De la création à la production, Xavier Ridel est un véritable touche-à-tout musical. Il a sorti le 3 juillet le « petit disque », comme il l’appelle lui-même, France, 94 . Enregistré en acoustique dans un appartement en bord de Marne, cet album contraste avec Anom sorti en début d’année. Pour l’occasion, on a discuté avec celui qui se cache derrière le pseudo Waterwalls et qui a co-créé le label In Silico Records dont on vous avait déjà parlé lors de l’interview d’Uneima.

Propos recueillis par Eva Darré-Presa

Est-ce que tu peux te présenter ?

Je m’appelle Xavier, j’ai vingt-six ans et ça fait un petit moment que je traîne dans le milieu de la musique. Je suis un peu passé par tout, que ce soit les instruments ou le label.

Qu’est ce que tu écoutais étant petit et qui t’a donné envie de faire de la musique ?

J’ai toujours été un peu déchiré entre d’une part, ma mère qui écoutait beaucoup de classique et de variété française et qui faisait du violoncelle. J’ai toujours été bercé par le son du violoncelle qui est maintenant un de mes instruments préférés. Et d’autre part, mon père qui écoutait du gros punk. C’est un ancien punk et du coup il y a une sorte de contraste qui s’est créé et qui se retrouve peut-être dans ma musique. J’ai ensuite fait mon choix, je suis passé par plein de styles différents, la techno, le gabber, la cold wave, du funk, beaucoup de rap.

Pour l’artiste qui a marqué mon adolescence, je dirais Johnny Thunders. C’est un mec de la scène punk new-yorkaise des années 1977 qui est assez intéressant puisqu’il a ce côté assez destroy punk mais aussi un côté romantique. Il écrit de très belles chansons d’amour très mélodiques. Il y a toujours cette idée de contraste que je trouve très intéressant. Toujours quand j’étais adolescent, la découverte de Rowland S. Howard m’a également pas mal marqué. Son jeu de guitare (aux côtés de Nick Cave) et sa musique en solo contiennent un fond de rage, de colère, mêlé à une sensibilité très fine, et je trouve ce mélange vraiment très beau.

Tu viens de sortir l’album France, 94 le 3 juillet. Tu peux nous raconter le processus créatif qui t’a amené à produire ce petit disque, bien différent d’Anom ?

J’ai sorti Anom en début d’année, qui était un album assez dur. Suite au confinement je suis pas mal sorti et à un moment j’ai eu besoin de prendre du recul et de me retrouver tout seul. Je me suis donc retrouvé dans un appartement du bord de Marne dans lequel j’avais écrit mon premier album sorti en 2015. J’avais juste ma toute première guitare sous la main, j’étais avec mes chats. C’était super cool, j’y ai passé quelques jours à me balader au bord de l’eau et à jouer avec mes chats. C’était un peu un retour aux sources. Je me suis mis à jouer de la guitare acoustique, un peu comme les premières fois où j’ai joué de la musique. J’ai laissé tourner l’enregistreur et voilà. D’ailleurs on peut entendre mes chats dans certains morceaux.

Il y a une vraie douceur et une recherche d’intimité dans ton dernier album. Tu penses que le confinement a changé ta manière de voir la musique ?

Honnêtement, je pense pas trop, j’ai toujours recherché cette intimité. J’ai toujours fait de la musique intime, franche et sincère. C’est un truc qui m’a toujours poussé, ne pas avoir de masque dans sa musique. Concernant le confinement, peut-être que j’avais besoin de douceur après le confinement parce que ça été quand même une sale période. Peut-être qu’à ce niveau là ça a joué.

Pourquoi Waterwalls comme pseudo pour ton projet musical ?

C’est une longue histoire ! J’avais un autre pseudo et mon ancien directeur de label m’avait dit de changer de nom. Il m’avait proposé Waterfalls parce que j’avais une chanson de ce nom là. Ça me plaisait pas donc je suis parti sur Waterwalls. Avec du recul je trouve que ça tombe vachement bien. Il y a ce contraste dont je parlais toute à l’heure, qui m’obsède un peu. Et je suis pas mal obsédé par l’eau. Il y a plein de significations derrière.


