Puisqu’on ne peut plus vraiment voyager, et qu’on enchaîne encore et toujours les mêmes films (américains) et mêmes séries (américaines) en boucle depuis un an et demi (du moins certains d’entre nous, on ne dira pas qui), l’équipe ciné propose de vous emmener dans un tour du monde depuis votre salon, dans une épopée cinématographique internationale assis devant votre écran. Parce qu’Hollywood n’a pas le monopole de la qualité, ni du divertissement et de la beauté, les rédacteurs vous proposent de découvrir les mouvements, les époques, les réalisateur.rice.s phares et leurs films favoris qui ponctuent l’histoire du cinéma du différents pays, de l’Italie à la Corée, en passant par l’Allemagne, et même la France (car rien ne vaut le terroir). Alors n’hésitez plus, et prenez place à l’école de ciné Mauvaise Graine, celle qui ne fermera jamais !
Article écrit par Anatole Caille
C’est à partir des années 1990 que le cinéma sud-coréen se fait connaître. En effet, à cette époque, la Corée du Sud sort d’un long siècle de bouleversements économiques et politiques. Le pays connaît alors une très forte croissance économique, notamment dû au développement des chaebols, c’est-à-dire des groupes de grosses entreprises comme Samsung ou Hyundai Motor Group qui ont su donner à la Corée du Sud, une certaine puissance. Ainsi, ce développement économique s’accompagne d’une montée en puissance du cinéma marquée par deux principaux facteurs : la mise en place d’une politique expansionniste qui marque le début de l’exportation des films, mais aussi par la « nouvelle vague coréenne ».Le cinéma coréen connaît alors un réel succès à l’international, à partir des années 2000 et se fera remarquer notamment au cours de nombreux festivals.
Mais qu’est-ce que le cinéma coréen ? Qu’est-ce qui en fait un cinéma à part entière avec ses propres codes ?
Un mélange des genres
Le cinéma coréen est en effet réputé pour proposer au public des films de genre. C’est d’ailleurs le thriller qui est le genre le plus en vogue dans le cinéma coréen et notamment dans ses succès internationaux. L’un des premiers grands succès fut Old Boy (Park Chan-wook, 2003), un thriller sanglant interdit aux moins de 16 ans lors de sa sortie en salles. C’est d’ailleurs le film le plus cité lorsque l’on parle de cinéma coréen et le plus recommandé aux novices du cinéma coréen qui souhaitent le découvrir. En effet, Old Boy a notamment été remarqué pour son scénario original et sa réalisation mêlant violence extrême et poésie visuelle.
Old Boy raconte l’histoire d’Oh Dae-Soo, père de famille sans histoire, enlevé et séquestré pendant 15 ans. Lorsqu’il est relâché, il est contacté par celui qui semble être le responsable de ses malheurs, qui lui propose de découvrir qui l’a enlevé et pourquoi.
Le cinéma coréen a réinventé le thriller. En effet, beaucoup de réalisateurs ont su s’approprier les codes du thriller pour les mélanger à d’autres genres. Ainsi, on a pu voir émerger certains thrillers policiers comme Memories of Murder ou Mother de Bong Joon-ho, réalisateur le plus emblématique et populaire de la Corée du Sud avec Park Chan-wook.
En 2016, Park Chan-wook réalise Mademoiselle, un thriller érotique qui deviendra rapidement un incontournable du cinéma coréen où se mêle arnaques, trahisons, violences et amour dans un récit se déroulant pendant la période d’occupation japonaise de la Corée.
Fervent pratiquant du thriller, le réalisateur notamment connu pour sa trilogie de la vengeance (Sympathy for Mr Vengeance, Old Boy, Lady Vengeance) s’empare en 2009, de l’un de nos plus grands classiques de la littérature, Thérèse Raquin et propose Thirst, un thriller fantastique se permettant certaines libertés, notamment en changeant les protagonistes en vampires.
Monstres et créatures sanglantes sont en effet présents au sein du cinéma coréen. En 2016, on a en effet pu frissonner devant Dernier train pour Busan de Sang-ho Yeon et ses zombies voyageant clandestinement ou encore avec l’inquiétant village dans The Strangers de Na Hong-Jin, hantée par une présence démoniaque effrayante.
