Halloween approche à grands pas et vous connaissez déjà par cœur les classiques du genre. Vous avez vu et revu les chefs d’œuvres de Carpenter et de Cronenberg assez de fois pour en être lassé, et vous voulez changer des éternels clowns, sorcières ou fantômes qui hantent cette fête depuis votre tendre enfance. Ces dernières années, les productions cinématographiques ont fait la part belle à l’horreur et à l’épouvante avec de belles surprises cinématographiques (It Follows, Get Out, Ghostland…). Moins connus du grand public que ces précédents, les films proposés ici ne sont pas forcément ceux qui effraient le plus mais proposent une vision novatrice de l’horreur à l’écran. Du conte fantastique à la comédie horrifique en passant par le road movie, le monstrueux est souvent tapis là où on ne l’attend pas, alors soyez curieux et vous serez surpris !

Article écrit par Justine B.

Morse (T. Alfredson – 2008 / Suède)

Grand prix et prix de la critique au Festival du film fantastique de Gérardmer, adaptation d’un roman suédois fantastique, Morse fait partie de ces œuvres hybrides qui transcendent le genre horrifique. Ayant récolté succès critique et public à sa sortie, il reste cependant peu cité dans les films à regarder durant la période d’Halloween alors qu’il propose une relecture du classique « film de vampire » tout à fait originale. Si le titre français laisse d’abord perplexe, celui en anglais intitulé Let the Right One In (qu’on peut traduire par « Laisse-le entrer ») permet déjà d’entrevoir une des particularités du mythe du vampire  : celle de ne pas pouvoir entrer chez autrui avant d’y avoir été invité.

Amateurs d’histoires de vampires plus classiques, il ne faut pas s’attendre à voir ici une énième production à la sauce Twilight ou Vampire Diaries. Le récit se situe dans une austère banlieue résidentielle de Stockholm durant les années 80, au beau milieu de forêts enneigées. On assiste à la rencontre d’Oskar avec sa nouvelle voisine Eli, deux adolescents en souffrance et à l’écart des autres qui vont tisser un lien particulier. Suite à l’arrivée d’Eli, une série de meurtres atroces vont se produire jusqu’à installer un climat de paranoïa entre les habitants.

Difficile de résumer l’intrigue du film sans en dévoiler trop, mais si il y a une chose à retenir pour se lancer dans le visionnage de Morse, c’est bien l’ambiance qui s’en dégage. L’esthétique glaçante et faussement immaculée nous plonge dans un environnement brumeux où la beauté est sans cesse mêlée avec le morbide et où les monstres ne sont jamais ceux que l’on croit. Mais pas de crainte pour ceux qui redoutent un aspect contemplatif, au contraire. Les scènes sont rythmées et l’hémoglobine est présente à juste dose. La violence surgit là où on l’attend rarement, ce qui transcende la traditionnelle surprise du film horrifique lambda. De plus, le traitement de l’histoire entre Oskar et Eli s’éloigne du schéma banal de la romance adolescente, puisque leur complicité et l’ambiguïté sexuelle est suggérée ici d’un œil brut et poétique.

Bonus : la scène d’apothéose dans une piscine municipale sur fond de musique eighties (Flash in the night – Secret Service ) fait preuve d’une efficacité et d’une ingéniosité remarquable.

The Voices (Marjane Satrapi – 2015 / Germano-Américain)

