Frédérique Assaël est artiste peintre. Son œuvre est fragmentée, comme si chaque morceau de toile racontait une histoire. Son travail, issu d’un long apprentissage de la tradition, mêle abstraction et onirisme. Nous l’avons rencontrée.
Propos recueillis par Emmanuelle Faguer
Bonjour Frédérique, peux-tu nous présenter ton parcours en quelques mots ?
Depuis l’enfance je dessine des portraits féminins. Puis j’ai fait des études scientifiques qui m’ont donné des compétences que j’ai utilisées par la suite, notamment la chimie, avec la connaissance des couleurs et des pigments, et les mathématiques pour plus tard le dessin et la composition d’une toile. Je suis allée dans des ateliers d’art en Belgique puis en région parisienne. J’y ai appris la technique du dessin à la sanguine et au fusain. J’ai travaillé le portrait à l’envers afin d’oublier le sujet. J’ai ensuite suivi des ateliers où j’ai étudié le modèle vivant et les techniques de la peinture à l’huile à travers l’histoire de l’art. Puis je me suis engagée dans un travail plus personnel.
Quel a été ton processus de professionnalisation ?
J’ai commencé à présenter mon travail dans les salons où j’ai reçu des premiers prix (2004, 1er prix au 20ème salon de Noisy le roi. 2010, 1er Prix au salon du renouveau de Boulogne Billancourt), puis j’ai postulé aux salons officiels : Art capital au Grand Palais, le Salon d’Automne sur les Champs-Élysées… avec des jurys exigeants. Au fil des années, j’ai été reconnue et repérée par des collectionneurs. Une galerie m’a identifiée il y a deux ans. La galerie Sarto qui recherchait une écriture originale issue de l’histoire de l’art.
Dans tes portraits, tu accordes une grande importance au regard, d’où vient cette fascination ?
Comme je disais tout à l’heure, depuis l’enfance je dessine des portraits aux yeux immenses. J’ai aussi fait de la photographie avec des cadrages assez serrés où je focalisais mon attention sur le regard. Le fond est abstrait, plein de connexions nerveuses qui connectent les personnages entre eux. Mais par-dessus ce fond, je fais un dessin académique. Ce qui me parle, c’est l’imagination et l’émotion. Et pour moi, l’émotion passe par le regard.
Tu parles d’abstraction, comment définirais-tu ton travail justement ?
Je pense que mon travail est issu de la tradition. J’ai appris les techniques anciennes et ça m’a donné plus de liberté. Avec mon fond abstrait, on qualifie parfois mon travail d’abstraction figurative. On me dit que je flirte avec la bande-dessinée et le vitrail. Je ne sais pas si c’est vraiment ça. Ce qui me plaît, c’est que chaque spectateur voit quelque chose de différent.
Quelles techniques utilises-tu ?
La plupart du temps, je tends moi-même mes toiles avec du lin et je les prépare avec de la colle de peau. Après je prépare le fond abstrait et je monte le dessin avec du fusain, parfois à l’encre ou à l’acrylique. Et je termine à la peinture à l’huile. J’utilise aussi une technique ancienne du 17ème siècle qui s’appelle « la tempera grasse » à base de blanc de titane, d’œuf, et de vernis. Cela permet d’avoir un « surgissement » de la peinture. Dans l’obscurité, le tableau s’éclaire tout seul. C’était utilisé en Flandres pour éclairer les maisons sombres.
C’est un travail où les temps de séchage sont assez longs, donc je peins plusieurs toiles en même temps. Je peux en peindre jusqu’à six à la fois !
Quelles sont tes inspirations ?
Les maîtres italiens et flamands évidemment (Caravage, Raphaël, Bronzino, Vélasquez, Van Eyck). Je suis aussi fascinée par le peintre Jérôme Bosch. Sa création est complètement surréaliste pour l’époque. Après il y a Frida Kahlo, qui a utilisé sa souffrance personnelle pour créer un univers imaginaire. J’ai énormément d’admiration pour elle. Dans un genre différent, j’aime aussi beaucoup le dessinateur Enki Bilal.
Où peut-on voir ton travail de nos jours ?
Je suis toujours dans les salons annuels. Je serai au salon d’automne sur les Champs-Elysées, à Art Capital au Grand Palais éphémère. Je suis également invitée d’honneur à la mairie de Ballancourt, c’est un grand salon où beaucoup d’artistes sont passés. Il y a la galerie Sarto (Paris 7ème) qui va me faire un solo show à l’automne. Et je suis également sélectionnée au grand prix de peinture de Barbizon du 9 au 17 Octobre. Plein de projets excitants dans les prochains mois !
Pourquoi la peinture est autant un métier de transmission ?
Dans la peinture, il y a beaucoup d’apprentissage. À l’époque les grands maîtres avaient leur atelier avec leurs techniques et leurs secrets. J’ai moi-même puisé dans ces ateliers avant de trouver mes propres techniques. C’est important de les transmettre aux nouvelles générations.
Comment penses-tu que la transmission se passe de nos jours justement ?
Aujourd’hui, tout est visible sur les réseaux. C’est un support énorme pour faire émerger des talents. On voit plein de choses, des tutoriels, des autodidactes… mais un peu tout le monde s’autoproclame artiste. Tout le monde veut montrer son travail si vite. Parfois, ce n’est pas abouti et ils oublient que c’est un long processus.
Des conseils pour des artistes émergeants ?
Il faut être présent sur les salons et ne pas se décourager si on est refusés (ne pas oublier le salon des refusés où se trouvaient quand même Manet, Monet, Renoir, Pissarro… !) Ces salons sont très exigeants. Et, il faut aussi passer par des salons « accessibles », plus intimistes, où on est acceptés. Le public sera bienveillant. Et ça peut déboucher sur une vente ou un repérage, on ne sait jamais ! Dans mon parcours, quasiment à chaque fois que j’ai fait une exposition, ça a toujours débouché sur quelque chose… Ce sont des rencontres précieuses.