Donc tu es vraiment sur cette dualité entre quelque chose de plus brut et une douceur que tu essaies de retranscrire par la musique ?

Exactement ! Je pense que tout est question de dualité dans l’existence. C’est un peu de la philosophie de comptoir mais je pense que beaucoup de choses sont portées par cette idée et que la plupart des choix auxquels on est confrontés se résolvent par un duel entre le oui et le non.

Comment a été créé In Silico Records ?

J’ai sorti un album en 2015 avec un label. Ce qui m’avait pas trop plus à la sortie de cet album, c’est que le label n’y pouvait rien. Je m’étais trouvé catalogué en cold wave. Et je n’aime pas trop être catalogué dans des styles de musique. Donc j’ai quitté ce label et un jour, dans la nuit vers quatre heure du matin – j’ai un peu cette mauvaise habitude d’envoyer des textos à mes potes quand j’ai des idées à quatre heure du matin – j’ai envoyé un texto à Jean d’Uneima en mode « ouais mec, faut qu’on créé un label ». Le lendemain, c’était parti, et Thibault et Hadrien nous ont rejoint. On avait un groupe à l’époque et donc l’idée c’était de créer notre propre marque pour ne pas être catégorisé, d’être notre propre logo ; un peu comme les groupes de rap indés du style Triplego ou Butter Bullets, qui ont leur propre structure. Mais l’idée est aussi de sortir d’autres artistes, des gens qu’on aime bien. C’est important aussi de partager les gens dont on apprécie le boulot. 

Comment est-ce que vous choisissez les artistes ?

Ça dépend ! Soit on les découvre sur Internet, comme Horsees que j’avais découvert sur Facebook. Je les avais fait jouer et le courant était plutôt bien passé. Il y a aussi des mecs qui nous contactent, comme Pam Risourié qui a sorti un super EP. Il y a pas mal de boulot de recherche sur Internet. 

Vous avez des projets à venir ?

Je suis en train de bosser sur un nouvel album, pas sous le nom de Waterwalls, courant de l’année prochaine. On a aussi un gros album sur lequel on commence à bosser mais je ne peux pas en dire plus ! On a un projet cassette avec un rappeur. Le but d’In Silico, c’est de bosser avec des styles vraiment différents. Donc pas mal de trucs qui arrivent !

Sur le Bandcamp d’In Silico vous développez des CD, des vinyles et des cassettes. Pourquoi mettre en valeur ce format dur et solide ?

C’est une grande question, surtout dans une période de crise économique. C’est super dur parce que les gens ont pas trop envie d’acheter des éditions physiques. Mais d’un côté le physique ça permet quand même de cristalliser et de faire vivre, de lui donner une existence un peu charnelle. On est pas mal obsédés par le graphisme et les pochettes. Ce côté charnel est vraiment important dans la musique. Le streaming c’est cool mais on fait peut-être moins attention à l’album que quand t’as l’objet entre les mains.

Comment tu travailles ton esthétique ?

Je fais tout, tout seul. Je fais ceux de Fiasco aussi. J’ai absolument aucune formation là-dedans mais dès mes premiers groupes je me suis occupé du graphisme. Je suis un peu un control freak. Je fais ça avec Photoshop, je fais des collages ou je prends les photos. Je trouve que l’esthétique et la musique se répondent.

Une chanson à écouter tout l’été à recommander à nos lecteurs ?

Alors, j’en ai deux. Déjà un album de Midori Takada. C’est une musicienne japonaise qui fait de l’ambiante. L’album s’appelle Through the Looking Glass. Je le recommande vachement pour faire la sieste cet été, quand t’es abattu par la chaleur et que t’as bien mangé. Et sinon c’est un mec que je viens de découvrir qui s’appelle Elison 404 et la chanson s’appelle Perfect Dark. C’est un mec qui vient de la scène rap anglaise, assez proche de la scène jazz anglaise. La chanson est vraiment super cool. Dans le refrain, il dit qu’il choisit la joie plutôt que la peur et je trouve que ça correspond pas mal à la situation actuelle.

Pour écouter France, 94, cliquez ici. Pour découvrir le Bandcamp d’In Silico, c’est ici.