Alors que le mois de juin 2022 a vu enfin naître des droits pour les travailleur.se.s du sexe belges, – une première en Europe – l’ouverture d’esprit en France reste limitée. Les dernières décisions parlementaires ont d’ailleurs réduit les espoirs de voir ce tabou “made in France” aller de l’avant. Pourtant, les prostitué.e.s mériteraient bien qu’on leur rende la liberté de pratiquer légalement. Après tout, ne l’appelle-t-on pas le « plus vieux métier du monde » ?
Article écrit par Laury Peyssonnerie
Un métier précarisé…
En 2016, le Parlement adopte une loi qui met fin au délit de racolage chez les travailleur.se.s du sexe et pénalise désormais leur clientèle. Si le gouvernement semble autoriser implicitement l’acte de prostitution, il accroît en réalité les risques pour celles et ceux qui le pratique. Les clients étant désormais la cible de cette nouvelle loi, les travailleur.se.s du sexe font alors face à une baisse considérable de demandes. C’est ainsi que se développe un véritable cercle vicieux. Le stigmate qui plane au dessus de cette activité – ainsi que l’hypocrisie des décisions gouvernementales – crée un environnement d’autant plus dangereux pour les travailleur.se.s du sexe. Pour éviter les déboires d’un métier qui devient précarisé, les prostitué.e.s sont poussé.e.s à franchir leurs limites.
Moins de clients → Baisse de leur revenus → Augmentation du temps de prostitution et acceptation de négociations risquées → Multiplication de l’exposition au danger
…qui mériterait davantage de considération
Dans un environnement de dangers sans précédents, certains travailleur.se.s du sexe bénéficient de l’accompagnement d’associations qui luttent pour la reconnaissance de leur activité – comme le dispositif Poppy à Bordeaux. Ce n’est pourtant pas suffisant à leur bien-être tant que les lois françaises considèrent toujours leur métier comme un délit implicite, sans même prendre en compte la précarité qui les envahit.
Et finalement, vendre son corps : est-ce réellement le problème de tous ? C’est la question qui peut se poser lorsqu’on fait le constat du pouvoir des lois sur cet acte. La réponse nous a semblé évidente, et elle est bel et bien négative. A une époque où la libération des esprits hurle “mon corps, mes choix”, il serait temps que le gouvernement applique cet état d’esprit. Chacun est libre de disposer de corps comme il le souhaite, et il semblerait que la prostitution ne soit rien de plus qu’un simple service monnayé. Il permet à certaines personnes de mieux joindre les deux bouts, et à d’autres de s’épanouir – car chacun a un rapport différent avec sa sexualité, et c’est normal.
Bien sûr, rien ne sert de voir la vie en rose car, même légale, il est évident qu’en exerçant cette activité, les travailleur.se.s du sexe s’exposent à des dangers. En revanche, décriminaliser la prostitution revient à protéger et à redonner des droits fondamentaux à des êtres humains qui ne demandent qu’à pratiquer un métier encore trop stigmatisé. La peur qui guide aujourd’hui leurs journées ne devrait plus être un enjeu quotidien.
Et ailleurs, ça se passe comment ?
Si, malgré tous leurs efforts, les prostitué.e.s peinent à gagner 50 euros par jour dans la rue en France, elles pourraient en gagner quelques milliers dans d’autres pays comme les Pays-Bas ou l’Allemagne. L’explication est simple : ces pays légalisent non seulement l’activité mais, par-dessus tout, ils l’encadrent par des lieux d’exercice. En France, depuis la loi Marthe Richard de 1946 qui a imposé la fermeture des maisons closes, leur environnement de travail s’est dégradé. L’activité n’est plus encadrée – bien que la déclaration de ces revenus soit obligatoire – et la plupart des concerné.e.s se voient contraint.e.s d’intégrer des trafics de proxénètes. En sommes, ces organisations dont les dangers ne font qu’accroître sont régies par la loi de la jungle, et pourtant la loi française ne considère toujours pas ces enjeux.
En attendant, nombreux sont les étranger.e.s qui témoignent positivement de l’intégration de la prostitution dans les mœurs de leur pays. En effet, légaliser l’activité permet de mieux encadrer ses éventuelles dérives. Emma Becker a dédié un livre à ce sujet, La Maison, et il a notamment été primé par le Prix Roman des Étudiants en 2019. Elle y raconte sa vie de prostituée en maison close à Berlin et donne un tout autre regard sur la question. Peut-être est-ce le début d’un changement de mentalité dans l’hexagone, sous l’influence de ses voisins ?
Pour aller plus loin :
La Maison, Emma Becker
La Belgique décriminalise la prostitution – article à lire sur Le Monde.