Baptiste Marty, ou sous son nom d’artiste, Newte, a 28 ans et porte déjà plusieurs casquettes : créateur sonore, compositeur, interprète et régisseur du spectacle vivant. Mais pas n’importe quel spectacle vivant : le théâtre olfactif. Et vous nous connaissez : les choses originales, on adore ça ! Voilà de quoi enrichir les Jobs de Mauvaise Graine.

Newte

Propos recueillis par Léa Pruvoost

En quoi consiste le travail de créateur sonore ?

Etre « créateur sonore » pour le spectacle vivant c’est chercher, par le biais du son, à soutenir, accompagner, porter, voire sublimer une action, un personnage et/ou un contenu. Cela peut-être de la musique pure, des bruits ou des ambiances sonores abstraites ou concrètes.
Il y a d’abord une phase de recherche en rapport avec le texte, les désirs du metteur en scène mais aussi avec mon univers musical et sonore. Puis je construis ou compose mes sons tout en les expérimentant lors de nos périodes de créations. Cela implique d’être curieux et de s’intéresser à plein de choses, tant sur le plan musical que sur d’autres plans artistiques.

 

Peux-tu nous parler de ton parcours ?

Au collège et au lycée, j’ai fait la rencontre d’un comédien et metteur en scène, Philippe Leroy, avec qui j’ai participé à plusieurs ateliers en tant que comédien amateur.  Puis il m’a proposé de travailler avec lui sur d’autres ateliers, notamment avec des enfants et des ados, en tant que régisseur et créateur sonore, cette fois-ci. En parallèle, j’ai suivi une formation de régisseur son à l’E.M.C. (Ecole des Métiers de la Communication) de Malakoff.

À côté de ça, ma pratique musicale évolue à chaque projet et m’a permis de découvrir d’autres instruments tels que la batterie et la M.A.O. (Musique Assistée par Ordinateur) qui me permet de pouvoir utiliser une vaste palette d’instruments pour mes créations.

 

Comment as-tu connu et intégré la Compagnie Le T.I.R et la Lyre ?

Je suis rentré dans la compagnie du T.I.R et la Lyre juste après mes études grâce à Philippe Leroy, qui travaillait déjà sur certaines créations de la compagnie. À ce moment là, ils cherchaient un nouveau régisseur pour les Visites Théâtrales et Olfactives, parcours déambulatoire dans des lieux de patrimoine (comme le parc de La Villette ou le musée de l’Institut du Monde Arabe de Paris, la maison Louis Braille à Coupvray, le parc préfectoral Dupeyroux de Créteil, etc…).

J’ai rencontré Violaine de Carné, auteure/metteur en scène/comédienne, et directrice artistique de la compagnie, et l’aventure a commencé.

Newte

Qu’est-ce que le théâtre olfactif ?

Le théâtre olfactif, c’est avant du tout du théâtre. Une histoire, des personnages, des décors, etc… Mais avec un « média » supplémentaire : celui de l’odorat. C’est le fil rouge et artistique de la compagnie et tout le travail de Violaine. Les odeurs sont donc au cœur de nos créations. Pas dans une dimension de « reconnaissance », c’est à dire que l’on ne cherche pas à faire reconnaître une ou plusieurs odeurs, mais de connecter l’odeur à ce qu’il se passe dans l’histoire avec la dimension de l’évocation et non de l’illustratif.

« J’introduis l’odeur dès l’écriture et donc dans la dramaturgie. » relève Violaine de Carné. Autrement dit, on parle de « dramaturgie olfactive ». Cela permet une immersion totale du spectateur, complétée par la vidéo et, bien sûr, le son.

Sur le plan technique, dans nos spectacles, qu’ils soient en salle ou déambulatoires, les spectateurs sentent (et ressentent) des odeurs de manière ponctuelle, tout au long de la pièce ou du parcours, avec divers moyens de diffusion : sur supports (comme des touches à parfum ou comme on aime à les appeler, des « mouillettes »), avec notre « bar à odeurs » ou des booster à odeurs (c’est une sorte de projecteur ou enceinte qui diffuse les odeurs en salle).

Qu’est-ce-qui t’a donné envie de t’investir dans cette pratique artistique innovante ?

Je dirais que c’est plutôt le théâtre olfactif et le travail de Violaine qui sont venus à moi plutôt que l’inverse. Notre collaboration sur les visites olfactives s’est intensifiée et Violaine m’a proposé de travailler avec elle sur d’autres projets, toujours avec les odeurs. Que ce soit sous forme de performance comme au festival de poésie de « Saint-Jacuz de la Mer », où nous proposions un atelier autour de la poésie qui se concluait par un voyage sensoriel son-odeur-poésie, où les participants avaient les yeux bandés. C’est aussi des ateliers plus insolites comme à la maison d’arrêt de Nanterre où on travaille avec quelques détenus autour de leurs souvenirs et de leurs évocations. Petit à petit un lien s’est créé. Aujourd’hui, j’interviens sur beaucoup de projets de la compagnie. Et pas seulement sur le plan du sonore.

 

Un lieu de représentation est-il sorti du lot ?

Je dirais que sur une vue d’ensemble, dès que l’on sort des murs d’un théâtre, chaque lieu de création, aussi insolite soit-il, sort du lot.

Mais si je devais en retenir qu’un seul, je retiendrais l’Agence du Crédit Mutuel de Brétigny/Orge, dans laquelle nous avons créé une performance théâtrale, déambulatoire et olfactive autour du thème : « L’argent n’a pas d’odeur » cette année. Je crois que c’est la création la plus insolite et inattendue que l’on a créée. On faisait rentrer les gens dans l’agence avec « Money » des Pink Floyd à fond et on clôturait en partant en courant avec deux énormes sac remplis de (faux) billets en laissant le public en plan. Le tout, pendant les heures d’ouvertures de la banque. À refaire !

Newte - CIE Le Tir et la lyre

Pour finir, peux-tu nous parler de la dernière création de la Compagnie, La Bête ?

C’est une réécriture contemporaine et olfactive du conte de La Belle et la Bête de Violaine.
La particularité est que cette « Bête » ne se voit à aucun moment de la pièce mais qu’elle vie au travers du son et, bien sûr, de l’odeur. Elle est parfois suggérée par des jeux d’ombres ou de vidéo. C’est un spectacle qui a demandé trois ans de création (ce qui est assez long pour un spectacle) car il y a beaucoup de technique, que ce soit au niveau de la machinerie, de la vidéo et des odeurs. Il a été joué pour la première fois en décembre 2017 et a été interprété, dernièrement, début mai, au Sud-Est Théâtre, de Villeneuve-Saint-Georges, et en novembre à Colombier.

J’ai contribué à la conception et la construction d’une bonne partie de la machinerie et du décor. Mais je me suis également occupé du montage des voix-off (puisque certains personnages sont virtuels comme les roses des jardins) et de la création sonore, c’est-à-dire les musiques originales et les ambiances sonores. En exploitation, je m’occupe de monter les systèmes de diffusion des odeurs (le bar et les boosters), qui sont gérés par Frédérique Steiner-Sarrieux dans sa conduite lumière et vidéo. Puis je m’occupe du son pendant le spectacle.

 

Pour découvrir la Cie Le T.I.R. et la Lyre c’est ici et Newte, c’est juste là.