Juste après la sortie de son EP Monde et de son nouveau clip, nous avons rencontré Martin Luminet pour échanger sur son travail, son accompagnement au Chantier des Francos, mais aussi sur tout ce que notre génération traverse en cette période bancale et troublée. Ses textes percutants et abrupts évoquent tour à tour l’acceptation de soi et de la part sombre présente en chacun de nous, ainsi que la volonté de déconstruire ce monde et de le remodeler, pour faire mieux. Et comme un single n’arrive jamais seul, Martin Luminet sort son nouvel EP de 5 titres Monstre ce 4 juin !
Propos recueillis par Edwige Chaumière
Est-ce que tu peux te présenter ?
Je m’appelle Martin Luminet, j’ai pris le nom de scène que mes parents m’avaient donné. Je fais des chansons très intimes donc je ne voulais pas me cacher derrière un pseudo ou quoi que ce soit, j’avais envie d’affronter ça un peu de plein fouet. Le reflet de mes chansons, c’est plein de trucs qui m’arrivent que je vis un peu fort, un peu intensément sans pourvoir les contrôler. La seule façon que j’ai de pouvoir en faire quelque chose qui ne me détruise pas, c’était d’en faire des chansons.
Depuis combien de temps est-ce que tu fais de la musique ? Est-ce qu’il y a eu un déclic ?
J’ai fait ça très tard, j’ai commencé la musique vers 22/23 ans, je n’en avais jamais fait avant. En fait, j’ai grandi dans une famille où il n’y avait pas de musique, pas trop d’éducation à ça, on était plus dans un épanouissement par le sport, par les trucs collectifs. Moi j’ai grandi très longtemps dans un climat où les émotions n’étaient pas trop considérées, on n’en parlait pas beaucoup, on ne mettait pas trop le doigt ou les mots sur ce qui nous traversait. Et je me suis rendu compte que j’étais très sensible à tout, mais j’ai dû attendre d’avoir 20 ans pour me rendre compte que j’avais grandi tout ce temps un peu à côté de mes pompes, de mes émotions et de ma vie. Ça a coïncidé avec le moment où j’ai commencé à faire de la musique avec des copains un peu par hasard.
En fait, ils cherchaient quelqu’un pour chanter et écrire des textes et moi je leur ai fait croire que je faisais ça depuis toujours, alors que c’était pas vrai. Mais j’avais tellement envie de faire quelque chose et puis de m’extirper un peu de ma vie toute tracée de lycéen, les études, et puis après avoir une vie normale, avoir un monospace et tout… Du coup, j’ai pris la première porte de sortie qui se présentait, et ça m’a un peu sauvé la vie à plein de niveaux. Le déclic, ça s’est fait après le lycée, un peu sur le tard, mais à la fois c’était cool parce que je me suis mis à faire pas mal de choses à rebours, au pied du mur et ça m’a donné beaucoup plus de force et de volonté de les faire. Il n’y avait plus de temps à perdre à partir de ce moment-là.
Comment est-ce que tu travailles ? Tu écris et tu composes ?
Oui, je fais tout, et depuis peu je travaille avec quelqu’un sur le nouvel EP.
Au début, on faisait le déménagement de la maman d’un copain et elle avait un piano au milieu du salon dont elle ne savait pas quoi faire. Elle allait le balancer. Je lui ai dit que je pouvais le garder un petit moment et que je lui rendrais le jour où elle emménagerait dans une grande maison avec un nouvel amoureux. C’est là où j’ai appris à jouer du piano et à composer mes premières chansons.
Avec le temps, je me suis entouré de Ben Geffen avec qui j’ai réalisé le disque et avec qui on fait de la cocomposition et de la coréalisation. Ça me va bien comme ça, mes textes vivent un peu mieux, ils se font un peu plus surprendre par les compositions de quelqu’un d’autre. Sinon tu as rapidement des automatismes, et finalement quand tu es autodidacte, tu te limites assez facilement à ce que tu sais faire.
