Une star déchue du patinage artistique à l’égo surdimensionné, du roller derby, une compétition nationale et une équipe pas vraiment taillée pour la remporter : je vous présente la série Derby Girl.
Article écrit par Ariane Allombert
Derby Girl, c’est une série en 10 épisodes, réalisée par Nikola Lange qui est disponible sur la plateforme France TV Slash gratuitement. On y suit Lola Bouvier, une ex-enfant star du patinage artistique, tiraillée entre égo-trip et amertume qui se tourne, un peu malgré elle, vers le roller derby. Elle intègre ainsi une équipe de looseuses magnifiques, les Cannibales Licornes. La jeune femme, très pimbêche, se trouve alors confrontée à des nanas qui ont l’habitude de prendre des coups et de les rendre, dans un univers bien loin des paillettes de ses anciens justaucorps.
Portée par un casting féminin énergique et talentueux, la série s’approprie avec un certain humour les codes de la narration à l’américaine. On y retrouve notamment la géniale Sophie-Marie Larrouy, que je connaissais déjà pour ses podcasts à la fois drôles et émouvants, et qui ici campe fièrement Mother Blocker, une joueuse qui se prend vite d’affection pour Lola, incarnée par Chloé Jouannet.
Les premières minutes de la série présentent la descente aux enfers de la pourtant si prometteuse Lola Bouvier qui, lorsqu’elle rate la réception d’un axel décisif pour les Championnats du monde du patinage artistique, ne supporte pas son échec et se venge contre Svetlana, la « satanée bolchévique » qui a brigué la médaille d’or. À la Zizou, Lola éjecte la jeune femme du podium et d’un coup sec, tranche ses doigts à l’aide de son patin. Ces premières minutes sont imprégnées d’une lumière froide qui fait écho aussi bien à la glace qu’à la poignée de fer avec laquelle la mère de Lola dirige la vie de sa fille et ses entraînements.
Si le premier épisode, une fois passée l’horreur du tranchage de doigts, laisse craindre un remake du célèbre film Bliss, son spectre est vite évacué après un clin d’oeil humoristique : interrogée sur sa motivation pour intégrer l’équipe des Cannibales Licornes, une des futures membres répond qu’elle a « vu Bliss récemment ». Les Cannibales Licornes ont cependant un point commun avec l’équipe d’Ellen Page dans le film de Drew Barrymore : elles sont les outsideuses, celles qu’on n’attend pas et qui seront pourtant au rendez-vous.
C’est une série qui soulève plein de questions, notamment celle de la sororité et de l’amitié. Lola ne vit que pour gagner et être la meilleure. C’est ainsi que sa mère, qui était aussi sa coach, l’a éduquée : « tout individu qui n’est pas toi est un ennemi ». Dès lors, comment vivre avec les autres et leur faire confiance ? Comment faire partie d’une équipe, d’un groupe, d’une bande quand on n’a toujours vécu que pour sa propre victoire ? Se dessine aussi en filigrane un questionnement sur la maternité et la parentalité à travers le personnage absent de la mère de Lola et celui de son père, un humble prof de techno qui peine parfois à gérer les humeurs de sa fille.
Ça fait plaisir et du bien de suivre une bande de meufs déjantées, drôles et inclusives. D’entendre démonter le système capital-patriarcal dans les douches du vestiaires. De voir des corps de femmes de morphologies différentes et des nanas qui affichent leur no-bras sans complexe. De voir qu’on peut reprendre ses potes quand elles disent de la merde. D’entendre dire que quand il s’agit de jouir, les mecs qui pensent « moi d’abord » c’est fini, et que ça change maintenant. De voir des serviettes hygiéniques et du sang de règles devenir une arme de redressement des torts.
Une série féministe et feel good, avec des actrices talentueuses, qui parle du sport le plus badass du monde : que demander de plus ?
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