Il y a (presque) un an, nous vous présentions le collectif lillois Cahiers de Mode. Une occasion de parler de « slow fashion », de passions et bien sûr de vides-dressing géants.  Et ce week-end justement, MaG s’est rendu à leur évènement au Garage, le lieu hybride en vogue, boulevard Carnot. Une occasion donc de chiner des fringues, des pièces « upcyclées », des plantes, des créations artisanales, des produits en vrac, locaux et naturels… Bref, une belle façon de se faire plaisir et ce, de manière responsable comme le soulignent Laurine et Pauline, le sourire aux lèvres.

Propos recueillis par Léa Pruvoost

Avez-vous cette impression « d’avant/après » ? (Nouveaux comportements de consommation, changements d’habitude, plus de sollicitations, plus de followers, plus de participants à vos évènements…)

Laurine : Par rapport à l’évènement en soi, on sent quand même une crainte, de la part de certaines personnes, de reprendre les évènements en physique. Avec le monde, les endroits clos… Les gens font beaucoup plus attention.

En revanche, en termes de visiteurs, on constate quand même un changement de mentalité. Les gens sont beaucoup plus à l’aise avec le fait de participer à un évènement de seconde main et plus globalement de consommer de cette manière. Finalement, c’est presque devenu une tendance. Et cette nouvelle habitude de consommation émerge et se développe, sans doute, en raison de notre contexte.

Pauline : Oui, c’est un bel éveil de conscience. Aujourd’hui, les gens sont fiers de montrer qu’ils ont acheté – et achètent – de la seconde main. Notamment chez Cahiers de Mode : on nous tague de plus en plus sur les réseaux sociaux, par exemple.

Et par rapport à votre dernier évènement, en septembre au Grand Playground, quelles sont les différences ?

Laurine : Pour cet évènement-là, on était plus accès sur des Influenceuses. Elles ont amené beaucoup de monde, ce qui était top. Toutefois, on s’est vite rendu compte qu’en termes de communauté, elles ont certes attiré beaucoup de publics, mais pas forcément des acheteurs et acheteuses. Les personnes venaient plus les rencontrer elles, que consommer de la seconde main. Cette fois-ci, on n’a pas misé sur des Influenceuses et les visiteurs viennent vraiment pour les produits et animations proposés.

Comment avez-vous vécu ces derniers mois, ces temps « off » ? Ont-ils été propice à l’émergence de nouvelles idées ou la mise en place de nouveaux projets au sein de votre collectif ?

Laurine : Pour le coup, on s’est complètement digitalisé. On a notamment lancé un marché de créateurs digital en décembre 2020. Un marché de Noël « à distance », avec donc un e-shop et plusieurs animations autour (sur Instagram, en visio…). On a axé notre discours sur l’achat de produits responsables pour les fêtes. C’était amusant mais on préfère quand même le réel ! L’idée était surtout de continuer de faire quelque chose et de faire parler de nous.

Pauline : On a créé une « marketplace » éphémère vraiment centré sur des créateurs locaux. Et certains participent d’ailleurs, pour la première fois, à cette édition en réel. Pour le coup, notre évènement en ligne a duré deux jours et il a mobilisé 1600 visiteurs uniques. Ce qui n’est pas trop mal puisque sur un évènement physique sur une journée, on a à peu près le même nombre.

Pour rebondir sur le sujet des créateurs locaux – présents donc à vos évènements virtuels mais aussi physiques – y-a-t-il un profil que vous aimez particulièrement pour sa créativité ou sa démarche ?

Laurine : C’est délicat de ne donner qu’un seul nom : on ne peut pas mettre en avant un créateur plus qu’un autre. Par contre, c’est vrai que nous avons des « chouchous », dans le sens où certains nous accompagnent et nous suivent depuis le début. Du coup, à force de se voir, on crée des liens.

Pauline : On a aussi de « nouveaux chouchous » qui sont prêts à faire plus de route pour participer à l’un de nos évènements. Avant c’était inenvisageable : on ciblait Lille uniquement. Mais aujourd’hui, nous accueillons une nana de Bretagne, par exemple.

Et pour organiser tout ça, vous n’êtes que deux dans l’équipe ?

Laurine : Actuellement, nous avons trois stagiaires pour nous épauler. Sur chaque évènement, on essaye de s’entourer de deux ou trois personnes pour nous aider à gérer la masse de travail. Surtout que Pauline et moi, nous travaillons à côté ! Le collectif n’est pas notre activité principale et un vide-dressing géant demande beaucoup trop de temps et d’énergie pour le réaliser qu’à deux. Du coup, à chaque évènement, on recrute. Pour nous c’est un sacré coup de pouce et pour les stagiaires c’est une belle expérience dans l’évènementiel mais aussi la communication, l’animation de communauté, les relations publiques… C’est que du « plus » dans tous les sens.

