On ne présente plus le skate, pratique populaire qui, plus qu’un sport, est un véritable art de vivre. Inventé au début des années 60 par des surfeurs de la côte ouest des États-Unis qui voulaient, à défaut de vagues, rouler sur la terre ferme, sur des “bout de bois”. Le skate est resté malgré le temps passé un milieu majoritairement masculin. La californienne Ellen O’Neal, considérée comme the « Godmother of skateboarding » s’est s’imposée comme une icône du skate des années 70. Elle nous a quittés il y a un mois et, à travers des portraits de jeunes rideuses françaises, cet article lui rend hommage.
Propos recueillis par Maude Vuillez
Portrait de Céline
Moi c’est Céline ! J’ai 24 ans… Soit déjà presque un quart de siècle ! J’ai une planche depuis… 2 ans maintenant. Bientôt 3. J’en ai une car c’est pratique, facile à transporter, et ça me fait gagner énormément de temps. Pour les petits déplacements en centre-ville je ne jure que par ça… Même s’il a fallu trouver des chemins alternatifs pour éviter les pavés et les rues éclatées de l’intra-muros d’Avignon. Pourquoi j’ai commencé à monter sur une planche ? Ça s’est fait complètement par hasard à vrai dire. Un ami avait trouvé une magnifique longboard en bois dans la rue et il en avait déjà une à lui. Un jour, pour rigoler, il me l’a prêtée. Et puis finalement je l’ai utilisée tout le temps.
Au début je me prenais souvent les trottoirs et après je m’y suis faite ! C’est très stable une longboard. Ça m’a permis de prendre confiance et du coup, dès que je croisais un skateur ou une skateuse (j’en croisais beaucoup moins il y a 3 ans), on se souriait malicieusement. Un peu comme si on appartenait à une communauté imaginaire ! Bref, j’ai fini par recevoir un petit skate (pour le coup je sais même plus comment ça s’appelle, c’est dire mes connaissances techniques) – beaucoup plus flexible. Et je ne l’ai plus lâché. C’est marrant, on m’identifie avec maintenant. Certains profs qui ne me remettaient pas, ils me reconnaissent grâce à ça. Même quand il fallait aller à la fac masquée à la rentrée et montrer la carte étudiante – au final le skate faisait office de laisser-passer… C’est plutôt pratique !
À Strasbourg, les skateurs se retrouvent souvent sur la place devant le Musée d’Art Moderne. J’ai un ami qui est venu s’installer là-bas il y a quelques années et qui directement a repéré ce lieu et s’est intégré à la « communauté », comme ça, juste en allant faire des figures. Moi je l’accompagnais des fois pour passer du temps avec lui et pour regarder. Et les skateurs… c’étaient que des mecs. Ça en dit long sur le fait que dans les yeux des gens c’est une pratique plutôt masculine (surtout quand il s’agit des figures). Cependant, ça reste un a priori et je vois de plus en plus de filles qui en font (plutôt pour se déplacer pour le coup…).
Personnellement je n’ai eu que des remarques positives, et ça fait toujours plaisir ! Souvent, ça vient de personnes plus âgées. Ils sont étonnés de voir une fille habillée comme ça (j’ai pas du tout un style de skateuse, disons que parfois j’en fais avec un long manteau, ou des sandalettes à petits talons – ça jure un peu peut-être, mais en fait ça m’est égal !). Dans leur génération, les skateurs s’apparentaient peut-être plus à une communauté avec codes vestimentaires propres. Aujourd’hui je pense que c’est différent. L’autre jour j’ai vu une jeune fille d’environ 9 ans qui s’entraînait dans la rue. Elle avait le même skate que moi. Ça m’a fait tellement plaisir. Je sais pas si je lui ai fait un clin d’œil ultra ringard du style : « yesssss la classe, on est sœurs de skate et tu verras, un jour tu maîtriseras ! ». On est tous le vieux / la vieille de quelqu’un hein !
Portrait de Loana
J’ai 21 ans, ça fait 8 ans que j’ai une planche… enfin j’en ai 4 maintenant ! J’ai commencé le skate sur les petits (les tiny) quand c’était un peu la mode, mes potes en ont acheté et j’ai ensuite insisté pour qu’on fasse des sorties ensemble ! J’ai pris une longboard, puis par la suite un cruiser. Je fais surtout de la balade en ville mais depuis cet été je vais pas mal au SkatePark. Je ne fais pas vraiment des figures mais j’adore aller dans le bowl, j’ai aussi acheté un surfskate, pour m’essayer à ce style de glisse.
Quand j’étais au lycée j’avais arrêté le skate pendant quelques temps car ayant déjà un style “garçon manqué” je sentais bien que les regards étaient pesants, qu’on se disait : c’est un mec ! Mais après je suis arrivée a la fac et ça a changé, c’était plus une sorte d’admiration de la part des autres. Je pense que cette admiration venait aussi du fait que je ne me déplaçais plus toute seule mais avec mes amies, qui étaient aussi en skate.