J’écris un peu tous les jours sur des tickets de métro, de carte bleue, dès que j’ai des idées, j’essaye de les écrire tout de suite. Après je les réécris sur mon ordi le soir, donc j’aurais plutôt tendance à faire beaucoup de mots avant de faire de la musique, mais il y a aussi des fois des chansons et des mélodies qui viennent et qui t’engagent sur un sujet. Des fois, ça va te prendre de court et te faire parler de choses dont soit tu ne t’attendais pas à parler, soit que tu avais remis un peu à plus tard. L’urgence du truc fait que c’est le bon moment pour parler de ce sujet-là.
Donc en fait je n’ai pas vraiment de règles et puis je pense que j’ai fui une vie un peu « normale » pour ne pas avoir de règles donc je n’ai pas de truc tracé. Mais c’est vrai que le texte a une place vraiment très importante.
Tes morceaux oscillent entre des textes très parlés, très abrupts et des refrains chantés, est-ce que c’est indispensable pour toi de faire un mix des deux ?
À la base, c’était très parlé. Je sais que je voulais faire des chansons parce que je suis un peu lent pour faire les choses et pour dire les choses aux gens. Les chansons, c’est plutôt cool pour moi, ça me permet plus tard de revenir sur un sujet où je n’ai pas eu soit le courage, soit la force, soit l’opportunité de dire les choses. Il y avait cette idée que ça sorte en chanson comme ça aurait dû sortir dans la vie tu vois, comme si on avait été dans une cuisine, à la sortie d’un ciné, d’un concert.
Je voulais que dans les chansons, ça sorte comme ça, de la manière la plus parlée, la plus proche d’une voix de film, et ensuite je me suis surpris. Au début, je m’interdisais de chanter, parce que je trouvais que ça esthétisait un peu le propos, et je ne voulais vraiment pas un truc de séduction. Je ne voulais pas qu’on tombe dans le truc de dire des choses dures de manière douce pour que ça passe mieux, je suis vraiment dans un truc un peu plus frontal. Finalement, je me suis rendu compte que chanter ne rendait pas le truc plus fleur bleue, au contraire ça donnait un truc un peu plus instinctif, un peu plus animal, et moi ça me va bien.
On ressent beaucoup de colère, de revendications derrière tes morceaux. Est-ce que la musique, c’est ton exutoire ?
Oui, je n’arrive pas encore à en faire un truc de divertissement.
Pour moi, c’est vraiment une espèce de trop plein. J’ai passé tellement de temps loin des émotions que ça a besoin de sortir de la manière la plus brute possible. C’est nécessaire, c’est encore nécessaire que ça sorte. Mes premières chansons, c’est quelque chose qui vient plus des tripes que de ma tête. C’est pas plus mal parce que ça me fait beaucoup de bien, et je me rends compte qu’un truc ultra intime comme ça résonne chez d’autres personnes, ce que je trouve assez fou.
Je me rends compte qu’il n’y a pas besoin non plus de vouloir faire de la musique de camping pour parler au plus grand nombre ! Je suis très heureux d’être aligné là-dedans, je n’ai pas besoin de me travestir ou de trahir une partie de mon cœur.
Je me dis que ça va peut-être devenir plus léger aussi, parce que j’aime bien parler des choses une fois qu’elles sont passées, une fois que je les ai réglées. Peut-être que je pourrais à un moment donné partir sur quelque chose de plus fictionnel, mais là pour le moment je n’arrive pas à composer avec autre chose que de la matière vécue et très proche de moi.
Tu fais partie du Chantier des Francos 2021, c’est un tremplin et un accompagnement connu et reconnu. Ça te fait quoi ?
C’est trop bien. Je t’avoue que le côté connu arrive vraiment en dernier parce que c’est vraiment un accompagnement qui est hyper précieux, à plusieurs niveaux.
Moi, ce qui me touche, c’est qu’on est dans des métiers où on est des dizaines, on fait tous le même boulot mais on est très solitaires, tournés vers nous-mêmes.
