Sur les flancs de la somptueuse exposition permanente du Musée d’Orsay, Pygmalion et Galatée nous attendent dans l’intimité d’une salle obscure. Un Rodin immaculé à gauche, un Gérôme vampirique à droite et, au centre, une moitié de corps pourchassé par un autre complet se meuvent sur un mur. Le mythe s’anime : bienvenue au cinéma!
Article écrit par Lauriane Haumont
En entrant dans ce sombre et confidentiel vestibule, on pense échapper au brassage bruyant de la gigantesque nef d’Orsay. Il n’en est malheureusement rien. D’immenses salles communicantes s’encombrent de mille et un objets d’art. Le cinéma se noie au milieu d’accrochages dont la pertinence peut parfois être questionnée.
Accueilli, si on parvient à le repérer, par un Caillebotte quasi monochrome, l’exposition témoigne de ces curiosités à la mode dans la deuxième moitié du XIXe siècle : le mouvement et la temporalité. D’emblée, les thèmes affiliés au cinéma trouvent un écho ailleurs. On comprend le topo : les arts communiquent, échangent et s’alimentent mutuellement. Cette notion se pose comme le leitmotiv de la visite. Mais cette ambition trébuche un peu sur l’empilement des œuvres et objets exposés.
Le syndrôme de Stendhal est en train d’écrire…
Des chefs d’œuvres s’enchaînent et par la même nous enchaînent les pieds jusqu’à nous faire tomber de fatigue. La salle d’exposition choisie n’était sûrement pas la bonne: les pièces sont trop grandes et communiquent trop les unes avec les autres. Ce qui aurait dû être un parcours thématique guidé se transforme en randonnée dans un cabinet de curiosités. On s’amuse devant les films de Méliès, on s’extasie devant la danse serpentine toute colorée de Loïe Fuller puis on s’épuise dans la salle d’Histoire pourtant pleine de surprises en majesté. Une fois arrivée au bout, dans la salle de cinéma que nous n’attendions plus, on s’écroule. Les nerfs à sec, perdu.e.s face à cette anarchie de chefs d’œuvres.
Et la lumière fut
Dans le méandre des salles, une thématique fait briller la rétine. Dans ce dialogue de sourd, la lumière joue des coudes pour éclairer l’exposition. Félix Vallotton emprunte le polyptyque à l’art sacré, les luminaires électriques aux galeries marchandes et crée une véritable scène de cinéma. Le Bon Marché (1898) fait une synthèse de l’intention de l’exposition : il fait dialoguer les époques et les arts. Il fait fusionner les grandes thématiques d’Enfin le cinéma: le mouvement intervient avec la foule du panneau central, la temporalité s’amuse de gros plans sur les deux panneaux latéraux, la lumière s’habille de mille et une lumières colorées. L’immobilité d’un tableau s’anime sur un mur. En somme : il réussit le tour de force de mouvementer des images figées. La peinture devient cinéma.
La sélection exposée ne manque pas de surprises. Ca, nous leur concédons volontiers. Mais l’effet multiplié à l’infini égard. Enfin le cinéma! demande d’intellectualiser quelque chose de très lourd, sans véritablement tirer parti des accrochages et des vitrines (manque d’information sur les cartels, manque de guidage dans la visite).
L’exposition est à découvrir gratuitement pour les moins de 26 ans et aux tarifs de 16 (complet) ou 13e (réduit) jusqu’au 16 Janvier 2022 au Musée d’Orsay.
Commissaire générale d’exposition : Dominique Païni