Îles tropicales, jeeps et dinosaures, Jurassic Park a su marquer les esprits et l’imaginaire de plusieurs générations depuis la sortie de son premier volet en 1993. Ses différents films ont marqué l’industrie cinématographique et continuent de le faire, comme en témoigne le choix de l’équipe de la 13e édition du Festival Lumière de Lyon, qui a décidé de mettre Jurassic Park à l’honneur de sa célèbre Nuit du Cinéma (qui avait lieu samedi 16 octobre). L’occasion de revenir sur la mythique saga cinématographique américaine, de ses prouesses techniques aux faiblesses de ses scénarios et de ses monstres en tout genre.
Article écrit par Cloé Garnier
Tout d’abord, un petit récapitulatif. La saga Jurassic Park se compose de 5 parties : Jurassic Park (1993), Le Monde Perdu : Jurassic Park (1997), Jurassic Park 3 (2001), Jurassic World (2015), Jurassic World : Fallen Kingdom (2018). Le premier opus sorti en 1993 est certainement le plus populaire de la saga, surtout pour ceux qui étaient présents dans les salles lors de sa sortie. La représentation des dinosaures à l’écran -une première pour l’époque- est alors sublimée par les prouesses techniques. En suivant l’équipe de John Hammond sur Isla Nublar, le public est aussi ému qu’émerveillé : c’est une réussite presque sans faille. Le film a été critiqué pour sa caractérisation, mais il a été un succès incontestable : il est devenu le plus grand succès financier jamais réalisé. Il est d’ailleurs resté numéro un pendant trois semaines, rapportant un total de 357 973 897 $ sur le marché intérieur et 914 691 118 $ dans le monde.
Un si beau début nous laissait présager une seconde partie prometteuse. En effet, le second opus est à l’image du premier, réalisé par Steven Spielberg et adapté du roman de Michael Crichton. Si ces éléments ont effectivement permis une cohésion entre les deux films, notamment la cohérence en termes de localisation, entre Isla Nublar et sa cousine Isla Sorna et de personnages, avec le retour du mathématicien Ian Malcom, le parallèle entre les deux œuvres s’arrête là. Tout d’abord, parce que dans Jurassic Park : Le Monde Perdu, il n’est pas question d’exploiter ou de chasser les dinosaures. Même sous leur aspect le plus monstrueux, alors qu’ils chassent, violent et tuent eux-mêmes les humains, le propos du film reste le même : les humains ont une responsabilité envers cette espèce et leur seconde chance de vivre doit être protégée à tout prix. Comme le dit Stephen Holden du New York Times : “Le Monde perdu, contrairement à Jurassic Park, humanise ses monstres de la même manière qu’E.T.“.
Mais malgré une prémisse intéressante, pour les spectateurs, c’est la douche froide. Le manque de qualité de la seconde partie serait criant s’il n’était pas aussi comique : le réalisme technique apporté aux dinosaures ne l’est pas aux personnages, qui sont liés par des conventions d’intrigue et programmés pour faire des choses stupides afin de pouvoir être poursuivis et parfois mangés par les dinosaures. Le film comporte de multiples longues séquences qui n’existent… que pour être de longues séquences, sans intérêt scénaristique. L’exemple le plus évident est le sauvetage sans fin de la remorque qui tombe de la falaise. Alors que trois personnages sont suspendus dans le vide, un quatrième tente désespérément de sauver la remorque de la chute à l’aide d’un câble : il le répare, le câble casse, il le répare à nouveau, le câble casse, il le répare à nouveau, le câble casse, et magie : un dinosaure apparaît et l’attaque, comme si les scénaristes s’étaient soudainement souvenus de l’enjeu principal du film. La scène n’est qu’une suite d’actions inutiles, dont la seule fonction est de remplir le temps d’écran, comme si les réalisateurs admettaient qu’ils n’avaient rien trouvé de plus intriguant pour le scénario. On ne commentera pas le fait que le seul humain à avoir tué un dinosaure à l’écran dans toute la saga est une fille de 13 ans qui se balance sur des barres parallèles comme Simone Biles, avant de donner un coup de pied dans le visage d’un raptor. On ne parlera pas non plus d’un troisième opus négligeable, qui a beaucoup souffert de la comparaison avec les précédents -notamment de l’absence de Spielberg à la réalisation et de John Williams à la musique-.
