Il y a un mois, le 28 octobre, sortait le conte musical pour enfants Siam, au fil de l’eau. Arnaud Thorette en est l’auteur et le directeur artistique, Johan Farjot le compositeur et le directeur musical, tandis qu’Olivier Latyk en a signé les illustrations. Ils ont porté ce projet avec la participation de nombreuses célébrités comme Ariane Ascaride, François-Xavier Demaison, Sara Giraudeau, Rosemary Standley, Gérard Jugnot ou encore Tim Dup.
Propos recueillis par Maude Vuillez
Siam, au fil de l’eau relate l’histoire d’une petite fille qui vit avec sa mère Lan, sur les bords du Mékong. Le soir, sa mère lui raconte l’histoire d’amour qu’elle a vécue pendant la guerre du Vietnam avec James, un soldat américain. Siam aimerait tant le connaître ! Un jour, elle traverse les océans pour aller à San Francisco où s’y prépare une grande comédie musicale. Son destin bascule alors.
Tim Dup s’est imposé dans le paysage musical français de ces dernières années. Ses albums Mélancolie Heureuse et Qu’en restera-t-il ?, d’une poésie et délicatesse folles, confirment sa plume d’auteur et son talent de compositeur-interprète. Curieux et désireux de quitter sa zone de confort, il a accepté de prêter sa voix au personnage de James.
Tim Dup revient sur cette aventure musicale qu’il considère comme une ode au voyage en ce temps de confinement ainsi que sur ses projets personnels.
Comment vis-tu ce confinement saison 2 et l’arrêt temporaire de ta tournée ?
C’est une année qui apprend la résilience, notamment en tant qu’artiste. Il y a un ras le bol général car on avait de l’espoir, on y croyait. Mais c’est comme ça, on est tous dans la même galère, on prend un peu de recul là-dessus. Ça me donne du temps pour faire d’autres choses aussi, des projets que j’avais envie d’achever ou poursuivre… Il faut juste se mettre dans la bonne démarche et retrouver la motivation nécessaire.
En tant qu’artiste, tu ne peux que nous confirmer que la culture est un domaine particulièrement impacté ?
Oui, tout à fait. On a tendance à relier la culture, l’art, à des choses peu essentielles. Siam, au fil de l’eau est un livre audio, disponible dans les librairies, mais les librairies sont fermées… Cela rend les choses compliquées. Je pense qu’il est difficile d’en vouloir à quelqu’un en particulier. Personne n’aurait pu bien gérer tout cela, c’est tellement inédit ce qui nous arrive ! Mais heureusement que la sécurité sanitaire passe avant tout. Je suis fier de faire partie d’une société qui se confine de nouveau pour préserver ses aînés, les gens plus vulnérables. C’est louable. Quant au choix de mettre la culture de côté, de la considérer comme non essentielle, je trouve que c’est une erreur. À la fin de cette crise, il serait tout de même important de repenser à ce qui s’est passé, de voir où l’on a mis les priorités.
Tu aimes voyager, tu as notamment été en Asie. Es-tu allé au Vietnam ?
Je n’ai pas été au Vietnam, mais c’est dans ma liste ! Enfin, ce n’est pas pour tout de suite malheureusement… Mais c’est un pays que j’aimerais beaucoup visiter. Travailler sur ce conte pendant le premier confinement était une façon pour moi d’y voyager, tant en Asie qu’outre-Atlantique, aux États-Unis. J’espère que les enfants et les familles qui découvriront ce conte auront cette sensation de voyager et de découvrir une autre culture.
Toi qui es allé au Japon, as-tu vu le Festival des Lanternes, tradition semblable à la Fête des Boules de Feu qui est mentionnée dans le conte ?
Non, je n’y ai malheureusement pas été à la bonne période. Mais j’ai entendu parler de cet art de la lanterne. Il s’en dégage quelque chose de très joli, d’onirique et d’esthétique.
Je ne peux m’empêcher de repenser à la fille du temple, que tu mentionnes dans le livret de ton album Qu’en restera-t-il ? Cette fille que tu as croisée, puis perdue du regard lors de ton voyage au Japon. Ce souvenir a-t-il fait écho quand tu as découvert l’histoire de Siam, au fil de l’eau ? On y retrouve le hasard d’une rencontre, cette idée d’amour à distance, d’amour éphémère…
C’est amusant que tu en parles, je n’avais pas trop fait le lien, mais dit comme ça, c’est assez évident ! Je me suis attaché à ce personnage de James, ce pianiste et voyageur qui va tenter sa chance sur les scènes de San Francisco. Il y a quelque chose qui me plaisait chez lui. En tant qu’interprète, tu as envie de bien l’aimer. C’est assez chouette de se lire à travers les personnages. En effet, il y a un côté éphémère entre l’histoire de James et Lan. Une sorte d’impossibilité aussi dans les rencontres amoureuses qui me parle bien. Je trouve cette notion intéressante. C’est rigolo parce qu’en fait avec Sara (Giraudeau), on a enregistré les chansons à distance et on s’est rencontrés seulement après, lors d’une promo pour le conte… C’était cool et assez étonnant que tout se fasse à distance !