Pauline : Puis les stagiaires peuvent nous proposer des idées et prendre des initiatives : on leur laisse une totale autonomie. Par exemple, la cabine TikTok aujourd’hui, c’est leur idée et elles la gèrent comme elles le souhaitent.

Laurine : Donc, chacun peut nous envoyer des CV et des lettres de motivation, à tout moment, et si on a besoin, on revient vers eux.

Quelles sont les étapes clés pour mettre en place un vide-dressing géant comme celui-ci ?

Laurine : Dans un premier temps, il faut trouver le lieu – c’est la base de tout – puis se fixer un délai pour tout organiser. A chaque fois, nous nous sommes données deux mois entre le lancement de l’évènement et le jour J. Puis, l’autre grosse étape est la diffusion du formulaire d’inscription, évidemment. Pour que les créateurs et les particuliers puissent candidater et participer. Cette étape s’est clôturée fin mai et nous avons eu plus de demandes que d’offres. De ce fait, nous avons fait une sélection. On essaye d’inviter des personnes qui n’ont jamais pu participer, de garder une cohérence en termes de prix, de proposer différents styles, différentes tailles, etc. Après, il faut aussi gérer les relations presses et la communication.

Pauline : Il faut aussi gérer les prestataires, pour le matériel et l’espace food. A ce niveau-là, on essaye de travailler avec les mêmes personnes pour s’entraider et se donner mutuellement de la visibilité. Bref, l’idée est de tout anticiper au maximum car clairement, ça ne se fait pas à la dernière minute. Sans oublier que l’évènementiel est un secteur assez « stressant » mais une fois qu’on a pris les bonnes habitudes, c’est plus facile. Et les solutions viennent aussi plus vite, avec l’expérience.

Laurine : L’évènementiel c’est que des imprévus, c’est pourquoi il faut vraiment être très réactif. Plus on anticipe, mieux c’est.

Qu’est-ce qu’une « bonne chineuse » ?

Laurine : Une nana qui arrive tôt, car c’est là qu’on fait les meilleures affaires. C’est aussi une nana qui vient avec des idées en tête, qui ne se laisse pas « perturber » par tout ce qui est proposé. Le choix est dingue, donc c’est facile de se disperser. Mais on trouve LA bonne pièce quand on sait pourquoi on vient. C’est également une personne qui connaît un peu la valeur des marques et qui reconnaît une « bonne affaire ».

Pauline : Puis surtout une nana qui vient avec son tote bag, dans une démarche écoresponsable.

Avez-vous complètement arrêté la « fast fahion » ?

Laurine : C’est assez difficile et ce n’est pas non plus notre volonté de moraliser tout le monde là-dessus. On a encore des choses à changer, on sait ce qui s’y passe, mais oui nous sommes encore influencées et nous achetons encore des pièces pas chères chez de grandes marques.

Pauline : Mais on tend quand même vers une consommation plus responsable. Dans le sens où on ne va plus s’habiller 100% « fast fashion ».

Laurine : Le rôle de notre collectif est plutôt de sensibiliser et d’habituer de plus en plus de personnes à acheter de la seconde main. Toutes les enseignes de « fast fashion » sont à fuir au maximum, mais on n’est pas non plus les « grandes prêtresses » de la perfection et nous-même on a encore des efforts à faire. Mais voilà, c’est déjà très bien d’y penser et « d’essayer de ».

Quels sont vos futurs projets ?

Laurine : Refaire le plus d’évènements possibles ! Car on a quand même été bien frustrées pendant un an ! Dans l’idée, nous aimerions faire un vide-dressing géant par saison. 3 voire 4 par an, tel est notre objectif. A chaque fois, dans des lieux nouveaux pour exploiter des espaces que les gens ne connaissent pas forcément, leur faire découvrir des structures, un peu comme le Garage du coup, qui a ouvert assez récemment.

Et par la suite, pourquoi pas, travailler avec des entreprises dans le textile, pour les accompagner dans des démarches plus responsables, les faire évoluer vers la seconde main et le recyclage. A creuser !

Et pour finir sur une note de style, quelles sont vos pièces phares et intemporelles préférées ?

Laurine : Je la porte aujourd’hui : c’est mon short en jean Levis. Je l’ai depuis plusieurs années, je l’aime trop et il va avec tout.

Pauline : Moi, c’est mon petit sac Louis Vuitton que j’ai acheté chez Emmaüs.