“Le temps est relatif” avait dit un certain Albert. C’est une théorie qu’à pu tester l’équipe de l’expérience DeepTime, en s’enfermant dans la grotte de Lombrives pendant 40 jours ! Enlever tout repère temporel à nos vies, ça peut faire rêver : plus d’horaires à respecter, plus de réveil beaucoup trop tôt, plus de calcul constant de “il me reste 4 heures et 32 min à dormir” ! Mais aurais-tu fait l’expérience toi-même ?

Capture d’écran du site Deeptime.fr

Article écrit par Ludivine Gautier

Retour sur l’expérience Deep Time

Le 24 avril 2021 se terminait enfin l’expérience Deep Time, durant laquelle 15 personnes, qui ne se connaissaient pas, sont restés enfermées 40 jours dans la grotte de Lombrives en Ariège. Ce séjour avait pour but de leur faire perdre tous leurs repères temporels : pas de soleil qui se lève ou se couche, aucune horloge, et aucune perception de l’extérieur. Le tout dans un lieu clos par une grille cadenassée, par 10°c et 90% d’humidité… Le rêve de tout un chacun quoi !

On dirait presque le pitch d’un film d’horreur… ou d’une nouvelle épreuve de Koh Lanta ! Dit comme ça, cela ne fait pas vraiment envie. On imagine sûrement mieux comme vacances. Pourtant je ne peux m’empêcher de me demander : si on me l’avait proposé, l’aurais-je fait ? Et bien je crois que oui et je vais t’expliquer pourquoi !

L’intérêt scientifique

Les opportunités d’aider la science quand on n’est pas soi-même scientifique sont un peu limitées: on peut servir de cobaye pour diverses expériences, ou bien donner son corps une fois parti au Valhalla. Ici il s’agit bien d’une expérience, mais bien différente de ce que l’on à l’habitude d’imaginer. Et si certains des participants de DeepTime étaient scientifiques ou spécialistes, d’autres était bijoutière, sans emploi, prof de math,… des professions bien loin du domaine de la recherche.

C’est une occasion unique pour des amateurs de science de donner de leur temps (au sens littéral du terme) pour une expérience aux enseignements précieux. Elle représente une importante constitution de données pour des domaines scientifiques fascinants ayant pour but d’améliorer les conditions de vie futures. Comment réagit un humain dans une base spatiale, un sous-marin, un chantier souterrain,… ?  Comment réagit le corps à des conditions si particulières ? Comment réagit l’esprit aussi ? Après plusieurs confinements à cause de la pandémie, on sait déjà que l’enfermement et la perte de repères peuvent être troublants, voire dangereux.

L’intérêt sociologique

Dans une société où l’on est tous scotchés à nos montres, téléphones, horloges, on peut se poser des questions : A-t-on faim par besoin, ou parce que c’est l’heure de manger ? Va-t’on se coucher par fatigue, ou parce que la nuit nous l’incite ? Nous sommes sous contrainte du temps 24h sur 24h, 7 jours sur 7, 365 jours par an.

Le but de l’expérience DeepTime est également de comprendre le fonctionnement primaire d’un groupe et son adaptabilité. Les corps se synchronisent-ils au fil du temps pour suivre le rythme du groupe ? (Cela me fait penser à l’épisode de Orange is the New Black (épisode 5 saison 4) ou toutes les filles de la prison ont leurs règles en même temps.)

Les premiers résultats ne sont pas encore connus mais il semblerait, d’après Christian Clot, l’initiateur du projet, dans son interview par TV5Monde, que ce soit plus la volonté du groupe qui adapte le rythme. Les participants se “forçaient” à rester éveillés pour exercer une tâche collective par exemple. Quand il faut réaliser des travaux communs, chacun essaie de construire son rythme autour de ça. Mais cela soulève beaucoup de questions sur la nature profonde du comportement humain. Est ce que la vie de l’individu suit naturellement le rythme de la collectivité ou l’indépendance est-elle le comportement le plus naturel ? Les résultats de la grotte peuvent-ils s’appliquer à la société ? Aristote avait sûrement raison en affirmant que l’Homme est un animal social, ou peut être pas.

