Le mois de janvier a été rude pour tout le monde, sous le signe du froid, de la surcharge de travail et de la fatigue de la reprise – pour se réconforter, qui ne s’est pas tourné vers des livres et des bandes-dessinées ? La BD a cette qualité d’être à la fois rapide à lire, et de contenir pleins de mondes merveilleux. Parfait pour une soirée sous un plaid, un coup de fatigue, une pause rapide. On vous propose ici un petit aperçu de nos BD favorites, celles, qui nous ont fait rire et réfléchir, qui accompagnent nos fatigues et nos hivers. Et puisque février à l’air de s’annoncer bien chargé, on s’est dit qu’on pourrait vous partager nos belles découvertes, qu’elles vous aident tout autant qu’elles nous ont aidé.
Article écrit par Alma-Lïa Masson-Lacroix
I’m Every Woman, Liv Strömquist (2018)
Vous connaissez peut-être Liv Strömquist par son incroyable Les Sentiments du Prince Charles, mais on voulait vous parler ici d’une BD un peu moins connue et tout aussi géniale. L’autrice a développé à travers ses nombreuses bandes-dessinées un style bien à elle, qui mêle un dessin simple voire naïf à un humour acerbe et à une reflexion féministe aiguisée. Ses livres se présentent comme des patchworks de faits historiques et de réflexions farfelues et provocatrices. Ils n’ont de cesse de penser les relations entre les hommes et les femmes, et plus précisément comment ces relations résultent de constructions sociales et patriarcales.. Chez Liv Strömquist, l’amour, le mariage, la sexualité, sont analysé•es, décousu•es, passé•es sous le microscope de sa lucidité et de son humour précis et noir.
C’est d’épouses, fiancées et copines dont il est question dans ce livre… Madame Elvis Presley, Madame Joseph Staline, Madame Jackson Pollock… et plein d’autres. Réunies par un seul et même destin : être les victimes d’hommes incapables de se comporter de façon normale et raisonnable avec leur partenaire. Qui étaient vraiment ces femmes et comment leur désir de vivre un amour romantique a pu pourrir à un tel point toute leur existence ?
On vous prévient, vous deviendrez vite accros à Liv Strömquist.
Koko n’aime pas le capitalisme, tienstiens (2022)
On a découvert Tienstiens sur Instagram (comme les 72k qui le suivent actuellement, on est pas si originaux), et on le considère un peu comme un secret mal gardé. Il est l’auteur de strips en crayons de couleurs, mêlant pensées anti-capitalistes, féministes, écologiques et anarchistes, le tout avec une bonne dose de pop culture, de détournements et d’humour franchement désopilant. Sa première BD vous ouvrira la porte d’une sorte de catharsis politique sur notre actualité, grâce au rire noir et à l’amour de l’absurde. Il nous invite à suivre Koko, le gorille ayant appris à parler, dans sa découverte du monde moderne, de la société de consommation, du mythe de la méritocratie et autres entourloupes. Attention spoiler : Koko n’aime pas le capitalisme.
Ma vie posthume, Hubert et Zanzim (2021)
Vous connaissez sûrement Hubert et Zanzim par leur acclamé Peau d’Homme, sorti en 2020. Ce conte féministe permettait à une jeune femme d’avoir une nouvelle vision du monde en empruntant une peau d’homme, une façon poétique du recul sur sa société et sur sa condition de femme. Le duo propose avec Ma Vie Posthume un autre type de recul, de point de vue déplacé : celui qu’on aurait sur notre vie et sur le monde qu’on a traversé, après notre mort, une fois qu’on sait comment ça se termine. Toujours autant rempli de poésie, d’histoire de société et d’amour, on vous conseille de vous laisser tenter.
Emma Doucet, vieille dame au fichu caractère, se laisse vivre depuis le décès de Pierre, son mari tant aimé. Un beau jour, dans son salon, elle reçoit une balle tirée d’on ne sait où. Emma se relève de sa chute dans un drôle d’état : morte. Mais pas sous forme de spectre ou d’esprit. En fait, mis à part un trou dans sa maigre poitrine et quelque chose de différent dans son regard, pas grand-chose n’a changé… Pour passer le temps qui ne lui est désormais plus compté, Emma se remémore le passé et se pose des questions : pourquoi son cher mari n’est pas revenu lui aussi ? Qui a bien pu la tuer ? Et que vont dire les voisins ? Au-delà du savoureux mélange où se côtoient humour macabre, aventures burlesques et questionnements existentiels, Hubert et Zanzim dressent le magnifique portrait d’une femme ayant traversé toute l’histoire du XXe siècle.
Cocteau, l’enfant terrible, François Rivière et Laureline Mattiussi (2020)
Peut-être ne connaissez-vous pas Jean Cocteau, poète, dramaturge, metteur en scène, réalisateur, dessinateur et artiste aux autres activités innombrables. (Il est notamment à l’origine d’un des plus beaux films du cinéma français, La Belle et la Bête -1946). Laureline Mattiussi et François Rivière s’inspirent du style si reconnaissable de l’artiste pour illustrer avec une sorte de liberté poétique une biographie à la fois rêvée et précise. Épisodes fantasmés et amoureux s’entremêlent aux moments historiques qui traversent la vie de Cocteau.
Si vous aimez l’artiste, vous pleurerez devant la douceur de cet hommage. Si vous ne le connaissez pas, vous découvrirez avec avidité la vie d’un homme traversé par une rage de vivre et de créer, et un amour de la transgression à la fois artistique et sociétale. Il a une vie digne d’un grand roman épique, il se montre dandy, et se rêve Orphé traversant les enfers ou héros d’un conte de fée.
Dans l’un ou l’autre des cas, vous mourrez d’envie de revoir ses films et relire ses livres. Ne résistez pas.
Le coeur bordé de nouilles, Un Faux Graphiste (2022)
Pour cette dernière recommandation, on se tourne à nouveau vers une autre grande star du web. Un faux graphiste est un as quand il s’agit de détournement d’image (carte postale, photo, journaux), de photoshop et d’humour à deux balles. Avec cette BD, il remet au goût du jour le grand art du roman photo. Pour reprendre ses mots : “tout le monde sait que le roman-photo a remplacé TikTok dans le cœur de millenials. Fini les chorés et les lip-sync, bonjour les pauses fixes et les mimiques bouleversantes ! Démocratique, punk et coloré, le roman-photo parle plus que jamais à la génération Z !” Préparez vous pour une aventure à se tordre de rire, entre l’absurde et l’humour noir, soupoudré par une une pincée de politique.