Le lendemain de la sortie de Je sais pas dire je t’aime en session acoustique, nous avons eu une entrevue confinée avec Léa Paci et ses petits coups de soleil sur le nez. Il faut dire que cette jeune femmes autodidacte, mature et déterminée inspire le respect ! À 20 ans, elle sort son premier album. Quatre ans plus tard, la voilà en tournée à travers toute la France, avec un artiste de renommée mondiale : James Blunt. Une véritable étoile montante que nous allons découvrir ensemble !
Propos recueillis par Léa Pruvoost
C’est confortablement installée que la jolie brune nous a raconté son histoire, ses habitudes avant de monter sur scène, ses craintes mais aussi les bons comme les mauvais côtés de son métier ; et ce toujours le sourire ou le rire aux lèvres.
Il était une fois Léa Paci…
Au lycée, je m’étais mise à la guitare et mes amis m’ont mis au défi de poster une vidéo sur YouTube. Ce que j’ai fait, puisque je déteste perdre des paris. J’ai continué les reprises mais c’était plus un jeu avec les potes. J’ai commencé à me poser des questions quand j’ai été contactée par The Voice et la Nouvelle Star. Je trouvais ça très bizarre qu’ils viennent me voir. Pourquoi moi ? On est des millions à poster des reprises sur YouTube. J’ai refusé leurs propositions. À cette époque, je ne croyais pas en moi, en mon potentiel et au fait que je sois prête à le faire. Je n’avais que 16 ans. Tout ça me faisait peur. J’avais peur d’être coincée dans cette machine angoissante.
Lors de l’année de terminale, j’ai été repérée et contactée par un producteur et un auteur, Tristan Salvati et Yohann Malory, avec qui j’ai réalisé mon premier album. On formait vraiment un trio fondé sur la confiance : moi je devais me livrer, me raconter, Yohann posait les mots sur le papier et Tristan composait pour mettre les paroles en valeur. On s’était toujours dit qu’il fallait s’écouter, que si on pouvait s’apporter quelque chose musicalement, il fallait le faire. On a travaillé ensemble pendant deux ans, mes deux ans de BTS communication. J’avais l’impression que c’était la cour de récré après l’école. Au bout de ces deux années, ils m’ont dit « t’es bien mignonne, mais il est temps de te présenter en maison de disque ». Je pensais que personne n’allait signer. Et finalement ça s’est passé très vite ! Mais en même temps c’était hyper rationnel. Je vis de ma musique, mais j’en vis à un degré où je peux sortir acheter ma baguette de pain et tout va bien. Il n’y a pas ce truc angoissant du star system.
Alors oui, il y a eu un moment de rupture. Je suis passée de « Je fais de la musique dans ma chambre » à « Je fais de la musique et elle est disponible partout ». La communauté YouTube était là depuis le début, et donc depuis plus longtemps, parce que c’était la plateforme où, à l’époque, je postais mes covers. Puis l’autre jour, j’ai remonté tout mon Instagram officiel et je me vois être adulée parce qu’il y a 200-300 vues sur le clip le huitième jour et je me dis « Wouah c’est fou, il suffisait de pas grand-chose ». Puis après tu regardes aujourd’hui ! Et encore une fois, ça reste décent et incomparable par rapport à d’autres artistes. Mais tu es fière de constater une évolution, surtout quand elle est naturelle. Les gens sont arrivés naturellement via les réseaux sociaux. Tous les jours sur Instagram, il y a 17000 personnes qui voient potentiellement quand je poste un message ou quand je prends la parole. C’est hyper cool et en même temps il faut toujours faire attention à ce que tu dis. J’avais hyper peur que ça explose, alors que beaucoup d’artistes veulent que ça explose, que ça marche et devenir une super star d’un coup. Moi pas du tout ! Je suis très contente d’y aller step by step, album par album et de réfléchir ma carrière comme ça. Après voilà, ça reste une carrière, un métier et donc il y a aussi des réalités qui sont moins fun. J’ai le statut d’intermittent du spectacle, je ne gagne pas des mille et des cents, la solitude me pèse parfois parce que je suis souvent en déplacements et je reçois parfois des remarques un peu déplacées, voire méchantes.
Retour sur le nouveau morceau : Je sais pas dire je t’aime
Pour mon deuxième album, j’avais très envie d’écrire, de faire de nouvelles rencontres, de grandir et d’avoir une autre vision de la musique.
Je sais pas dire je t’aime est né au mois d’octobre 2019. J’étais en Angleterre avec un artiste-compositeur qui s’appelle Blair Mackichan. Il bosse sur plein de projets internationaux et français. Pour revenir brièvement sur le contexte dans lequel j’ai écrit le morceau, il s’est passé différentes étapes dans ma vie et en particulier dans ma vie de femme. Je n’avais jamais pris la parole sur un mouvement, comme celui de Me Too. J’étais hyper réservée et hyper pudique par rapport à ça, je n’avais pas trop envie d’en parler. Surtout, je ne me sentais pas prête. Et c’est là que je me suis rendue compte que j’avais un vrai truc : le « je t’aime » de la parole, le « je t’aime » envers moi et envers les gens qui m’entoure. C’était un gros blocage et j’ai écrit ça au départ un peu comme une lettre d’excuse à moi-même, à mon corps et aux autres. « Je suis désolée de ne pas vous dire mieux ou en tout cas de ne pas vous le dire assez ». Je comprends que ça peut être hyper frustrant pour les autres de ne pas avoir de retour. J’avais vraiment besoin d’écrire ce morceau-là.
