Vos propos sur La La Land avaient déjà eu du mal à passer, difficile de traiter la grandiose Emma Stone de « pou », particulièrement dans la belle robe jaune qui la fait danser sur les collines de Los Angeles. Mais s’en prendre à David Bowie était définitivement l’erreur de trop. Et je pense ne pas être la seule de cet avis.

avid Bowie performs at Tweeter Center outside Chicago in Tinley Park,IL, USA on August 8, 2002. Photo de Adam Bielawski

Article écrit par Eva Darré-Presa

Pour se remettre dans le contexte, Eddy Mitchell était l’invité de Léa Salamé dans l’émission Stupéfiant ! sur France 2 lundi soir. C’est lors de cette interview qu’il compare Godard à Bowie dans cette phrase « Godard, pour moi, c’est un petit peu ce qu’est David Bowie au Rock’n’Roll, c’est un escroc, quoi. ». Et pour continuer ainsi « Quand vous arrivez avec une plume dans le cul et des cheveux en pétard… ».

Mais Bowie ce n’est pas « une plume dans le cul et des cheveux en pétard ». C’est un être multiple aux personnages mythiques, Major Tom, Ziggy Stardust ou encore the Thin White Duke. C’est un précurseur du look androgyne, de la libération des normes. On se souvient de ses métamorphoses incroyables, que ce soit sur scène ou dans ses clips, allant de Pierrot à l’astronaute Major Tom perdu dans l’espace. C’est l’acolyte de Mick Jagger dans Dancing in the Street ou celui de Queen dans Under Pressure. L’héros près du Mur à Berlin, la poussière d’étoile, le funk des années 80, l’homme qui a vendu le monde.

David Bowie est présent en musique mais aussi au cinéma. Comment oublier sa performance dans Les Prédateurs au côté de Catherine Deneuve ? Difficile de passer à côté de ce corps vampirique assoupi au son du Trio In E-Flat de Schubert. Comment oublier le soldat de Furyo ou la créature du Labyrinthe ? L’extraterrestre égaré sur terre dans L’homme qui venait d’ailleurs ? On se souvient même de sa (très) brève apparition dans Fire walk with me de David Lynch ou du magistral cameo de Zoolander.

David Bowie c’est un renouvellement musical, une phase très rock en tant que Mods dans son groupe des Konrads, un chanteur pop folk totalement avant-gardiste pour son album Space Oddity, du glam en veux tu en voilà, et même une remise en question totale en 1980 avec son tube mythique Ashes to Ashes. David Bowie s’est réinventé jusqu’à sa mort, en 2016, laissant derrière lui un grand vide dans le monde de la musique.

Alors oui, on se souvient de ses « cheveux en pétard » pour Aladdin Sane, on se souvient de Let’s Dance comme d’une grande chanson (et non comme d’une « bonne chanson »). Mais j’ai personnellement beaucoup de mal à associer le nom de David Bowie au terme d’escroquerie.

David Bowie c’est surtout, et enfin, un héritage certain, et la nouvelle génération s’en souvient encore. La mémoire nous revient en dansant sur Rebel Rebel ou en écoutant Lou Reed et Iggy Pop. Cette mémoire c’est Denis Lavant se déchirant sur Modern Love dans Mauvais Sang de Leos Carrax. C’est la reprise incroyable de Moonage Day Dream des Last Shadow Puppets. C’est tout ça et bien d’autres encore.

Alors, M. Eddy Mitchell, il me semble que le terme d’escroc n’a jamais été aussi mal utilisé que pour parler de David Bowie.

Du timide Davy Jones à l’album Blackstar, David Bowie c’est la modernité et l’amour. Irrévocablement.