À l’occasion de la prochaine sortie de son EP Nuit (repoussée en raison du confinement et de la Covid-19), nous avons rencontré l’artiste pop Maxime Raux. Pas de nom de scène ici : Maxime mise sur son authenticité, ses souvenirs et sa voix rauque pour faire vibrer son public. Auteur, compositeur et interprète de la Côte d’Opale, ce jeune artiste de 24 ans est un amoureux des mots et du partage d’expériences puisqu’il a aussi monté son propre label, MRG Production.
Propos recueillis par Léa Pruvoost
Peux-tu nous parler de toi et de ton univers musical en quelques mots ?
Je m’appelle Maxime Raux, je fais de la pop en français et exclusivement en français car c’est important pour moi de bien manier les mots et de laisser une place importante au texte. J’aime bien mêler différentes influences dans mes projets et ça se ressent encore plus dans mon nouvel EP. Il y a des échos évidemment à la pop commerciale mais aussi à la musique urbaine et d’autres un peu plus rock où on attend beaucoup plus les guitares électriques. J’essaie de ne pas être un artiste « figé » : je trouve ça intéressant de mêler les univers et de travailler différentes esthétiques.
Justement, comment décrirais-tu ton EP Nuit, qui va sortir très prochainement ?
Nuit est un EP très éclectique au niveau des productions et qui se veut rassurant au niveau des textes et de la voix. J’ai eu envie de le chanter comme je l’entendais. Lors de la composition, j’ai vraiment travaillé sur mes textes avant de faire la production. Ce travail m’a demandé énormément de temps parce que je voulais vraiment transmettre quelque chose de vrai et de personnel, raconter des instants qui font partie de moi et qui m’ont marqué. Sinon, l’ambiance globale de cet EP s’inscrit dans une pop plutôt grand public. C’est l’esthétique qui me plaît le plus mais avec, encore une fois, des influences très éclectiques. Par exemple, le titre Silences sonne un peu plus urbain. Cet EP, je le définirai comme un message d’espoir parce qu’il commence avec un titre plutôt sombre et il se termine avec des titres plus enjoués. Il y a une vraie évolution, un vrai sens.
Alors, pourquoi « Nuit » ? Tout simplement, parce que j’écris et compose surtout en pleine nuit (vers 3 h du matin). Au-delà de ça, je suis quelqu’un qui sortait beaucoup, qui passait beaucoup temps dans les bars. Puis, il y a eu les concerts et les échanges avec les publics, qui se passent beaucoup à ce moment-là de la journée. C’est un tout en fait. C’est à cet instant que j’ai vécu, et que je vis toujours, le plus de choses. Il se passe des choses merveilleuses la nuit !
Les morceaux sont assez personnels. Parmi les cinq que tu proposes, y en-a-t-il un que tu chéris particulièrement ?
Il y en a un que je chéris plus que les autres bien sûr : Les Hommes. D’abord parce que le message derrière y est fort et aussi parce que c’est une chanson que j’ai écrite pour ma fille, qui est née il y a quelques mois. J’essaie de l’avertir, de la conseiller… C’est un titre qui s’adresse plus généralement à toutes les filles, toutes les femmes, qui doivent rester fortes et garder le contrôle de leur vie pour la vivre comme elles l’entendent. Encore aujourd’hui, je trouve qu’elles ont énormément de pression sur les épaules à tous les niveaux (vie professionnelle et vie personnelle) alors qu’elles sont les égales des hommes et elles n’ont pas à se laisser faire. En parallèle, je dis que les garçons, les hommes, peuvent aussi se sentir vulnérables, pleurer et ne pas se laisser faire bien sûr.
À côté, j’aime beaucoup Silences également. C’est un morceau plutôt triste, que j’ai composé très rapidement : en une dizaine de minutes, j’avais écrit l’intégralité du texte. L’inspiration m’est venue très naturellement car c’est un sujet que j’apprécie beaucoup. Je dirais même que les paroles m’ont retourné le cœur, ça m’a fait du bien de les écrire. J’ai pu externaliser tout un tas de choses et j’espère que ceux qui écouteront ce morceau, le comprendront et que ça les touchera tout autant.
Pour rebondir sur tes propos précédents, quelle image de la femme et de la musique cherches-tu à transmettre ? Dans tes paroles, il est souvent question de séduction et la femme a le contrôle, notamment dans les morceaux Soirées et Immobile.
C’est une question très pertinente ! Pour moi en 2020, la femme est libre, indépendante, forte et je voulais mettre en avant cela. Ok dans mes morceaux et clips, il y a toujours cette relation de séduction entre les différents individus mais les protagonistes sont libres de leurs choix, ils sont forts et parfois le jeu entre eux n’aboutit à rien, comme c’est le cas dans Soirées. Mine de rien, je me rends compte que ce sont très souvent les femmes qui gardent le contrôle. Après, je ne revendique pas cet EP comme « le grand défenseur » des femmes mais j’espère qu’il intègre bien les valeurs d’aujourd’hui.
L’univers de cet EP est coloré : on a ce jeu permanent entre le rouge et le bleu, qui est présent aussi bien dans les paroles que dans les visuels. Pourquoi ces deux couleurs contradictoires ? Ont-elles une signification particulière ?
