Il y a un peu plus d’une semaine, on a rencontré Ehla. Elle nous a parlé de son EP Pas d’ici, sorti le 28 février, et s’est confié sur les sujets qu’elle a choisi d’aborder dans les 6 titres qui le composent.

Crédits photo Élodie Daguin

Propos recueillis par Olympe Dupont

Est-ce que tu peux nous parler de ton EP en quelques mots ? Comment toi t’as envie d’en parler aux gens ?

C’est un EP que j’ai écrit il y a à peu près un an et demi. Il est très personnel mais comporte aussi des thèmes qui parlent à beaucoup de gens comme le désamour, le fait de quitter une ville pour en rejoindre une autre, un peu tout abandonner. Ce sont des thèmes assez universels mais avec une démarche hyper sincère.

J’écris vraiment quand j’ai vécu un truc hyper intense ou quand j’ai des choses réelles à raconter. 

Avant de poster ton EP, tu as écrit que tu aurais l’esprit plus léger après sa sortie. Je me suis alors demandé comment tu avais vécu l’écriture. Comme une sorte d’exutoire ?

Complètement. Je ne sais pas écrire sur commande ou sur un thème donné. J’écris vraiment quand j’ai vécu un truc hyper intense ou quand j’ai des choses réelles à raconter. J’ai besoin de ça pour réussir à aligner les mots.

Comment s’est construit l’EP et avec qui as-tu travaillé pour le réaliser ?

Dans un premier lieu, j’écris et je compose des titres. C’est-à-dire que je suis devant mon ordinateur et je fais des maquettes. Ensuite, il y a la démarche de trouver des gens qui vont réaliser les titres et les envoyer. Pour cela, j’ai bossé avec Angelo Foley, qui a travaillé notamment avec Christine and the Queens ou Eddy de Pretto, et Enzo Serra, qui est du sud de la France et plus dans l’urbain. Ce qui est super c’est qu’ils se complètent et que chacun a apporté sa couleur au projet.

L’EP s’appelle Pas d’ici et il comporte également un morceau à ce titre. On ressent une certaine nostalgie vis-à-vis de la ville dans laquelle tu as grandi et certaines difficultés à te sentir chez toi à Paris. Peux-tu nous en parler un peu plus ?

J’ai grandi dans le sud de la France, plus que grandi d’ailleurs parce que j’ai passé vingt-cinq ans là-bas, et j’ai emménagé à Paris il y a cinq ans. J’ai tout abandonné pour la musique, que ce soit ma famille, mes amis, mes souvenirs ou le ciel bleu qu’il y a là-bas et qu’on retrouve peu ici. Après, Paris c’est une ville sublime où on découvre tous les jours des lieux et où j’ai fait de très belles rencontres, mais au départ c’était surtout une obligation parce qu’il est dur de grandir musicalement dans le sud. Aujourd’hui, je suis quand même très contente, mais bien-sûr c’est une déchirure.

Le deuxième message qui ressort de ce morceau c’est la question d’appartenance à quelque chose, la question de trouver sa place.

Oui, tout à fait. Dans un groupe, dans une conversation, dans plein de choses où on a l’impression de ne pas appartenir au cercle et d’être différent. C’est un sentiment que j’ai beaucoup ressenti dans ma vie parce que je suis une personne extrêmement sensible et timide. À plusieurs moments, je me suis demandé si j’étais de la même planète.

Il y a une chanson qui m’a particulièrement touchée dans l’album, qui est MCMC (Moi contre mon corps). Pourquoi as-tu choisi de mettre ce sujet en avant ?

Dans ma démarche de départ, j’écris quelque chose que j’ai vécu. Celle-là, je l’ai écrite après une soirée Universal (j’étais chez eux avant) où j’étais hyper mal à l’aise et où je n’arrivais à parler à personne. Je me suis rendu compte que je n’arrivais pas à me vendre, que tout était lourd et pesant. Quand je suis rentrée, j’ai écrit ce morceau-là, qui est un mélange, avec plusieurs lectures. La première, c’est le sentiment d’être emprisonné dans son corps parce qu’on est mal dans sa peau, parce qu’il y a plein de choses qui nous dérangent et qu’on a l’impression de pas entrer dans les normes etc. Puis, c’est le sentiment d’être enfermé dans son corps parce que, quand on est trop timide, trop stressé ou autre, le corps se renferme et ne te permet plus d’avancer correctement. Donc c’est ces deux visions-là, dire que parfois le corps peut un peu être l’ennemi du cerveau et qu’il faut dissocier le cerveau de l’enveloppe.