Je pense que les mentalités changent et qu’aujourd’hui, une fille qui fait du skate au collège/lycée n’est pas forcément mal regardée comme j’ai pu l’être. Mais, c’est clairement une question de style : une fille qui fait du skate mais qui reste féminine va être “stylée” mais si son style vestimentaire n’est pas assez féminin, elle sera considérée comme « un garçon manqué ». Je pense à Sky Brown, une jeune skateuse de 10-12 ans qui fait des choses réellement extraordinaires sur des maxi rampes et tout type de surface en vrai, elle est plus jeune mais c’est une véritable inspiration au niveau de la qualité de sa ride mais aussi de sa ténacité. Avec la croissance du longboard, surtout, les jeunes qui skatent aujourd’hui ne sont plus tous considérés comme “des cons de jeunes qui animent le mobilier urbain” mais c’est vrai que de façon générale, ça reste une activité plus réservée aux hommes.
Portrait d’Ariane
J’ai 23 ans et je fais du skate depuis que je suis en première. J’aime beaucoup la sensation d’être sur une planche. J’ai appris à en faire quand j’étais bourrée en Espagne avec mes amis et je me sentais tellement libre à ce moment là ! Je fais du cruising (donc rouler en ville) mais je me mets petit à petit au street (donc à faire des figures).
Je ne me suis jamais pris aucune remarque négative mais au début, en ville, je n’osais pas en faire. J’ai pris confiance en moi et maintenant je m’en fiche, je suis fière de ce que je fais et je kiff ! Après au SkatePark c’est différent, je ne suis pas à l’aise parce que je débute donc je préfère y aller quand personne n’est là. Il y a peu de filles dans les SkatePark et assez peu de représentantes féminines dans le monde du skate mais je sens que cela change progressivement. Les mentalités changent, le regard des gens aussi.
Portrait d’Ophelie
J’ai 23 ans et j’ai une planche depuis que je suis petite, (mais ça fait 4 ans que j’en pratique vraiment sérieusement.) Au tout début, j’avais une planche pour recréer les sensations du surf. J’ai commencé par faire un petit peu de skate (Avril Lavigne m’a beaucoup influencée hahaha) puis après la longboard suite à plusieurs vidéos que j’ai vues sur les réseaux, notamment sur YouTube. Pour le skate, Mariah Duran m’impressionne, je l’admire. Maintenant je fais principalement du longboard dancing/freestyle, ce qui lie danse et figure. Généralement, la remarque que l’on me fait le plus c’est sur mon style vestimentaire mais j’aime m’habiller de manière confortable et loose pour skater !
Clairement, les filles sur une planche c’est un sujet touchy, sociétal. Il est vrai que le regard des autres me semble différent. Le seul jugement qui est fait c’est moi sur moi-même, à toujours vouloir en faire plus ! Mais je crois vraiment que le regard des hommes sur les femmes dans le skate devient davantage bienveillant, en tout cas avec la longboard dancing/freestyle. Cette différence se fait de moins en moins ressentir car on s’entraide pas mal entre les deux genres. Bon, de mon expérience, c’est indéniable, le niveau est plus élevé chez les hommes que les femmes. Après, c’est un long débat. En tout cas c’est une discipline qui s’est popularisée, des personnes âgées s’asseyent pour nous regarder ! Des femmes, des hommes, des enfants…beaucoup nous demandent même s’ils peuvent essayer.
Portrait de Jade
J’ai 25 ans aujourd’hui et cela va faire un an et demi environ que j’ai une planche. J’ai commencé la longboard parce que j’avais fait du skateboard quand j’étais petite, avec mon père, mais j’ai arrêté. J’ai voulu reprendre et je me suis dit que la longboard était la meilleure solution pour retrouver l’équilibre ! Du coup la longboard c’est pour rouler en ville et si j’arrive à reprendre plus tard le skate, ce serait aussi pour me déplacer en ville.
Je pense que le regard des gens est différent mais je pense plutôt à ceux qui ont 50 ans ou plus et qui ne font pas de skate. Ceux de notre génération, je n’ai jamais eu la sensation d’un quelconque jugement ! Je pense que les mentalités sont en train d’évoluer aussi parce qu’avec les réseaux sociaux et Internet, les gens voient ça plus comme un art ou une vraie discipline alors qu’avant c’était rattaché aux jeunes qui trainaient dans la rue. Par contre je me sens vraiment jugée quand je suis sur une planche et parfois à cause du regard des autres je ne vais pas forcément l’utiliser et plutôt prendre le vélo. Je me sens jugée parce que je suis une fille sur une planche mais après c’est peut être moi qui me fais des films… c’est plus fort que moi.
Portrait de Clothilde
J’ai 20ans, ça fait à peu près un an et demi que j’ai une planche de skate. Je fais du street et du flat (figures, skate urbain). Le regard des autres n’est pas le même quand ce sont des filles ou des garçons qui skatent mais ce ne sont pas forcément des regards méprisants ! Parfois c’est encourageant ou respectueux. Puis parce qu’il y avait moins de filles avant, c’est moins la norme et donc ça fait peur à l’ego fragile de certains gars !
Certains mecs demandent même à voir ce que je peux faire sur un skate, comme si je devais « prouver » ma valeur et mon mérite d’en faire. Après il ne faut pas séparer garçons et filles dans la pratique mais au contraire se mélanger. Tous les mecs ne sont pas irrespectueux. Les mentalités évoluent très clairement vers une ouverture du genre dans ce milieu sportif, de plus en plus de monde, filles ou garçons commencent le skate et c’est incroyablement chouette ! L’esprit skate, c’est s’entraider partager et s’amuser, le reste c’est juste du surplus.