C’est en 2019 que vient un gros coup de projecteur sur le cinéma coréen. En effet, Parasite de Bong Joon-ho fait sensation en remportant la Palme d’or à Cannes et son succès n’a fait que d’accroître. Succès critique et commercial, Parasite se fait remarquer et se présente comme un film difficilement classable par son genre qui évolue de la comédie au thriller noir en passant par le drame social.
Des thématiques sombres et violentes
Le cinéma coréen est notamment réputé pour sa violence et la dureté des sujets qu’il peut aborder. La violence est souvent présente pour mettre en avant certaines thématiques humaines ou sociales comme le deuil avec 2 Sœurs de Kim Jee-woon (2003) ou encore la lutte des classes avec Parasite et Snowpiercer (Bong Joon-ho). Une thématique assez propre des films coréens violents est la vengeance. On évoquait tout à l’heure la trilogie de la vengeance de Park Chan-wook et on pourra également citer J’ai rencontré le diable de Kim Jee-woon (2010) qui met en scène un jeu du chat et de la souris ultraviolent entre un psychopathe sanguinaire et un ancien agent des forces de l’ordre assoiffé de vengeance après l’horrible meurtre de sa femme.
Le cinéma coréen, c’est aussi des films plus mélancoliques, avec des thématiques également fortes où la violence frontale laisse place à l’intime et à des émotions plus profondes.
La solitude, la marginalité est une thématique présente dans un bon nombre de films comme dans Oasis (Lee Chang-dong, 2002) ou Je suis un cyborg (Park Chan-wook, 2006) qui mettent chacun en avant une histoire d’amour atypique entre deux personnages écartés de la société. D’autres films comme Des nouilles aux haricots noirs (Lee Hae-joon, 2009), Peppermint Candy (Lee Chang-dong, 2000) et Poetry (Lee Chang-dong, 2010) abordent le suicide avec une douce mélancolie, sans pathos où les sentiments et la psychologie sont mis en avant. La violence, tout de même présente, est ni montrée ou représentée de façon crue, mais suggérée.
Vers une conquête de l’international
L’année 2019 a marqué un tournant pour le cinéma coréen avec la sortie de Parasite. Primé de la Palme d’or à Cannes puis titulaire de l’Oscar du Meilleur film, le film de Bong Joon-ho rafle tout et c’est une première.
Ainsi, on peut se demander si ce grand succès va permettre aux futurs films coréens de réussir à s’imposer davantage dans le paysage cinématographique international. Il semblerait qu’une série américaine adaptée de ce film soit sur les rails. Ce ne serait pas une première pour le réalisateur puisque son Snowpiercer a eu droit à une adaptation sérielle par Netflix.
D’autres succès coréens ont eu également droit à des adaptations américaines comme Old Boy qui a eu un remake du même nom en 2013 par Spike Lee ou encore 2 Sœurs qui a donné lieu au film Les Intrus (Charles & Thomas Guard) en 2009.
Le cinéma coréen a toujours aspiré à s’exporter à l’international. Les réalisateurs les plus connus du pays ont flirté avec les États-Unis comme le Snowpiercer de Bong Joon-ho qui mettait en scène un casting principalement américain, le Stoker de Park Chan-wook (2013) ou encore Le Dernier Rampart de Kim Jee-woon (2013), films entièrement américains.
Le cinéma coréen est ainsi, un cinéma très riche qui a ses propres codes et qui a su se distinguer des autres pays à l’international. Connu pour son mélange de genres et ses thématiques fortes, les films coréens laissent rarement indifférent et tendent à gagner en visibilité dans le monde entier.
Quels films regarder pour découvrir le cinéma coréen ?
Si vous souhaitez découvrir le cinéma coréen, cette petite liste de dix films est là pour vous guider et vous proposer les films les plus adaptés pour commencer votre voyage vers le cinéma coréen :
- Parasite (Bong Joon-ho, 2019)
- Old Boy (Park Chan-wook, 2003)
- Dernier train pour Busan (Yeon Sang-Ho, 2016)
- Mademoiselle (Park Chan-wook, 2003)
- Memories of Murder (Bong Joon-ho, 2019)
- 2 Sœurs (Kim Jee-woon, 2003)
- Poetry (Lee Chang-dong, 2010)
- J’ai rencontré le diable (Kim Jee-woon, 2010)
- Oasis (Lee Chang-dong, 2002)
- The Strangers (Na Hong-Jin, 2016)