Là, ce qu’il y a de beau, c’est que le chantier ça crée des équipes, des équipes de solitaires certes, mais des équipes et c’est hyper cool ! Pour moi, la musique, je l’ai commencée justement en groupe avec mes amis. C’est vrai que j’avais toujours un petit pincement au cœur, de me dire tiens je fais de la musique en mon nom, quelque chose qui parle de moi, mais à quel moment je vais pouvoir intégrer d’autres personnes dedans ? C’est cool de partager notre quotidien avec ces gens qui font la même chose que nous, de parler de nos doutes, de ce qu’on traverse, de nos joies. Ce métier, ce n’est qu’une succession de vagues, tu prends des grands shoots d’épanouissement, et puis des grands shoots de doutes, et c’est génial !
En plus, l’accompagnement des Francos, c’est vraiment sur le fond, c’est à dire qu’ils ont l’étiquette Francos qui peut faire un peu brillant mais dans le fond, ils travaillent vraiment sur la matière première avec nous. C’est à dire qu’ils vont pas du tout t’aider à travailler tes réseaux. Eux, ils veulent vraiment que tu travailles la base de ton art. C’est un des rares dispositifs qui te prend aussi pour un créatif et pas pour l’image que tu dégages, vraiment pour ce que tu vas dire au fond, et même t’aider à travailler l’invisible. Ils travaillent sur tout ce que tu as du mal à montrer, tout ce que tu as du mal à sortir, il faut que ça soit présent, et eux ils parient vraiment là-dessus.
Ça met dans une perspective de rampe de lancement idéale. Quand je les ai démarchés, j’étais en train de finir d’écrire l’EP et je voulais me remettre bien droit pour la sortie d’EP, pour les concerts.
Monde c’est ton nouveau single, après Cœur, pourquoi choisir ces deux morceaux comme « avant-première » de ton EP ?
Cœur il est ultra intime et personnel, ça parle limite de l’intérieur de quelqu’un, de moi en l’occurrence. Je suis dans vraiment une certaine forme d’impudeur parfois, quitte à être très vulnérable face aux gens, mais je trouve que c’est important de mettre ça en commun. Je montre que je ne vais pas me cacher derrière quoi que ce soit, je vais vous dire ce qui se passe au plus profond de moi et après on parlera de ce que je dégage. C’est un peu bizarre, c’est un peu comme quand tu dragues quelqu’un, si tu dis tous tes défauts en premier ! J’ai trouvé que c’était cool d’aborder les choses comme ça, que ma première rencontre avec le public ça soit ça. Leur dire en fait, je suis complètement pas fiable, je suis complètement pas droit, je suis complètement border sur plein de trucs. L’accueil que ça a eu, ça m’a fait beaucoup de bien.
Et puis Monde, après Cœur qui était très intime, parce je trouve ça très dur de dire « je », il a fallu dire un peu « nous ». Je me sens pris dans une génération. Je sens que ce que je traverse, c’est pas forcément très isolé même si j’ai l’impression de ne pas pouvoir le partager avec grand monde parce que c’est très intime. Mais cette recherche de soi, d’envie de reprendre le pouvoir sur soi, sur la notion de couple, de désir, d’amour, de tous ces trucs de mariage, tous ces trucs dans lesquels on a été éduqués, dans lesquels on a baignés mais qu’on n’a jamais réinterrogés.
C’est une espèce de déconstruction, qui est pour moi quelque chose de très important, de tout déconstruire, histoire de savoir ce que l’on garde de la génération d’avant et ce que l’on réécrit nous, en tant que génération. On a été beaucoup une génération où on nous a dit que tout allait bien se passer, on n’allait pas avoir de guerre à mener, on n’allait pas avoir à se poser de questions, on juste à passer des diplômes, rencontrer quelqu’un, faire sa vie avec et puis voilà. On allait traverser la vie convenablement, sans embuche, sans entrave, sans exploit. Moi je trouve que c’est une vaste arnaque.