La guerre du Vietnam a su trouver sa place au cinéma avec des films assez sanglants. Avec ce conte, cette tragédie est abordée d’une toute autre façon. Penses-tu qu’il est important de sensibiliser le jeune public par le biais de la culture et de l’art, en restant ludique et métaphorique ?
Évidemment, c’est important. On ne peut pas être trop frontal. Le côté ludique et plaisant est essentiel lorsque l’on s’adresse à des enfants. Mais je crois que les enfants sont loin d’être des petits ignorants ! (rires) Ils en savent beaucoup. Souvent, quand on parle de conte pour enfants, on oublie que derrière les enfants, il y a des parents. Finalement, ce sont des projets très familiaux. Le conte s’adresse à un public transgénérationnel. Nous racontons une histoire aux uns et aux autres. J’aime cette idée de tendre vers une famille et qu’un conte pour enfants, c’est aussi un conte pour parents.
Enfant, as-tu été marqué par un conte ?
J’ai été abonné à des revues jeunesses dont l’une s’appelait « Mille et une histoires » et il y avait trois contes du monde dans chaque épisode et j’adorais ça. Je prenais du plaisir à lire ces histoires et certes, il y un côté fantastique, mais surtout beaucoup de choses à apprendre, des leçons, des morales. Comme c’est le cas dans les Disney.
Dans ton album Qu’en restera-t-il ?, il y a des passages parlés, je pense notamment à la chanson “Vendredi soir”. Tu as l’habitude de ce procédé. Qu’en était-il pour le travail autour de ce conte ? Quelle était ta marge de liberté pour donner vie à la voix de James ? Avais-tu des précisions sur le ton ou la couleur à apporter ?
J’étais assez libre dans l’interprétation, mais mine de rien, tout était écrit, des mots jusqu’à la mélodie. Je n’ai jamais travaillé sur une mélodie aussi détaillée, car c’est une mélodie de conte musical et cela se sent. Ce sont des mélodies très précises notamment parce que Arnaud (Thorette) et Johan (Farjot) qui ont écrit et composé ce conte, viennent tous deux du classique. C’était intéressant de mêler ces univers. Cela m’a vachement appris et poussé dans mes retranchements. Pour le ton à apporter à la voix de James, on a fait quelques prises, c’était assez naturel. La leçon que l’on retient d’un travail comme celui-ci est de tendre vers quelque chose d’évident sans en faire trop, ni pas assez. Il faut aller dans le sens du texte et de la narration et que ce soit accessible à plein de gens et notamment aux enfants.
En tant que musicien, pouvais-tu revenir sur certaines mélodies, apporter ta touche personnelle ? Comment se passe une collaboration comme celle-ci ?
Je n’avais pas trop mon mot à dire et d’ailleurs je n’avais pas envie de donner mon mot ! C’est un projet où l’on vient te chercher en tant qu’interprète et non en tant qu’auteur ou compositeur. Sinon, cela n’aurait pas été la même aventure. Il faut juste donner de sa voix et de sa personnalité à une histoire, incarner un personnage et y croire. Donc non, c’était plutôt à moi de m’adapter, mais c’était très intéressant surtout que ce n’était pas forcément dans mes zones de confort. C’était donc enrichissant.
Dans ce conte qui mêle les genres musicaux, les personnages des bourgeoises renvoient l’idée que l’opéra est un art peu accessible. Quel est ton avis ? Penses-tu que c’est un art élitiste ?
Moi, je ne fais pas pas de catégorisation des formes culturelles, mais oui, l’opéra est une forme d’art toujours assimilée au style bourgeois, un peu intellectuel, réduit… À tort, évidemment. Je n’y vais pas souvent, mais il m’arrive d’aller aux premières à Paris avec le forfait jeune et je constate qu’il y a pas mal de jeunes ! On ne peut que souhaiter que quelque soit sa forme, l’art se diffuse largement et publiquement ! Ne serait-ce que dans mes goûts musicaux qui fondent mon inspiration et ma création, j’aime écouter du Chopin comme je peux danser en soirée sur du Aya Nakamura ! Il n’y a pas du tout de frontières et heureusement.
Une tournée pour Siam, au fil de l’eau est-elle envisagée ?