Crédits photo Élodie Daguin

Dans un post, tu fais référence à un gars qui t’a dit « Faut pas forcer les gens à t’aimer ». C’est ce que tu as choisi de faire, rester toi-même sans chercher l’approbation des autres ?

Tout être humain a envie d’être aimé ou pseudo liké dans la vraie vie. Par rapport au post que j’avais fait, c’était surtout pour dire que je ne m’étais rien imposé dans la direction musicale ou dans les choix. Je sais que j’ai des morceaux qui ne sont clairement pas adaptés au format radio, qui sont trop longs et qui comportent des sonorités pas forcément adaptées à certaines radios. Et finalement Pas d’ici commence à rentrer en radio alors que je ne m’y attendais pas, donc tant mieux !

Je trouve qu’il y a de plus en plus d’artistes hors des clous et qui sont quand même assez médiatisés. On sent un certain renouveau dans la musique et dans les habitudes de consommation qui ne passent plus forcément par la radio.

Oui, c’est motivant et je pense que c’est lié à cette émergence d’artistes indépendants qui n’ont pas un label pour leur dire « ça ne va pas rentrer en radio », « c’est trop long », etc. C’est 100% de l’artiste, sans tous les codes qu’on nous impose ailleurs. Donc je pense qu’il y a une vraie sincérité et que ça fonctionne.

Il y autre chose qui ressort pas mal dans l’album, c’est cette espèce d’obligation parfois qu’on a à avoir l’air heureux.

C’est encore dans la logique de ce qui se passe avec les réseaux. T’as l’impression que tu n’as plus le droit d’être triste ou un peu moche. En fait, on est en train de devenir des robots, et ça m’inquiète. Autant s’il y en a qui arrivent à maîtriser leurs émotions, ne pas pleurer, ne pas montrer qu’ils sont malheureux, c’est cool ; mais il y a aussi des personnes qui sont sensibles et qui ont besoin de l’exprimer, et c’est normal. C’est un processus propre à chacun qui ne devrait pas être jugé.

Comment s’est construit ton univers musical qui est plutôt 90’s ? Des influences de ton père ou un intérêt naissant de ta part ?

Il y a un peu des deux. C’est mon père qui nous a initié à plein de choses et mes parents écoutaient beaucoup de musique, que ce soit de la chanson française, de la pop anglaise, du rock, etc. Quant à moi, j’ai plutôt pris la partie soul et R&B qu’écoutait mon père. Donc initialement ça vient de lui, mais je me suis fait ma culture toute seule avec les artistes avec lesquels j’ai grandi comme les Fugees, Stevie Wonder ou Aretha Franklin. Ça a été un mix entre ce qu’on m’a inculqué et ma culture à moi avec mes petits CDs.

J’ai vu que tu avais deux concerts de prévus à Paris en mars. Est-ce que tu as un projet de tournée ? Ou d’autres projets en cours ?

Oui, je pars en tournée à partir de l’été, puis en septembre. Notamment le sud où j’ai très envie de jouer, forcément !

Et puis là, le projet, c’est surtout l’album et aussi, en toute transparence, juste me poser un peu. Ces deux dernières années ont été très intenses, ça n’a pas été évident de sortir cet EP. Donc j’ai envie de me poser, voir ma famille, en toute tranquillité.

L’album ce sera la suite de l’EP ?

Oui. Après, dans l’EP, il y a plusieurs sonorités qui font que j’ai du mal à savoir dans quelle case je suis. Peut-être que dans l’album ce sera un peu plus clair, mais sinon toujours aussi sincère et rythmé.

Pour finir, quelle est ta musique du moment ?

La BO de ma vie en ce moment c’est Casio de Jungle. J’aime beaucoup cette chanson parce qu’elle est très positive et très solaire.