Donc le titre Monde c’était un peu pour voir si je n’étais pas le seul à penser ça, d’inclure d’autres personnes dedans, et de voir si ça résonnait quelque part. Mais cette chanson est tout aussi personnelle que Cœur finalement.
Monde c’est un morceau qui résonne beaucoup en ce moment, avec tout ce que l’on traverse, est-ce que tu l’avais écrit avant la crise sanitaire ou ça t’es venu pendant un confinement ?
Ça fait partie des morceaux dont j’avais écrit une moitié avant, bien avant. C’était une partie de voix off que je mettais sur scène, et que je demandais à Clou, la chanteuse de l’enregistrer en « parlé ». Je l’ai laissé un peu de côté ce bout de texte, je l’adorais, mais je ne savais pas trop comment l’intégrer dans une chanson, et au moment du premier confinement, je me suis mis à écrire quelque chose, et en fait je me suis rendu compte que c’était le prolongement de ça. Comme dans Twin Peaks, tu écris la fin vingt-cinq ans après, et bien là c’était trois ans après !
Je pense que cette chanson avait besoin d’une crise générationnelle un peu pour se réveiller. Je n’aurais pas eu l’audace de le faire je pense, sans quelque chose qui nous aurait rassemblé tous à tous les étages, qu’on soit riche, pauvre, en France ou dans n’importe quel pays, on est tous frappés par la même chose. Un peu comme certaines générations ont été frappées par une guerre, par une catastrophe climatique, mais là c’est vrai que c’est planétaire, ça n’épargne personne. Le monde est sur pause et ça pour le coup ça va être l’histoire de notre génération, je pense qu’on va être marqués par ça. Ça a re-réveillé ce texte, ça a re-réveillé cet instinct-là.
Dans tes textes et dans le message que tu apportes, tu me fais beaucoup penser à Fauve, est ce que c’est un collectif qui t’inspire ? Une démarche qui te plait ?
Oui, j’ai écouté ça, et en fait ce qui m’a aidé dans Fauve c’est que ça m’a décomplexé dans le « parlé ». C’est à dire que je sais qu’à ce moment-là j’écrivais des chansons, je ne voulais pas encore en faire mon métier, c’était des petites chansons comme ça. Au moment où j’ai entendu ça, je me suis dit « putain c’est trop bien ! » parce que ça veut dire que la chanson n’est pas obligée d’être une chanson, ça peut être un film audio, et moi ça m’a décomplexé. Mais au même titre que Odezenne, Cabadzi, tous ces gens qui viennent du « spoken », même plus tard Vendredi sur Mer… Ce sont des gens qui parlent leurs chansons, donc je ne sais pas si c’est une inspiration ou plus une autorisation. Je me suis senti autorisé de faire la chanson que je voulais parce que d’autres le faisaient, je n’aurais pas eu l’audace sans ça. Encore une fois je n’ai pas un caractère à m’imposer, ça a été un déclic.
Dans ce morceau tu t’exprimes à la première personne du pluriel, est-ce que tu considères que la musique doit être porte-parole d’une génération ?
De toute façon, à chaque fois qu’il y a des catastrophes, on se rend compte que l’humanité arrive à les transformer en beauté avec le temps. On se dit en fait la capacité de résilience de l’espèce humaine c’est qu’on est traversés par des trucs affreux dont normalement on ne se relève pas, et en fait on se relève, et le pire c’est qu’on arrive à fabriquer de la beauté avec ça pour se réparer. C’est une espèce de pansement géant sur un drame collectif.
Quand tu fais des chansons, tu ne penses pas à un truc de génération. Je ne veux pas du tout parler à la place d’autres gens, je suppose des choses, et j’ai le fantasme ou l’envie qu’il y ait quelqu’un au bout du fil. C’est pour ça que je dis « nous », c’est un appel plutôt qu’une vérité.