L’explication de ces deux couleurs est en rapport avec la nuit. Dans le milieu de la nuit, les boites, les bars, on évolue dans des lumières plutôt sombres, très marquées, floues… J’avais envie que, au-delà des paroles, on ressente cette vie nocturne, assez estivale d’ailleurs, dans les univers visuels. Je trouve que c’était pertinent et que ça allait apporter de la cohérence à l’EP. Au-delà de ça, le rouge et le bleu n’ont pas de symbolique particulière. On a fait énormément de travail sur l’univers visuel avec l’équipe pour apporter quelque chose de lisible.
Pour la petite anecdote, on a fait une séance photo pour faire « la pochette parfaite » à Lille, on était en plein tournage d’un clip en parallèle dans une boîte de nuit justement (Le Smile – eh oui) et il y avait beaucoup d’éclairages rouges et bleus. Ça rendait vraiment super bien et ça a été comme une révélation, en mode : « mais ça colle trop bien aux textes, aux productions ! C’est dans ce sens-là qu’on veut aller ». Quand on compose un album, je pense que la recherche artistique est aussi importante sur le plan musical que sur le plan visuel. C’est pour ça que j’essaye de m’entourer d’autres talents, d’autres artistes, qui ont aussi des idées riches, comme ça a été le cas avec les lumières ici.
As-tu une anecdote à raconter sur la phase de création de cet EP ?
Après six mois de travail sur mes textes, de composition, seul à la maison, je me suis entouré d’une équipe, ou plutôt, d’une bande de copains qui sont tous musiciens, réalisateurs, graphistes… Des amis avec qui j’ai beaucoup d’affinités. L’esprit d’équipe est très important, pour créer tout le reste, donner vie à cet EP, etc. Donc on est partis tous ensemble et on a loué une maison en Belgique. Ça, c’est pour le contexte. Dès le premier jour, on a pas mal enregistré et pendant ce temps-là le graphiste travaillait sur la pochette. À la fin de la journée, il nous propose une première version donc, et elle était très marrante puisqu’elle me représentait moi avec le corps de Woody de Toy Story. Pour la petite précision, il y avait un enfant avec nous et il avait une peluche à cette effigie. Tout est parti de là : le graphiste a enlevé la tête de Woody pour mettre la mienne à la place. C’était très drôle, très délirant, ça nous plaisait beaucoup mais ça n’a pas plu à ma communauté, qu’on avait interrogée via Instagram. Dommage, mais en même temps c’était assez compliqué de faire le lien avec le titre de l’EP, Nuit.
À côté, tu as d’autres projets : tu gères notamment un label de musique, MRG Production. Peux-tu nous en parler ?
Alors ce label, on l’a monté en 2018 avec Régis Guillot, qui est mon percussionniste sur scène et avec qui je travaille énormément. MRG Production a pour vocation d’aider les artistes à différents niveaux : ça peut aller de la mise en place d’un modèle économique, à la production et l’enregistrement d’EP, le tournage de clip mais aussi le booking. On a la chance d’être issus d’une région où il y a beaucoup de talents et nous, en tant que musiciens professionnels, on a aussi pour vocation de les mettre en avant et de développer la culture sur le territoire, ou en tout cas, la professionnalisation des pratiques de musiques actuelles. On a vraiment monté ce projet pour ça : pour proposer un accompagnement artistique et transmettre. J’avais envie de partager mon expérience, d’expliquer ce qui a marché, de raconter comment j’ai réussi à vivre de ma musique, à développer une communauté… Le partage d’expériences est très important dans notre milieu. J’estime avoir beaucoup de choses à apprendre aux artistes et que les artistes ont aussi beaucoup de choses à m’apprendre à travers leurs parcours, leurs styles, leurs histoires… C’est toujours très intéressant. Quand on travaille dans le domaine culturel, on a la chance d’avoir une certaine ouverture d’esprit, une certaine ouverture sur le monde et ça me paraissait très important de développer ce projet-là.
En parlant de territoire et de région : pourquoi la Côte d’Opale plutôt que les grandes villes ?
Je pense que quand on crée un projet dans la région dans laquelle on a passé notre enfance, qui nous a vu grandir et qui a vu mûrir nos idées, sur le plan professionnel comme privé ; ça a d’autant plus de sens et de poids. Avec Régis, on a la chance de faire plus de 80 concerts par an mais il faut savoir que plus de la moitié se déroulent dans les Hauts-de-France. On se développe un certain réseau. On a monté notre label sur la Côte d’Opale pour accompagner les artistes locaux et prendre des collaborateurs qui viennent aussi de la région, pour insuffler une dynamique territoriale. C’est une vraie fierté d’être un artiste de la Côte d’Opale parce qu’elle nous offre beaucoup de possibilités : composer sur la plage, connaître beaucoup de monde, se nourrir de cet univers un peu estival et des différentes manifestations culturelles, profiter des paysages…
As-tu un conseil à donner à ceux qui souhaitent faire de leur musique leur vocation, ou plus généralement à ceux qui souhaitent vivre de leur passion ?
Je pense que le meilleur conseil que je puisse leur donner c’est de faire de leur musique leur plan A. Foncez, n’attendez pas ! Actuellement on peut vivre de la musique (intermittence, droits d’auteurs…). Quand ça fonctionne c’est une pratique qui demande beaucoup de temps et quand on a un travail à côté, on a tendance à négliger la création artistique. En tant qu’artistes, il faut remettre la création au cœur du débat. Il ne faut pas hésiter à aller frapper aux portes, à contacter des professionnels et à demander des avis (avec notamment la plateforme Groover par exemple). On doit partager au maximum avec des professionnels, notre communauté mais aussi d’autres artistes parce qu’on peut en apprendre énormément. Ayez confiance en vous !