la Guadeloupe, surnommée « l’île aux belles eaux ».

Né en 2017, le festival de musique caribéenne s’est installé sur la base de loisirs de cette commune de Seine-et-Marne (77) depuis 2022. Au programme : de la danse, de la cuisine locale, des activités nautiques, de la boisson, mais surtout beaucoup de musique.

L’objectif : mettre à l’honneur la Caraïbe et les Antilles, leurs traditions et leurs cultures.

L’avant-goût

Dans la navette qui conduit les festivaliers de la gare RER de Torcy à la base de loisirs, les rires fusent. L’excitation pointe chaque fois un peu plus. Les discussions sont enjouées, l’esprit bon enfant. « Ne fais pas comme l’année dernière », taquine un jeune homme en s’adressant son amie, assise à côté de lui.
Dans l’enceinte du festival, l’ambiance est à la plage. Ensembles en crochet, costumes d’inspiration brésilienne, maillot de bain : ça pétille de couleurs et de paillettes, dans des tenues réalisées d’une main de maître toutes plus extravagantes les unes que les autres.

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« C’est bizarre parce que dans le RER les gens sont de mauvaise humeur, ça change », note Rachida, venue pour la première fois avec quatre amies. Trois mots pour décrire la KOL : « je dirais bonne ambiance, tolérance, cosmopolite », énumère-t-elle.

Cosmopolite… les couleurs des drapeaux des différentes îles de la région se mélangent dans un paysage arc en ciel. Portés sur les épaules ou autour de la taille, ils deviennent signes de reconnaissance et de fierté.

 

Le son des caisses claires et des tambours résonnent. Le rythme, cadencé, est reconnaissable entre mille pour les habitués : le Carnaval des Antilles. Les musiciens déambulent, les danseuses ouvrent la marche.

Une fois le cortège passé, c’est un autre instrument qui se distingue. L’écho du ka, instrument traditionnel de la Guadeloupe, retentit. Le rythme vibre : jupe longue et micro à la main, la chanteuse enchaîne quelques pas de danse.

Euphorie et désappointement

Selon le présentateur sur la scène, 10 000 personnes sont rassemblées sur le site ce samedi. Mais depuis la plage, les pieds quasiment dans l’eau, la foule qui s’étend sur les buttes alentours a l’air beaucoup plus dense.

Les plus aventureux se sont risqués à rentrer dans l’eau. Chaussures, sacs, et toutes sortes d’accessoires s’empilent sur les grillages transformés en porte manteau improvisé.

Sur la scène, les artistes se succèdent. La ferveur, elle, augmente progressivement. En tête d’affiche de ce premier soir, le guadeloupéen DJ Kawest, ou encore les martiniquais Natoxie et Kima. Les artistes assurent le show, encouragés par des festivaliers qui se laissent entrainés par les mélodies.

Une relative déception pointe toutefois lorsqu’on discute avec certains spectateurs. « Ce sont nos compatriotes, mais ils se foutent de notre gueule », s’attriste un jeune homme qui préfère rester anonyme. En cause : des stands qu’il estime hors de prix. Rachida, un peu plus tôt dans la soirée, soulignait-elle aussi sa déception face aux boissons.

« Que de l’amour »

Le dimanche est quant à lui entaché par de la fraude : certains auraient tenté de duper les vigiles avec des faux billets. L’entrée est désormais chasse gardée : les personnes chargées de contrôler les entrées sont intraitables. Pourtant, tous ces désagréments n’ont pas l’air de ternir le festival. Dans la chaleur étouffante de cette fin de journée, les personnes à l’intérieur du site profitent pleinement des derniers moments de festivités.

Les festivaliers se sont tous rassemblés devant la scène, côté plage, pour écouter les vedettes de cette seconde journée. « Il y a une bonne scène, et une bonne ambiance », s’enthousiasment Grégory et Christelle. « C’est une découverte pour lui, c’est son premier festival antillais, pour moi c’est un peu un
retour aux sources », explique-t-elle. On sent la fierté qu’elle éprouve de vivre ce moment avec toutes ces personnes qu’elle ne connait pas mais avec qui elle partage des origines. « C’est ce qui est beau : de voir tout le monde réunit dans un seul festival, il n’y a pas de rancœur, pas d’animosité », poursuit-elle. Comme beaucoup ce soir, Grégory et Christelle attendent Kalash. Le rappeur martiniquais est annoncé pour la fin de soirée. La veille, certains émettaient des doutes sur sa présence, alors que l’artiste se trouvait encore en Martinique.

Mais avant cela, une fois la nuit tombée, ce sont deux artistes féminines qui s’emparent de la scène : Krissy et Shannon. Les deux chanteuses ont plusieurs collaborations ensemble. Après leur passage solo, c’est tout naturellement qu’elles interprètent un medley de leurs morceaux en duo.
Des prestations chorégraphiées et un bref jeu de rôle qui donne même lieu à une joute musicale censée mettre en scène une (fausse) concurrence entre les deux femmes. Shannon, dans les bras de Krissy, l’affirme : « il n’y a pas de guerre, que de l’amour ». Un message de sororité à ceux qui voudraient les mettre en compétition.

Kalash, roi de la Karukera One Love 2023

La soirée avance et enfin le grand moment. Au pied de la scène, les cris témoignent de l’excitation palpable. La foule est en délire.

Le rappeur n’a qu’à entonner ses titres, les 10 000 personnes présentes ce soir-là se chargent du reste. Tous les titres du rappeur, sans exception, sont chantés à tue-tête par les festivaliers. Une symbiose rare entre un chanteur et son public.

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« À tous ceux qui pensaient que j’allais rater l’avion pour rater ça », s’exclame Kalash. Ce n’est pas la seule pique : le chanteur a décidé d’interpeller la compagnie aérienne Air Caraïbes (sponsor du festival) sur les prix de ses billets en direction des Antilles.

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Le moment est particulièrement frappant sur Taken, morceau phare de l’artiste martiniquais : des premières notes jusqu’au refrain, les rôles s’inversent. Kalash devient spectateur d’une foule enivrée par la musique. Son rôle : agrémenter la chanson de quelques commentaires çà et là.

La KOL de cette année aura encore marqué un peu plus l’empreinte de la culture caribéenne dans l’hexagone, unissant toute une communauté qui y a retrouvé ses valeurs, et a proclamé sa fierté et son amour pour ses artistes.

Une trace durable qui s’étendra prochainement en Europe, puisque la Karukera One Love 2025 devrait se faire sur un paquebot aux quatre coins du continent. La culture caribéenne et ultramarine n’a pas fini de briller.

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