Collaboration inattendue entre la réalisatrice Marjane Satrapi (connue notamment pour Persepolis) et le scénariste Michael R. Perry (de la saga Paranormal Activity), The Voices est un film OVNI qui mélange horreur, humour, romcom et… animaux de compagnie. Le film a même réussi à se faire remarquer lors de l’Étrange Festival à Paris en remportant les Prix du Public et le Prix Nouveau Genre. Il a également fait son chemin jusqu’au festival de Gérardmer la même année. L’histoire est celle de Jerry, interprété par le très hollywoodien Ryan Reynolds, célibataire et employé d’une usine de baignoires au sein d’une petite bourgade américaine. Jerry semble vivre dans un monde merveilleux, sorte de Disneyland grandeur nature où son pervers de chat M. Moustache et son fidèle chien Bosco se retrouvent dotés de la parole et règlent ses problèmes existentiels. Jerry voit une psy et aimerait entretenir une relation avec la belle comptable de son usine Fiona, mais ne sait pas exactement comment s’y prendre. Or, comme le spectateur s’en doute, le jeune homme souffre de schizophrénie aiguë et doit prendre un traitement censé le maintenir en phase avec le quotidien… jusqu’à ce que les médicaments le fassent dérailler.

Voir Ryan Reynolds dans un rôle à la Dexter version ado attardé est totalement satisfaisant. Bien avant l’humour un peu lourdingue de Deadpool et après le rôle raté de Green Lantern, on retrouve ici l’acteur dans un rôle complètement lunaire qui n’est pas sans rappeler celui de Jim Carrey. On ne peut s’empêcher de trouver le personnage de Jerry touchant tant ses angoisses ont une résonance universelle. De nombreux films ont traité les problèmes psychiatriques et/ou mentaux, de Shutter Island à Fight Club, en passant par le cultissime Psychose. The Voices, lui, offre un point de vue assez inédit sur la psychose du quotidien. Son approche narrative et visuelle colle parfaitement avec l’angle choisi pour parler de schizophrénie. Derrière son aspect loufoque, le film livre une vision assez pessimiste et cruelle de la condition humaine et de la solitude qui va avec, ce qui n’en fait pas du tout une simple comédie d’ados. Il faut souligner aussi que Ryan Reynolds a joué toutes les voix qui l’habitent dont celles de ses deux animaux. Il est d’ailleurs possible que votre chat vous apparaisse sous un angle plus diabolique encore après le visionnage…

The Doom Generation (Gregg Araki – 1995 / Américain)

The Doom Generation fait partie, avec ses deux autres films Nowhere et Totally F***** Up, de ce que le réalisateur Gregg Araki nomme la trilogie de la Teen Apocalypse, qu’il explique comme « Beverly Hills revu et corrigé sous acide ». Chez Gregg Araki, l’adolescence américaine n’a plus de barrières morales, sociales ou sexuelles. Elle semble évoluer au beau milieu de nulle part, dans une réalité dénuée de repères. Ses personnages sont toujours proches d’un néant total. Après ce constat peu enthousiasmant, The Doom Generation est pourtant un film qui mérite le détour, car la mise en scène graphique et grunge tout droit sortie des années 90 se prête parfaitement à l’esthétique parfois kitsch d’Halloween. On y trouve des personnages aux tenues pop (le style de Rose McGowan, ex petite amie du chanteur Marilyn Manson, n’a jamais été aussi punk), une très bonne bande originale, et des dialogues emprunts de cynisme.

A la manière d’un road movie, on suit Jordan et Amy, deux ados solitaires et nihilistes issus du fin fond des États-Unis. Leur rencontre lors d’une soirée alcoolisée avec Xavier Red, personnage aussi charismatique que détestable, va coïncider avec une série de meurtres sanglants et d’événements étranges qui ne vont cesser de les poursuivre. Volontairement provocateur, le film mélange sexe, substances, sang à base de ketchup et fin du monde.

Le spectateur se retrouve en immersion dans un cauchemar psychédélique, où les idéaux romantiques un peu naïfs du couple principal vont être mis à mal. Interdit aux moins de 16 ans, le film détruit ici le portrait de l’American Way of Life à base de têtes coupées et de théorie du complot. En effet, dès le début du générique on se retrouve face à une pancarte indiquant un jubilatoire  « Welcome to hell » qui donne bien le ton de l’histoire. Attention : certaines scènes de sexe sont très explicites, à ne pas regarder avec n’importe qui.