Dune qu’est-ce que c’est ? À l’origine, c’est un roman de SF écrit par Frank Herbert en 1965 (accessoirement, c’est le roman de SF le plus vendu au monde), et vu que le bonhomme avait une immense saga en tête il ne s’est pas arrêté au premier tome mais en écrivit cinq de plus. Forcément un bouquin de SF qui est un succès comme celui-là, ça fait du pied aux studios américains et aux réalisateurs aventureux.
Article écrit par Simon Zytka
En 1973, Alejandro Jodorowsky lance le projet fou de produire puis réaliser un immense film Dune de plus de dix heures en marge des studios Hollywoodiens avec des stars mondiales dans tous les rôles. L’histoire est connue, il manque 5 millions de dollars au film pour se faire. Si aujourd’hui ça paraît peu pour un blockbuster, à l’époque c’était une sacrée somme. Si vous voulez en savoir plus sur l’histoire, je vous conseille l’excellent film documentaire de Frank Pavich : Jodorowsky’s Dune qui revient sur la production insensée de ce film jamais tourné.
En 1984 sort la version cinématographique de David Lynch, film commandé par les studios, la production fut compliquée pour Lynch qui n’était pas un grand fan de SF. Le montage final du réalisateur fut charcuté par les studios afin d’en faire une version d’environ deux heures, exploitable au cinéma.
Ensuite une adaptation pas si connue mais pourtant très fidèle à l’œuvre de Herbert est la mini-série de 2000 par John Harrison. Comportant trois épisodes d’1h30, cette série à un peu vieillie mais est toujours agréable à regarder notamment car elle respecte énormément les événements et le déroulé du roman et mets en scène à l’écran des passages qui n’ont jamais été vus dans aucune autre adaptation (comme le passage du banquet, les personnes ayant lu le livre s’en souviendront). Donc si vous aimez le livre, les mini-séries et William Hurt (il joue Leto Atréides), foncez voir ça, ça vaut le coup d’œil.
Mais trêve de bavardage et revenons en 2021 et au sujet qui vous intéresse, c’est à dire le Dune de Denis Villeneuve avec Timothée Chalamet et Zendaya. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle était attendue, cette nouvelle adaptation par le talentueux canadien Denis Villeneuve. Alors, quel est le verdict ? Comment s’en est sorti le réalisateur de Prisoners face aux vers des sables et au désert géant d’Arrakis ?
Ne laissons pas le suspens durer plus longtemps : Dune façon Villeneuve c’est bien, c’est même très bien. Il réussit le pari difficile de livrer un film qui est une adaptation réussie du roman de Frank Herbert tout en étant accessible par les spectateurs n’ayant jamais lu le livre ou même entendu parler de l’univers. Évidemment ça reste encore très fourni en informations et quelques subtilités peuvent peut-être échapper à un premier visionnage, mais force est de constater que le film emporte le spectateur pendant plus de deux heures et demie sans jamais lui laisser le temps de s’ennuyer.
Pourtant Dune sort du format des blockbusters plus classiques, c’est une véritable vision de son réalisateur sur un roman phare de la littérature de science-fiction, il prend le temps de poser les enjeux et son univers et même s’il y en a, ne se focalise pas uniquement sur les scènes d’actions, tout est traité avec la même minutie et précision. Villeneuve tisse son histoire et laisse le spectateur le suivre pour découvrir les personnages, les planètes, les liens, l’univers et surtout l’histoire qu’il a mis en scène.
Villeneuve à une manière particulière de raconter les histoires, et que ce soit à la fin de Blade Runner 2049 ou à la fin de Dune, je me suis dit que en gardant ce rythme et cette manière de raconter l’histoire, les films pourraient durer 2h de plus que je resterai scotché devant mon écran, avide d’en voir plus des univers qui me sont présentés.
Derrière les plans on sent l’amour et le respect que Villeneuve porte au roman. Évidemment certains passages du livre sont réarrangés dans un ordre différent pour mieux rythmer le film, certains personnages perdent de l’importance tandis que d’autres (personnages et scènes) passent à la trappe. Mais ce qu’il y a à l’écran est plus que respectueux et cohérent des écrits d’Herbert, on y retrouve tout son monde, et puis il est difficile de garder tous les personnages avec leur importance dans un film de 2h30 (même dans deux films de 2h30).
Chaque rôle convient à merveille à l’acteur choisit, et si la manière de raconter l’histoire ne nous laisse pas forcément le loisir de nous attacher aux personnages, on reste scotché à l’écran pour voir la suite, l’enchaînement des événements à travers lesquels les personnages ne sont que des petits insectes ballotés au gré du vent qui souffle sur les dunes d’Arrakis. Mention spécial à Stellan Skarsgård, terrifiant en Baron Harkonnen et ça doit être le premier film ou j’ai bien aimé Jason Momoa !
J’aurais un reproche à faire au film c’est le choix de la musique par Hans Zimmer. Zimmer à refusé plusieurs projets pour composer la bande originale de Dune, dont le Tenet de Nolan, je m’attendais donc à une expérience musicale assez chouette et il nous sort encore ses vagues de sons d’ambiance avec des gros PWAAAAAAAA comme il sait si bien faire depuis dix ans. Alors d’accord, ça marchait plutôt bien dans Blade Runner 2049 et je peux comprendre pourquoi il refait ça dans Dune, ça colle à l’ambiance, mais bon, une composition un peu plus subtile n’aurait pas été de refus. Voire même quelque chose de très orchestral, ça aurait pu marcher !
Le second reproche n’est pas à imputer au film lui-même mais au studio (coucou Warner) qui attend de voir le succès de cet opus avant de lancer le feu vert pour financer la suite. La fin de ce film nous laisse donc en plein centre de ce qui équivaudrait au milieu du premier tome de la saga. Autant dire que c’est un peu frustrant lorsqu’on ignore si une suite verra le jour ou non. Si le film marche très bien en France, il faudra attendre la sortie aux États-Unis le 22 octobre et son succès outre-Atlantique pour savoir le sort de la suite du film. Il semble bien parti pour être un franc succès mais une variable n’est pas à prendre à la légère : le film sortira simultanément sur HBO max, ce qui favorise grandement le piratage.
Bref, en conclusion, Dune est un très bon film de science-fiction, un blockbuster d’auteur si j’ose dire, fait par un passionné du matériau qu’il utilise. Une adaptation fidèle qui nous emporte pendant 2h36 sans jamais nous laisser souffler bien longtemps. C’est grandiose. Le film pourra laisser certains spectateurs sur le côté de par son esthétique brutaliste et froide, mais emportera les autres pour une aventure des plus qualitative !