Gabriel Cheurfa est à l’origine du projet musical Draumr qui nous entraîne dans les méandres de ses pensées et de ses souvenirs. Son dernier titre Sunlight Tryst est sorti le 25 juin en duo avec Dorcas Coppin. Pour l’occasion, on a eu la chance de discuter avec Gabriel de ses débuts musicaux et de ses inspirations. 

Propos recueillis par Eva Darré-Presa

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Gabriel Cheurfa, j’ai trente ans et je suis musicien, auteur, compositeur et producteur. Je me prête également à la réalisation quand l’inspiration me vient. Je réalise principalement pour mon projet mais j’ai fait d’autres trucs avant comme des courts-métrages ou des moyens-métrages, des projets collaboratifs de manière générale. Je compte le développer encore plus dans le futur mais pour le moment ça se limite à mon projet Draumr.

Comment as-tu commencé la musique ?

J’ai commencé la musique très jeune. J’étais dans une chorale à l’école primaire, donc dès l’âge de cinq ans. J’ai continué pendant longtemps et vers onze ans ça a commencé à prendre de la place dans ma vie, quand j’ai débuté la batterie. J’ai pris des cours particuliers pendant trois ans et ensuite le piano et la guitare, un peu en autodidacte. Pendant l’adolescence, j’ai créé deux groupes, dont un qui était déjà produit. Donc très jeune, j’étais lancé dans la musique, on a beaucoup tourné. J’ai eu deux groupes qui ont pris de la place dans ma vie jusque 2014-2015, et c’est là que j’ai créé Draumr et que je me suis émancipé.

Pour la petite anecdote, mon cousin jouait de la batterie quand j’étais petit et ça me donnait trop envie. J’ai donc commencé par la batterie, c’est mon instrument principal.

Ton nom de scène vient en partie de là ?

Pour Draumr, c’est assez fou, parce que je suis tombé sur ce mot un jour. C’est un mot qui existe vraiment. J’ai toujours aimé les mots étranges avec des sonorités mystiques, que ce soit dans ma langue natale ou d’autres langues. Quand je suis tombé sur ce mot, ça m’a semblé comme une évidence car ça faisait écho à mon profil de batteur, donc drumer en anglais, et son sens qui veut dire rêve en ancien norrois, qui est une langue nordique ancienne qui a servi de base à plein de langues comme l’anglais ou l’allemand. Le mot rêve est le sujet principal de mon univers lyrique et visuel.

Ton esthétique visuelle oscille entre la mer, le cosmos, l’espace et l’onirisme. Que souhaites-tu véhiculer comme message, comme énergie ?

C’est intéressant que tu en parles parce que je m’en étais jamais vraiment rendu compte, mais c’est vrai que j’oscille entre les deux. Après, c’est pas exactement le cosmos, ça varie un peu entre le ciel, les nuages et le cosmos. J’ai grandi à Paris mais également à Ibiza dans les Baléares. Je suis pas du tout espagnol, mon père est kabyle et ma mère est française mais ils ont construit une maison là-bas avant ma naissance. J’ai appris à marcher et nager là-bas. J’ai une attache très particulière à cette île. Ça a toujours été un endroit de créativité, de sérénité et de bonheur. Tous mes clips en prise de vue réelle ont été tournés là-bas, comme Sunlight Tryst. J’ai un morceau qui s’appelle Seamless dont le clip a été tourné là-bas et c’est une lettre d’amour à cette île et à l’effet qu’elle a sur moi. Beaucoup de personnes parlent de l’énergie qu’il y a à Ibiza. Soit on accroche totalement et on a une attache assez mystique à cette île, soit on déteste. Donc par rapport à l’énergie que je souhaite véhiculer, ça se rapporte à l’évasion, le partage, l’amour. C’est trois trucs que j’ai vécu là-bas avec ma famille, mes amis ou mes copines. Ça a toujours été un endroit sans problèmes.

Concernant la partie plus onirique et fantastique, ça relate plus de l’exploration, du moi intérieur, du rêve et de l’acceptation de soi. C’est un peu comme un sanctuaire qui est propre à chacun, loin de tout. C’est un peu ce questionnement qu’on a à un moment de sa vie et c’est une façon pour moi d’en parler sans que ça soit littéral. J’en ai déjà parlé dans d’autres interviews mais il m’est arrivé un truc qui s’appelle la déréalisation : c’est une condition mentale que certaines personnes ont. C’est un peu de l’angoisse, ça détache l’individu du réel. T’as l’impression que le monde autour de toi est dénué de sens. C’est une souffrance assez peu connue et ça a duré pas mal de temps dans ma vie. Draumr a été créé à partir de ça, de cette souffrance que j’ai voulu exorciser. C’est pour ça que la thématique autour de mes visuels et des paroles de mes chansons tourne autour de la ligne très fine entre les rêves et la réalité et joue sur la romance des événements un peu absurdes du quotidien. D’où les paysages et les personnages hauts en couleurs et étranges.