Pour le deuxième album, j’ai écrit plusieurs morceaux mais celui-là fait partie de ceux qui sont sortis d’un coup et qui en avaient besoin. J’avais besoin de me faire un peu violence dans un morceau qui est hyper doux. Pour moi c’est une ode à l’amour et c’est ma meilleure manière de crier « je t’aime » aux personnes qui comptent pour moi. C’était la meilleure manière de sortir ce morceau, en acoustique et comme il a été créé.
La chanson comme moyen d’extérioriser et de faire entendre sa voix
Les réseaux sociaux ne sont pas mon truc : je n’ai jamais été une super addict de tout ça. Même en étant concernée par tel ou tel sujet, même en ayant vécu des traumas qui pouvaient être abordés dans les médias, j’avais ce blocage et ce réflexe de dire « Moi je suis là pour proposer de la musique et je ne sais pas comment aborder ces sujets autrement ». Plutôt que de mal les prendre ou de les prendre maladroitement, j’ai souvent préféré garder ça pour moi et effectivement j’ai fait passé des messages à travers mes chansons. Je pense que c’est ce que je sais faire le mieux. C’est ça mon cœur de métier : faire passer des messages à travers les chansons. Chacun son métier. Moi, j’aborde ça comme ça, à travers la musique et en dédramatisant. Ce procédé me permet à de dédramatiser tous les sujets que j’aborde, que ce soit le deuil, le harcèlement… Je n’ai jamais voulu politiser ma musique. J’en parle parce que j’ai vécu ces situations, sinon je n’en parlerais pas. N’importe quelle étape de vie n’est pas vécue de la même manière par tous.
Finalement, la musique m’a permis de mettre des mots sur des choses que je pensais être enfouies ou complètement passées, mais en fait non. Elles ressurgissent dans mon quotidien de manière hyper subtile et en même temps hyper violente. Tu te dis « Ah, c’était rien » mais en fait non. Alors, tu prends le truc à l’envers et tu te dis « Ben en fait je suis comme ça ». Tu fais des liens de cause à effet. Là, je me sens hyper libérée. C’est le meilleur moyen pour moi de parler de nombreux sujets.
La tournée avec James Blunt ça devait être un rêve éveillé, mais aussi un peu de pression non ?
À partir du moment où on se lance dans un projet comme ça, on a évidemment le rêve intime que ça marche. C’est à ce moment précis qu’il y a de la scène, qu’on se sent bien, qu’on prend vraiment du plaisir, qu’on a un retour direct…. Et en même temps, c’est tellement un rêve caché, que même le jour où ça t’arrive tu te dis « Mais non ». Moi, j’ai pleuré absolument tous les soirs de chaque date, à la fin du concert, en me disant que j’avais tellement de chance et en me demandant encore une fois, pourquoi moi ? J’ai une guitariste qui m’a dit un jour « Arrête de douter, c’est toi parce que tu travailles et que tu le mérites ». Mais il y avait toujours cette question de légitimité ! Moi qui écoutais James Blunt il y a dix ans, je me retrouve avec lui sur scène comme si c’était normal. Sur scène ça paraissait normal d’ailleurs, parce qu’il agissait comme un gars normal. Il était tellement sympa et tellement simple que tu te demandais si c’était vraiment réel. J’ai beau être une artiste, j’en idolâtre d’autres et je suis impressionnée par tellement de carrières et j’étais là « Ouah c’est complètement dingue ». Je montais sur scène tous les soirs et j’étais tellement stressée mais en même temps, il me faisait complètement confiance. Je suis hyper reconnaissante. J’ai même l’impression d’avoir appris plus en quinze jours de tournée qu’en deux ans, car il a une rigueur de travail de dingue. Ça bosse à l’américaine un peu, c’est-à-dire qu’ils sont toujours très carrés. Et puis, tu n’as pas envie de te planter parce que c’est James Blunt et que tu ne veux pas planter son Zénith. C’était une super formation accélérée.
J’avais pour rituel de boire quatre litres de thé à chaque fois entre 18h et 20h, avant de monter sur scène, en me disant « il ne faut pas que je perde ma voix, faut pas que je perde ma voix, etc… ». C’était mon angoisse ! James Blunt a l’habitude d’enchaîner les performances plusieurs jours d’affilés, mais moi non, ou alors très peu, ou alors deux soirs max. Je n’ai jamais chanté de manière aussi régulière avec le stress, qui est le pire ennemi de la voix. J’avais souvent très peur. Je faisais aussi de gros câlins avec mon musicien en nous disant « on va le faire » car il était aussi stressé que moi.
La recette magique pour travailler sa voix ?
Je suis une très mauvaise élève et on n’hésite pas à me le dire. Je commence un peu à faire des exercices et des « lalala » mais il faudrait que je le fasse trente minutes tous les jours. Si déjà je le fais dix minutes, c’est une grande victoire personnelle. En réalité, c’est parce que je n’ai jamais pris l’habitude : je n’ai pas pris de cours de chant et je n’ai jamais imaginé ça de manière professionnelle. Du coup je n’ai pris aucune habitude de pro. Mais il faut que je m’y mette. Si ça dure – et c’est tout ce que je me souhaite- ne pas travailler ma voix peut vraiment me porter préjudice.
Rendez-vous vendredi pour une interview bonus.