Nous on est plutôt dans quelque chose où on déconstruit, et c’est plutôt une bonne nouvelle. Je suis tellement frappé par le temps qui passe sous mes yeux en ce moment que je suis le pur produit de ma génération. Je suis axé dans un combat un peu collectif, il suffit juste qu’on arrive à se retrouver tous autour d’un truc. Mais c’est déjà ce qu’il se passe autour du féminisme, autour du racisme, autour de tous ces soucis-là. On se dit qu’on a passé des siècles à faire n’importe quoi, là on dit stop dès maintenant. Et on arrête. Et on dénonce, et on répare, et on punit, et c’est très bien. Notre génération, sa guerre, c’est plutôt une guerre intestine, c’est de se dire tiens on a laissé faire trop de choses et ce n’est pas normal. Je pense qu’on se rend compte qu’on a trop merdé et que maintenant il faut plus laisser passer les choses.
Tu as réalisé et écrit le clip de Monde seul, comment ça s’est passé ?
J’ai adoré. Déjà, j’aime beaucoup le cinéma et donc faire un clip ça m’attirait. Et du coup pour faire un clip tu ne te lance pas dans un long-métrage, ou dans un truc trop lourd. Tu peux travailler avec une équipe réduite, et aller au bout de ton idée donc c’est plutôt à la portée de tout le monde. Au final, tu n’as pas besoin de savoir tenir une caméra pour réaliser, il suffit de savoir s’entourer des bonnes personnes. J’ai retrouvé ce côté un peu esprit d’équipe que j’aimais bien, en se disant qu’on avait tous une force à un endroit, et que l’idée c’était de choisir les bonnes personnes pour constituer la bonne équipe.
C’était super intéressant parce que j’ai travaillé avec un chef-opérateur, Romain William, qui est beaucoup dans l’écoute et te fait comprendre que même si tu n’as jamais fait de réalisation, tu es réalisateur en fait, à partir du moment où tu vas créer ton premier clip.
C’était hyper émouvant dans le processus, ça faisait partie de mes envies profondes que j’avais du mal à m’autoriser. C’était une pression mais très positive.
Tout a été bien reçu, quand j’ai parlé de mon idée des portables, du mélange d’images d’archives avec des images de plage, de ne pas avoir un truc trop propre, et tout le monde était super enthousiaste. Réaliser ton clip, t’as l’impression que c’est hyper cool et personnel, mais au final j’en ai vraiment fait une aventure collective et c’est ça qui m’a plu, et ça résonnait bien avec la chanson. Pour moi c’était un moment de grand bonheur.
Pourquoi utiliser le prisme des smartphones ?
Je suis beaucoup sur mon téléphone (hélas !) et avec le confinement je trouve que c’était la seule fenêtre qu’on avait sur le monde extérieur. Des fois tu ouvrais la fenêtre et tu te rendais compte que le monde était vraiment dégueulasse, et des fois tu l’ouvrais et tu te disais qu’il y a quand même moyen d’avoir de l’espoir pour la suite. C’est pour ça que j’ai fait le choix d’images que moi j’avais vues et qui faisaient partie de ma génération, de personnalités inspirantes d’aujourd’hui qui moi me donnent de l’espoir pour la suite.
Je me dis que si on confie une partie du monde ou si le monde peut compter sur ces personnes-là, que ce soit Adèle Haenel, Megan Rapinoe, Kamala Harris, tout va bien se passer, tant qu’on leur donne la parole et de la place.
L’idée des smartphones c’était parce que je trouvais que notre regard s’était vraiment réduit. Aujourd’hui si quelqu’un tombait sur Terre et qu’il trouvait un smartphone il pourrait avoir toute l’histoire du monde résumée. C’est un objet qui fait partie beaucoup du quotidien, un peu trop parfois, mais si on l’utilise comme il faut il peut permettre de nous relier.
Tu parles d’images de personnes inspirantes que tu as nommées, mais on retrouve aussi beaucoup d’images de politiciens, de célébrités médiatiques, est-ce que ces personnes font partie de cette déconstruction du monde dont tu nous parlais ?