Passons à la prochaine étape de la saga : Jurassic World. Le nouveau volet de l’univers de Jurassic Park offre une toute nouvelle vision de ce monde merveilleux. Si les deux volets n’égalent pas l’émotion de l’œuvre originale, les fans s’accorderont à dire qu’ils donnent une nouvelle dimension à l’œuvre, les avancées techniques donnant vie aux idées les plus folles, qui n’auraient pas été possibles il y a quelques décennies.
Le nouveau chapitre de la saga s’ouvre à nouveau en 2015 sur Jurassic World, avec Colin Tevorrow comme réalisateur. Son histoire se déroule vingt-deux ans après les événements du film Jurassic Park, sur la même île : Isla Nublar. Et pour la toute première fois, le rêve des spectateurs se réalise : le parc est ouvert. Mais à quel prix ? Plus de vingt ans après la redécouverte des dinosaures, le public commence à s’en lasser, et demande plus de sensations fortes, plus de spectacle, plus de crocs -un parallèle avec le public de la saga ?-. Scénaristes et scientifiques se décident alors à assembler de toute pièce une nouvelle espèce pour faire frissonner petits et grands : l’Indominus Rex. Avec toujours plus ou moins la même recette – des problèmes techniques conduisant à un dinosaure lâché sur des enfants paniqués tandis qu’un couple les aide à ne pas être dévorés vivants – le film parvient à satisfaire une attente à double tranchant. Car l’opus doit concilier les attentes de l’ancienne génération de fans qui a grandi avec les trois premiers volets, connaissant la saga et nécessitant donc un minimum de fan service, avec celles des jeunes qui découvrent l’univers de Jurassic Park avec ce film, nécessitant donc de replacer l’univers mais aussi d’innover pour le public actuel. Et le pari est réussi. Car si Jurassic World ne peut égaler l’original en termes d’inventivité et d’impact sur la pop culture et le monde du cinéma, il fonctionne plus que bien en tant que thriller popcorn divertissant et visuellement éblouissant. Si le film ne surpasse pas l’original, il se démarque tout de même des autres suites à sa sortie ; comme le dit Spielberg lui-même, “Voir Jurassic World prendre vie, c’est presque comme voir Jurassic Park prendre vie.“
Réalisé par J. A. Bayona, Jurassic World : Fallen Kingdom est le deuxième volet de la trilogie Jurassic World et le cinquième volet de la franchise Jurassic Park. Et ce cinquième opus entend se démarquer du reste de la saga tant au niveau de la réalisation que du scénario. Le scénario est pour le moins novateur : trois ans après les événements de Jurassic World, les dinosaures, à nouveau maîtres d’Isla Nublar, se retrouvent soudain menacés d’extinction lorsque le volcan de l’île, jusque-là en sommeil, est sur le point d’entrer en éruption. En prenant cette voie, Bayona dit adieu au parc pour de bon, non seulement en faisant disparaître les dinosaures de l’île, mais aussi en s’affranchissant des conventions de genre des quatre précédents volets. Le ton sombre et angoissant est dérangeant, mais il semble parfaitement adapté au caractère poignant et déchirant de l’opus. C’est particulièrement vrai lors de la scène où un brachiosaure solitaire, échoué sur Isla Nublar, succombe aux fumées volcaniques tandis que les personnages assistent impuissants au départ du navire, surtout compte tenu du rôle de l’espèce dans le premier film. La mise en scène de Bayona est à la croisée d’ingrédients typiquement hollywoodiens et d’influences de films d’horreur qui riment avec noirceur et merveilleux, bien que les moments vraiment excitants soient peu nombreux. En effet, le scénario n’est pas assez fort pour soutenir l’ambition de la mise en scène, et les questions éthiques soulevées dans le film ne sont pas assez profondes pour être abouties. Les méchants du film deviennent de telles caricatures qu’il est difficile de prendre au sérieux les tentatives de réflexion philosophique de Fallen Kingdom.
Avec des hauts et des bas, la saga est une pièce majeure du blockbuster américain depuis près de 30 ans maintenant, et continuera de l’être avec la sortie prochaine de Jurassic World: Le monde d’après. Avec Colin Trevorrow à la réalisation et une sortie prévue en 2022, le film suivra très certainement le clash inévitable entre dinosaures et hommes, comme le prévoyait déjà Dr. Ian Malcolm et Dr. Ellie Sattler dans le premier Jurassic Park : « Dieu crée les dinosaures, Dieu détruit les dinosaures. Dieu crée l’Homme, l’Homme détruit Dieu. L’homme crée les dinosaures, les dinosaures mangent l’homme… La femme hérite de la terre ».