Ton dernier single, Sunlight Tryst est réalisé en collaboration avec Dorcas Coppin. Comment avez-vous commencé à travailler ensemble ?

On se connaît depuis très longtemps. On s’est rencontrés en 2012, on a fait une école d’acting, de théâtre ensemble, entre autres. Dorcas et moi, on a toujours été très proches, on est restés en contact. Fin 2018, on s’est recroisés, ça faisait longtemps qu’on s’était pas vus. Elle m’a parlé de son envie de chanter et de faire de la musique, chose qu’elle faisait déjà depuis longtemps, en plus d’être une excellente actrice. À l’époque où on s’est rencontrés elle chantait beaucoup déjà, c’est vrai que j’avais un peu oublié. Elle m’a dit que c’était la première fois qu’elle voulait mener à bien un projet musical pour de vrai et elle m’a montré des démos. Elle m’a demandé si je voulais concrétiser le projet avec elle et je cherchais justement une chanteuse pour chanter sur deux titres de mon album que j’étais en train de finir. Je suis tombé sous le charme de sa voix parce qu’elle a une voix assez particulière, du genre Vanessa Paradis ou Axelle Red. C’était assez hallucinant comme hasard.

On travaille également depuis un an sur un EP à son nom, qui devrait voir le jour en fin d’année.

Comment travailles-tu sur la création de tes clips (inspiration, conception, réalisation) ?

Ça part généralement d’une idée visuelle, d’un instant capturé pendant la création des morceaux. C’est des rêves ou des moments où je réécoute les morceaux. Je ne choisis pas ceux que je vais clipper. C’est souvent une évidence, ça vient tout seul. J’ai beaucoup de sensations visuelles autour des histoires que je raconte, surtout quand elles prennent forme vers la fin. Ensuite, quand je lègue la réalisation à des animateurs, ils partent d’une histoire que je leur raconte, d’éléments visuels que je leur décris, d’une légère trame narrative et ils le font à leur sauce en le sublimant et en ajoutant des scénarios plus profonds et plus élaborés. Je crois vraiment en la sublimation des idées par la collaboration.

Pour ce qui est des clips que j’ai co-réalisés, c’est surtout l’envie de combiner le réel et l’animation ou le dessin, comme pour créer un portail entre deux mondes. Quand je te parlais de Draumr et de l’idée du réel et du rêve, c’est parce que j’aime bien cette ligne un peu fine entre les deux. C’est surtout le duo que je forme avec Maxence Cardon, avec qui j’ai co-réalisé tous les clips en prise de vue réelle, qui fonctionne bien. C’est un très bon photographe mais il n’avait encore jamais fait de films. Il a de très bonnes idées et il est très bon pour la mise en scène. On est super complémentaires et on travaille bien ensemble. On est une bonne équipe avec une belle énergie.

Tu as joué il y a quelques temps au Silencio, fameux club parisien créé par David Lynch. Peux-tu nous parler de cette expérience ?

On a joué deux fois là-bas, en 2017 et en 2019. On adore cette salle, on a toujours été très bien accueillis et on trouve que l’ambiance colle parfaitement avec l’univers du projet. J’ai la chance de bien connaître la programmatrice qui nous a offert ces magnifiques opportunités et qui vont peut-être se reproduire à nouveau quand les salles rouvriront ! On a une installation très particulière en live où on fait du mapping sur nous et ils nous laissent faire ce que l’on veut !

Quels sont tes futurs projets ?

Les deux titres qui viennent de sortir font partie d’un album qui sortira cet automne. Et il y a aussi un EP à cinq titre pour Dorcas que je co-produis et co-écris avec deux de mes compagnons qui sont en live avec moi sur Draumr et qui s’appellent Pierre Duvalle et Igor Bolender. J’ai aussi commencé à écrire un deuxième album mais c’est que dans les prémices. Mais on en est encore loin pour appeler ça un album ! Donc on verra.

Et pour finir, peux-tu recommander une chanson à écouter en boucle cet été à nos lecteurs ?

Il y a Sunlight Tryst déjà ! (rires) Mais sinon il y a une chanson que j’ai découverte récemment, même si elle date un peu. C’est un ami qui me l’a fait découvrir et je peux pas m’en passer. Elle s’appelle Abracadabra et c’est par un artiste qui est encore un génie perdu dans Internet qui s’appelle Sean Nicholas Savage. Tout ce qu’il fait est très cool.

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