Peut-être est-ce le début de l’automne ou mercure rétrograde, mais l’envie nous a pris de soumettre des artistes à un nouveau format : l’interview Prédictions. Les 13 et 14 octobre, l’équipe de Mauvaise Graine magazine était au MaMA festival à Paris, l’occasion de rencontrer artistes et professionnels de l’industrie musicale dans un cadre festival au cœur du 18e. Équipés d’un enregistreur et d’un jeu de tarot, on a tiré les cartes à ceux ayant reçus le souffle sacré d’Euterpe. C’est donc l’heure de l’interview Prédictions, en compagnie de Lulu van Trapp, quatuor parisien à la croisée de la chair et du synthé, qui a sorti en avril 2021 le magnifique album I’m not here to save the world.
Propos recueillis par Eva Darré-Presa
CARTE 1 : L’ERMITE, associée à la réflexion et au temps nécessaire pour comprendre les choses
Comment vous en êtes arrivés à faire la musique que vous faites aujourd’hui ? Combien de temps ça vous a pris pour trouver votre identité musicale?
Rebecca : Je pense que c’est un chemin personnel à chacun. C’est un groupe qu’on a commencé à un âge de maturité, on avait tous 24-25 ans. La phase de réflexion était passée, il y avait certaines traversées du désert qui étaient passées. Dans le cas de Lulu von Trapp, il y a eu un truc fondateur entre Max et moi. On a pensé ce groupe ensemble avant que Manu et Nico nous rejoignent et qu’on devienne un quatuor. Il vient de notre amitié, ce groupe. On vient d’une musique un peu plus violente et on a eu envie de panser ces blessures en créant quelque chose de plus humain, de plus fédérateur. On avait envie de regrouper, de ne plus être des ermites. C’est un groupe de sortie de l’ermite.
Nico : Je pense qu’on a une remise en question sur certaines choses, on ne se dit pas qu’on a trouvé une identité, on est dans une constante évolution.
CARTE 2 : LA PAPESSE, associée à la concentration
Qu’est-ce que vous écoutez pour vous concentrer ? Dans quelles conditions vous vous mettez quand vous avez besoin de concentration ?
Max : Il y a eu plein de phases différentes dans ce qu’on écoutait, ça peut aller de la salsa au post punk bielorusse. C’est moins une histoire de concentration que de se mettre dans une ambiance qui nous correspond à un instant T. On rassemble ce qui nous inspire au moment où on s’apprête à composer. Il n’y a pas vraiment de recette type.
Nico : Et pour le live, on a tous nos petits trucs. Ça peut être collectif ou individuel.
Rebecca : On est pas trop le genre de groupe à faire une grosse accolade en mode match de rugby. On va surtout se retrouver sur scène.
Max : On a un tchek tortue ninja avant de monter sur scène.
Rebecca : Je l’ai jamais fait avec vous ! Je sais que je suis très perso avant de monter sur scène. J’ai besoin d’être en repli intense sur moi-même. C’est vraiment l’histoire de trouver un silence intérieur dans tout le brouhaha de la journée.
CARTE 3 : L’ÉTOILE, associée aux artistes, à l’intuition et la sensibilité
Est-ce qu’il y a un message que vous souhaitez vraiment faire passer à travers votre musique ?
Manu : On transmet en direct ce que l’on reçoit du monde extérieur. Ça évolue en permanence. Ce qu’on a envie de dire demain, on ne le dirait peut-être pas la semaine suivante.
Nico : Il y a quand même un truc très précis : l’amusement, le bonheur et l’amour. Faire chialer les gens avec une belle chanson d’amour c’est un bel objectif.
Rebecca : Le contenu de la mission peut changer, mais il y a quand même une mission dans ce qu’on fait et dans notre manière de faire. Même si les contours sont flous, on sait qu’on a une place privilégiée en tant qu’artistes. Quand on est sur scène, ce qu’on dit peut être entendu. Même si le message varie, il est toujours pesé et pensé.
Nico : On répond beaucoup aussi à ce qu’on reçoit. Si dans une salle on nous donne beaucoup, on peut taper un concert auquel on ne s’attendait pas !
CARTE 4 : LA TEMPÉRANCE, associée au dialogue et la bienveillance
Le feat de vos rêves ?
Nico : Je pense, Damon Albarn. C’est un peu un truc général.
Rebecca : Billie Eilish.
Max : J’irais bien dans un truc plus extrême, soit vraiment hip hop fort, comme Tyler the Creator.
Rebecca : Avec Rihanna, on va bientôt la feater.
Manu : Avec Kanye West, je kifferais bien. Il doit être dingo mais je pense qu’il doit avoir une manière de créer totalement folle.
CARTE 5 : LA MORT, associée au renouveau
Selon vous, quel genre de musique sera le plus écouté dans le monde de demain ? Qu’est-ce que l’industrie musicale peut offrir de neuf ?
Rebecca : Déjà, je pense que l’avenir c’est pas 2022. C’est déjà clairement le passé ! Au-delà d’un style musical, je pense qu’il y a un besoin de retour à quelque chose de charnel, de réel et de sauvage. On va avoir cette espèce de pont entre une musique de plus en plus dématérialisée et un besoin d’être de plus en plus dans la chair. Je pense qu’il y aura une explosion atomique avec tout ça.
Max : Et qui est trop bien !
Rebecca : Et on a envie d’être les chevaliers de ça. Même si on fait une musique qui passe par le synthétique et l’ordinateur, on a aussi une approche de la scène organique, dans la présence, le contact et l’amour. Je pense qu’on va par là. Un choix de camp ou une confrontation entre les deux.
Nico : Quelque chose d’hybride, de chimérique. Mi-humain, mi-machine et mi-dragon. C’est ce qu’on a toujours kiffé puisqu’on a toujours eu du mal à faire qu’un style de musique. On est tellement indécis qu’on met tout dans le même panier et qu’on en fait un milkshake.