Romane Caroline Dufouil a 23 ans. Il y a deux ans elle lance 8ème Vestibule, un média en ligne qui encourage les jeunes à se rendre au musée. Par le biais de courtes vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, elle participe à démystifier l’image de musées comme lieux fermés et austères. Nous l’avons rencontré pour discuter de ce qui l’anime et de son parcours entrepreneurial. 

Propos recueillis par Anna Le Gallou

Bonjour Romane Caroline, peux-tu te présenter ? 

Alors je m’appelle Romane, j’ai 23 ans et je suis étudiante en Master en Histoire de l’Art à Rennes 2. J’ai créé un média en ligne qui s’appelle 8ème Vestibule et dont le but est d’aider les jeunes à travers l’art par des publications sur les réseaux sociaux et j’espère, bientôt, par d’autres événements plutôt en présentiel, voire des ciné-débats, c’est en cours de réflexion et ce n’est pas le moment idéal (hahaha). Je suis aussi présidente de l’association PEPS qui est une association pour les jeunes entrepreneurs en Ille-et-Vilaine. 

Comment qualifierais–tu ton rapport à l’art ? 

Vaste question. Je dirais que l’art m’a pas mal aidé à me construire et à prendre confiance en moi. Je ne viens pas forcément d’un milieu familial où il y avait beaucoup de culture artistique à proprement parler. Du coup, au début, ça m’intéressait mais je ne savais pas trop comment y aller et puis finalement en débutant des études d’arts plastiques j’ai vraiment commencé à m’épanouir par rapport à ça. Dans un premier temps, plutôt grâce à une phase de création et au fil du temps c’est vraiment devenu important pour moi, pour me poser des questions de manière générale, pour cultiver mon imagination. 

Tu te considères comme une artiste aussi ?

Peut-être (hahaha). Je suis créative en tout cas et ce qui m’anime avant tout c’est la création, que ce soit artistique ou la création de projets.

La création de 8ème vestibule a-t-elle été initiée pour combler un manque que tu avais toi-même constaté ? 

Carrément. En fait, c’est vraiment venu d’un constat personnel où je n’avais pas l’habitude de fréquenter des expositions. Quand j’ai commencé à y aller, je ne me sentais pas à l’aise. J’ai commencé par prendre une option Histoire de l’Art en Terminale et je n’étais pas encore hyper à l’aise dans les musées. J’ai alors sauté le pas, je suis allée en fac d’arts plastiques. Là encore, c’était un peu mieux à force d’y aller mais pas génial : on ne sait jamais trop combien de temps on doit rester devant un tableau, si on a le droit de poser des questions, quel tableau on doit plus regarder qu’un autre, enfin plein de questions comme ça qui paraissent un peu idiotes. Je me suis dit « ok, je suis étudiante en art, je ne me sens pas à ma place et j’ai l’impression de ne pas avoir les codes du coup c’est qu’il doit y avoir d’autres personnes qui se sentent comme moi » Ce qui s’est avéré être vrai puisque selon une étude du Credoc , il y avait vingt fois moins de chance qu’un non-diplômé aille au musée par rapport à un bac +3. 

On entend souvent parler de la question de la légitimité, qui plus est dans ce milieu, comment est-ce qu’on arrive à se dire « moi aussi j’ai quelque chose à dire » ? 

La question de la légitimité, elle est archi complexe ! Je ne pense pas l’avoir vraiment dépassée encore mais je sais qu’au début du projet, j’étais sur des « petites étapes » : faire des vidéos dans des petites galeries car ça me faisait un peu moins peur que d’aller directement au musée. J’ai eu la chance d’être accompagnée lors de mon service civique par quelqu’un qui m’a poussé à aller au Musée des Beaux-Arts de Rennes pour présenter mon projet et au final je pense que la légitimité elle s’acquiert au fil du temps. Alors bien sûr quand tu commences, tu n’es pas le plus expert mais on s’en fiche ce n’est pas très grave, tu as le droit de poser des questions. Tout le monde a un truc à dire et tout le monde a le droit d’avoir un avis. C’est pour ça d’ailleurs qu’avec 8ème Vestibule, au-delà de juste parler d’art, j’essaye et j’aimerais créer plus d’espaces d’expression pour revaloriser la parole et montrer qu’on a tous le droit d’avoir un avis. 