Se connaître soi même

On a tous voulu un jour connaître nos propres limites. Pour certains cela passe par la pratique de sport extrême, d’autre par un tour du monde. Participer à cette expérience est un parfait exemple de test envers soi-même. La vie dans des conditions extrêmes peut permettre de se découvrir, de sortir de sa zone de confort, de se donner un bon coup de pied aux fesses pour quelque chose qui en vaut la peine ! Cela permet de découvrir son propre corps et son propre rythme sans carcan.

Si vous avez vu la vidéo du Youtubeur Amixem, vous avez sûrement remarqué qu’il tombe presque juste sur ses estimations horaires. Notre horloge interne est calibrée sur celle que nous nous sommes imposée naturellement, que ce soit par les cycles jour/nuit, ou par notre vie quotidienne. Nous sommes fait pour nous caler sur un rythme particulier : le rythme circadien. Mais l’expérience a su démontrer que sans rythme préalablement instauré, on en compose un soi-même. À la sortie de la grotte, les participants expliquaient que pour la plupart d’entre eux, ils en étaient à leur 30eme cycle de sommeil. Ils pensaient n’avoir passé que 30 jours dans la grotte, et non 40. Le rythme naturel du corps est peut être plus long que nous le pensons.

Et puis il y a ce qui se passe dans la tête. La perception psychologique du temps. Le temps parait t-il plus ou moins long quand on ne sait pas qu’il s’écoule ? Surement que tout cela doit pousser à l’introspection et à la réflexion. N’est-ce pas également une occasion unique de prendre le temps d’être hors du temps ? Je ne sais pas pour vous, mais lors du tout premier confinement, j’ai presque pris plaisir à me sentir hors mesure, hors temps. J’avais l’impression de vivre pour moi-même uniquement. Ne plus être obligé de respecter les heures, m’a ôté un poids des épaules. Je prenais le temps. Je travaillais quand je me sentais en forme pour le faire, lisais, regardais mes films, faisais de l’exercice, mais sans me soucier de l’aiguille de l’horloge. Je me sentais légère parce que j’allais enfin à mon propre rythme. Suivre le temps établi, c’est s’épuiser à courir trop vite dans une course d’endurance. Est-ce que dans le fond, ce n’est pas ça le secret de la paix intérieure : prendre le temps d’être à son temps à soi.

Rien que pour vérifier cette hypothèse, j’aurais tenté l’aventure.  Aurais-je eu peur d’être sans repère, ou au contraire, me serais-je senti plus sereine, plus en phase avec moi-même ?

Prêt à tenter l’expérience ?

Que ce soit par intérêt général, en soutien à la science, ou pour se découvrir soi même, il y a de multiples raisons qui pourraient nous pousser à dire oui si on nous le demandait. Le contexte joue également. Si l’on me proposait la même expérience dans une maison calfeutré, ou un bunker sous terre, ma réponse serait un non sans équivoque. Tourner en rond au milieu d’inconnus dans un décor des plus basiques, cela n’a rien d’attirant. Mais une grotte comme celle de Lombrives semble plus sympathique à observer, à explorer, à découvrir. Certaines des inscriptions à l’intérieur de la grotte datent du 13ème siecle. Un lieu chargé d’histoire !  Et puis il y a des choses à faire : rien que chercher de l’eau est une aventure. Il faut grimper en rappel, se faufiler dans un minuscule trou pour atteindre un lac souterrain. Vivre là c’est une aventure unique, excitante !

Alors aurais-je eu le courage de passer 40 jours dans une grotte avec 15 inconnus ? Je pense que oui. Je l’aurais fait pour le dépassement de soi, pour la connaissance de moi-même, pour la richesse de l’expérience et pour l’accomplissement d’avoir participé à quelque chose de plus grand que ma vie de Netflixeuse.

Mais bon, j’aurais dû demander des contreparties : une paire de très très grosses chaussettes notamment !

Et toi, aurais-tu dit oui ?

Vous pouvez suivre la suite de l’aventure de DeepTime sur Instagram et Facebook, ainsi que le site internet Deeptime.