En fait il n’y a rien à dénoncer, parce que c’est de notoriété publique que ce sont des ordures. Je trouvais que mettre dans le même clip ce que le monde avait produit de meilleur et de pire, ça permet de montrer que le monde repose sur un équilibre assez instable. Ce qui est chiant, c’est que les gens pas très fréquentables se retrouvent à des places très influentes, et c’est un problème. À la fois, comment-est ce qu’on peut contrer ça ?
L’idée c’était de mettre dans le même clip l’horreur et l’espoir, mais de ne surtout pas se cacher de ce que l’on a fait de pire. Je trouve que c’est horrible de se dire que pour être heureux il ne faut voir que les bons côtés du monde. C’est un peu dangereux de se dire que l’on n’existe qu’avec ses qualités.
Je sais que moi ça m’a sauvé la vie, je me suis senti bien simplement quand je me suis rendu compte et autorisé à avoir des côtés monstrueux. De me dire que je n’étais pas une bonne personne sur certains points de vue, et ça ne sert à rien de vouloir les cacher ou absolument le nier. Il faut comprendre d’où ça vient, pour comprendre qu’on est fait de paradoxes qui s’affrontent en nous et qu’on peut faire de la beauté avec ça.
Est-ce que c’est pour ça que tu as appelé ton EP Monstre ?
Oui bravo, exactement ! (Rires) Je trouvais ça super important, moi c’est vraiment un mot qui m’a sauvé, de me dire qu’en fait le monstre on l’a tous en nous. Au lieu de le refouler ce qui va créer des frustrations, un manque d’épanouissement, il faut aller au bout des choses et interroger ce que l’on a de monstrueux en nous.
Il faut aussi se rendre compte que ce monstre ça peut être aussi un allié à certains moments parce que tu vas créer un être épanoui, parce que tu as conscience de ce que tu es. Tu ne vis pas avec un œil crevé, tu vois le monde tel qu’il est et tu te vois tel que tu es. Moi, je ne me suis jamais senti aussi bien que depuis que je me suis rendu compte que je suis la moitié d’un gars bien et la moitié d’un sale mec.
Et c’est aussi la génération d’avant, ce qu’on a essayé de nous faire croire, de nous tenir un peu loin de nos émotions fortes pour qu’on soit tranquille et qu’on écoute bien. Les émotions fortes certes, ça créé des gens instables et pas trop contrôlables et pas trop fiables, mais surtout des gens vivants. Je pense que c’est ça la vraie richesse de notre espèce humaine, et donc il faut le valoriser.
Ton EP complet sortira le 4 juin, est-ce que tu peux nous en parler un peu ?
Il y a 5 titres, sur la question du monstre, et sur l’interrogation autour de l’amour, du couple et de la déconstruction. C’était un vrai chemin, une vraie motricité pour moi, de le construire autour de sujets intimes qui en fait sont des sujets ultra-collectifs, parce que tout le monde s’interroge là-dessus. Ceux qui osent s’interroger, ceux qui ont envie, ceux qui ont grandi dans un climat où on leur a appris à tout interroger, parce que c’est comme ça que tu fais des meilleurs humains.
Le côté monstre c’était aussi le côté paradoxal de se dire que le héros du film ça pouvait aussi en être le monstre. Je trouve ça assez cool de se dire que le méchant n’est pas vraiment méchant mais qu’il peut avoir la solution à tout ça.
C’est quoi tes projets pour le futur ?
Une tournée carrément ! Continuer de faire des clips. J’aimerais beaucoup réaliser pour l’album une espèce d’enchaînement de clips. Que ça devienne une forme de moyen-métrage, que tous les clips s’enchaînent et d’écrire l’album comme un film.
Et puis continuer la série des Hardcoeurs, qui est un petit podcast vidéo que je fais sur des personnes que j’aime beaucoup, et que j’interroge sur la déconstruction de pas mal de sujets, que ce soit le couple, le désir, la colère, l’amour, les enfants. C’est des sujets un peu « bateau » mais abordés avec un regard particulier, de comment ces personnes ont digéré ces choses-là pour en faire leur propre définition.
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