Arnaud réfléchit à l’idée, mais faire une tournée semble compromis vu la situation… Lui et Johan font énormément de concerts avec l’Ensemble Contraste (qui mêle musique savante et populaire) et nous sommes tous des interprètes autour du conte… Donc, oui, ce serait chouette de donner des représentations ! Mais c’est sûr qu’en ce moment, c’est compliqué. Le spectacle vivant est mis de côté.
Nous concoctes-tu de nouveaux projets musicaux ? Trouves-tu l’inspiration malgré les quatre murs ? Il était question d’un troisième album… Qu’en est-il ?
Ouais ! Je suis en train de finir l’écriture de ce troisième disque, donc finir l’écriture des chansons. Bien entendu, derrière il y aura tout un travail de production et d’arrangement. Ça avance bien, je suis content ! J’aime ce que je suis en train de faire, j’y retrouve quelque chose d’un peu évident. C’est un disque très chansons, assez léger, tendre, un peu moins cérébral (rires). Je voulais le sortir dès le premier semestre de 2021 mais finalement, en ce moment, je n’en vois pas bien l’intérêt. Mieux vaut attendre que tout cela soit derrière nous. Après je poursuis d’autres trucs, j’ai toujours mille envies à la seconde, il faut les mettre en forme, aller au bout de ce que l’on fait. Je veux continuer à faire des podcasts, à participer à des émissions, d’écrire des plus longs formats…
Ce troisième album sera donc moins engagé que le précédent ?
Je pense, oui. Je veux parler du monde qui m’entoure mais je me suis un peu surpris moi-même avec le deuxième album. On s’intéresse toujours à la voix d’un d’artiste quand il dit quelque chose d’engagé car cette voix est publique, a un écho. Mais finalement, c’est la même voix que n’importe qui d’autre. Ma chanson Place Espoir, semble avoir une envergure politique mais je ne l’ai jamais écrite pour ça, ce n’était absolument pas pour en faire un hymne politique ! C’est parce que, personnellement, ce lieu (la place de la République à Paris) est important pour moi, il a une grande signification. Mais il n’empêche que j’ai des convictions, comme pour mon engagement dans l’association Women Safe qui prend en charge des femmes et des enfants victimes ou témoins de violences.
Violence qui est dupliquée en temps de confinement ?
J’en parlais avec Frédérique Martz, la directrice de Women Safe et il y a surtout des prises de conscience de violences passées. Ce confinement, c’est un moment intime, intérieur, qui fait ressortir des choses qui se sont produites, qui réveille des traumatismes. C’est donc un moment compliqué notamment pour cette raison.
Tu as délaissé les réseaux sociaux pour ce deuxième confinement, ce qui te laisse un temps pour écrire, un temps pour toi, te consacrer à la musique.
Complètement ! Ce truc un peu infernal… On a envie de poster et en même temps ça sert pas à grand chose de poster des choses. Tu vois ? J’ai un rapport de plus en plus épineux avec les réseaux sociaux. On est dans une temporalité où tout le monde donne son avis sur tout mais où l’on est peu spécialiste de ce dont on parle. C’est ça qui me gêne aujourd’hui, tout le monde donne son avis à longueur de journée. On a jamais vu autant de « scientifiques », de « spécialistes », en tout et en rien ! Faire des pauses permet de se recentrer sur des choses plus essentielles et cela te fait gagner énormément de temps ! Mais c’est compliqué de s’en passer complètement quand tu fais le métier que je fais.
Vas-tu tout de même nous proposer des live en ligne à l’instar du premier confinement ?
C’est chouette d’organiser encore des formes de créations, de pratiques culturelles, on en a besoin. Je vais bientôt sortir un concert piano-voix qui a été filmé au Théâtre de la Ville, c’est à peu près une heure de concert ! Ce sera toujours mieux qu’un vieux live pourri (rires) sur mon Instagram, dans des conditions désastreuses !
Merci beaucoup, Tim Dup, d’avoir pris de ton temps. Cette discussion fut un chouette moment et nous avons hâte de suivre tes futurs projets.
Merci à toi, Maude et bon courage pour tout ce qui vient… !
Pour l’achat d’un livre et son CD audio de Siam, au fil de l’eau, 1 euro est versé au Rire Médecin. Cette association vient en aide aux enfants hospitalisés. Gérard Jugnot, François-Xavier Demaison, qui incarnent les oiseaux clowns dans le conte, et Sara Giraudeau le personnage de Lan, en sont les parrains-marraines.
Prix : 23,90€
Dès 6 ans. 48 pages, Livre CD 1h d’écoute. Achetez le conte musical ici.
Et pour suivre Tim Dup sur Instagram, c’est par ici.