Tu es également présidente de l’association PEPS (Association des jeunes entrepreneurs), est-ce que tu peux nous parler un peu de ton parcours entrepreneurial ? 

J’ai toujours eu cette envie de créer des choses. Ça vient peut-être du fait que mes parents sont entrepreneurs, la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre. Au début, je voulais être graphiste et monter une agence de com, après j’ai eu un projet de box artistique à envoyer… Petit à petit, j’ai commencé à chercher des interlocuteurs, comme la Chambre de Commerce de Rennes, ce qui n’était pas très pertinent car j’étais très jeune.

Ensuite, j’ai intégré PEPITE  (pôle entreprenariat des facs) et j’ai eu le statut étudiant-entrepreneure. A l’époque, en troisième année post-bac je m’étais orientée vers un Bachelor communication qui ne m’avait pas plu du tout et du coup je me suis retrouvée « sans-étude » en gardant le statut avec une micro-entreprise que je venais juste de créer. Cette perspective m’a poussée à me lancer en freelance pour faire de la vidéo et de la photo. De fil en aiguille, j’ai eu l’idée de 8ème Vestibule cette année-là dans une forme totalement différente de celle d’aujourd’hui. Ensuite, j’ai intégré un service civique pour pouvoir me concentrer sur ce projet. C’était un service civique qui me permettait de monter mon propre projet solidaire [programme Rêve & Réalise par Unis-Cité] et aujourd’hui je continue mon chemin toute seule. 

PEPS  c’est une association qui a été montée par des anciens étudiants de PEPITE. L’idée c’est de créer des événements pour les jeunes entrepreneurs. On a plusieurs formats : des afterworks dans les bars, l’idée c’est vraiment de créer un lien car quand tu es entrepreneur tu ne trouves pas toujours d’interlocuteurs avec qui échanger dans ton cercle familial ou amical. On fait des ateliers de formation, comme par exemple Comment se créer un réseau ? Comment s’organiser quand on est entrepreneur et étudiant ? Entreprendre en croyant en soi : comment s’exprimer à l’oral ? Comment gérer des conflits ? 

Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton travail ?

De façon générale, ce que j’aime c’est qu’il y a beaucoup de similitudes dans les projets que je mène : chez PEPS, aider des jeunes qui veulent entreprendre et avec 8ème Vestibule aider des jeunes qui ne se sentent pas forcément hyper en confiance dans les musées. Donc il y a des connexions. Ce que j’aime fondamentalement c’est rencontrer du monde, être sur le terrain, avoir des journées qui ne se ressemblent pas et ne pas avoir le temps de m’ennuyer. J’aime la création. 

As-tu quelques tips pour mener de front études et entreprenariat ?

Le conseil majeur c’est de PRIORISER. Pour mieux gérer son temps, il est essentiel de savoir ce qui compte le plus. Pour moi, le plus important c’est 8ème Vestibule, si je suis dans un moment de rush je sais que je ferais passer ce projet d’abord. En terme d’organisation générale, il ne faut pas hésiter à expérimenter plusieurs méthodes, moi j’en change tout le temps ! Enfin, se servir de ses études dans son projet et vice-versa, un travail de recherche pour un cours peut me servir pour 8ème vestibule par exemple. 

Pour finir, que peut-on te souhaiter pour la suite ? 

On peut me souhaiter de continuer à être épanouie dans mes projets. De réussir à créer une équipe et une vision ensemble. Réussir à, petit à petit, aller dans les musées pour pouvoir changer les mentalités et rendre le musée plus ouvert car pour moi ce sont des lieux qui sont avant tout censés être des lieux d’échange, de débat, de réflexion, de créativité et finalement beaucoup de musées sont perçus comme des lieux assez fermés.

Nous retrouverons Romane Caroline pour parler Art et Réseaux Sociaux dans un prochain article, en attendant suivez l’aventure 8ème Vestibule par ici :