Strasbourg, Avignon, Tours, Bordeaux, La Rochelle : autant de villes qui font les grands titres des journaux ces derniers temps. Ils partagent tous la même inquiétude grandissante à mesure que les cas se multiplient en France. On en croirait presque l’arrivée d’un nouveau virus dans l’hexagone ; j’ai nommé le GHB.
Article écrit par Laury Peyssonnerie
Pourtant, le GHB n’a rien de nouveau : c’est les dérives de son utilisation qui posent question.
Ses origines
À l’origine, le GHB (aussi appelé acide gamma-hydroxybutyrique) agissait principalement dans le milieu médical grâce à ses effets hypnotiques, décontractants et anesthésiants. La substance était notamment utilisée en France sous ordonnance pour traiter les troubles du sommeil. Cependant, à partir des années 1980, il fait sa place dans des milieux plus festifs et entre dans la catégories des drogues. A petites doses, il met ses consommateurs en état d’euphorie prolongé. A plus grandes doses, il devient un véritable danger, notamment lorsqu’il est mélangé à l’alcool. Si son histoire aurait dû s’arrêter là, c’était sans compter sur la malveillance croissante de certains individus à cause de qui elle a été rebaptisée : « la drogue du violeur ».
C’est le fruit du témoignage de plus en plus de femmes en France. Le processus est simple et quasi-similaire dans la plupart des cas : une soirée, un verre, un moment d’inattention et plus aucun souvenir.
Son ascension comme « la drogue du violeur »
Si le GHB est tant privilégié en soirées ces derniers temps, c’est justement parce que c’est une substance synonyme de discrétion : inodore, incolore et sans goût. Le parfait combo avec l’ambiance tamisée des boîtes de nuit et autres lieux de festivités pour piéger quiconque tombera entre de mauvaises mains. Qu’elle soit liquide ou en poudre, cette drogue est l’outil préféré des personnes malintentionnées. En effet, c’est le meilleur moyen d’obtenir la soumission du consommateur puisque la substance provoque des pertes de mémoire voire un black-out complet : « j’étais hyper lucide mais enfermée dans mon corps, il était en état de choc », décrit l’une des victimes, intérrogée dans le cadre de l’écriture de cet article.
Mais ce phénomène a désormais pris une toute nouvelle dimension depuis que les scénarios impliquent des cas d’agressions sexuelles, et ce de manière exponentielle.
Une chasse au fantôme ?
Aussi diverses soient les histoires à ce sujet, cette tendance provoque des sentiments similaires chez ses victimes : frustration, honte, solitude, incompréhension, incertitude, et tant d’autres qui font prendre conscience de la gravité du problème. La perte de repères pendant la phase de trip provoque une perte de contrôle totale qui n’est que marquante.
D’autre part, il ne faut pas oublier que le GHB est une substance qui met le consommateur en danger, précisément lorsqu’il est associé à l’alcool. Certains cas de décès ont même été observés suite à son absorption. Si le GHB ne reste que 12h dans le sang, les conséquences ne sont pas moindres pour l’organisme qui l’a ingéré : « je n’arrivais plus à marcher sans vomir, et ça a duré trois jours », a-t-on témoigné.
Pour couronner le tout, les faits et leur contexte laissent souvent aux victimes le sentiment de ne pas être prises au sérieux. Premièrement parce que le vice principal du GHB est qu’il ne reste pas assez longtemps dans le sang pour faire un test la plupart du temps. Entre l’absorption de la drogue et la reprise de conscience, la victime n’a que 12h pour obtenir une preuve qu’elle a été droguée à son insu. Autrement, il est particulièrement difficile de trouver un recours, d’autant plus que rien dans ce processus ne permet aux empoisonneurs d’être reconnaissables.
Dans un second temps, les appels à l’aide – lorsqu’ils sont possibles – sont souvent laissés pour compte. Même bien accompagnées, des victimes témoignent : « Le samu n’a pas voulu venir, et il était trop tard pour un test donc je ne saurai jamais vraiment si c’était du GHB ». Cela soulève un autre point encore en suspens : les substances dérivées du GHB, et qui facilitent sa procuration.
Prévenir pour contrer le phénomène
Pour prévenir de ce danger, les villes, les collectifs, les assos féministes et les bars tentent de tenir les jeunes français.e.s informé.e.s de ce fléau. Ainsi, il est régulièrement préconisé de ne jamais laisser son verre sans surveillance et d’éviter d’accepter les verres venant d’inconnus. Des accessoires ont même été développés pour éviter de faire face à ce genre de situation. Certains bars distribuent des préservatifs pour verres empêchant l’accès au contenu du verre. On entends aussi parler de vernis qui change de couleur au contact de la substance, mais encore faut-il le trouver…
On retrouve les préservatifs sur Condom Cup.
Cependant, il reste anormal de devoir se sentir en danger lorsque l’on sort boire un verre. Ce nouveau processus ne fait qu’aggraver le sentiment d’insécurité en ville, particulièrement pour les jeunes femmes. On ne répétera donc jamais assez de ne pas faire confiance aux inconnus. Malgré tout, le problème repose aussi souvent sur des imposteurs, et il est donc impératif de libérer la parole à ce sujet. La prévention sera la seule arme pour contrer cette nouvelle vague qui met tout le monde en danger. Désormais donc, de nos jours, le maître mot en soirée, et c’est triste à dire, est : redoubler d’attention.
À savoir
Il semble que ce ne soit pas prêt de changer d’une manière généralisée en Europe. En effet, le phénomène fait également parler de lui en Angleterre ces derniers temps avec un processus d’autant plus redoutable : des seringues injectées directement dans le sang des victimes.
En cas d’urgence, n’hésitez pas à vous faire dépister et à contacter :
- Le SAMU 15 / 114 pour les sourds et malentendants
- Drogues info-service : 0 800 23 13 13 (7 jours sur 7, de 8h à 2h. Appels anonymes et gratuits depuis un poste fixe)
- Et si vous souhaitez témoigner, n’hésitez pas à contacter les associations féministes locales.