Il existe de plus en plus d’ouvrages et essais sur la cause féministe, l’émancipation des femmes et la sexualité féminine. Voici un récap des ouvrages incontournables. Et on en profite pour vous conseiller d’acheter ces livres chez vos libraires de quartier, directement en boutique ou sur des sites internet comme Librairies Indépendantes ou La Librairie.

Article écrit par Emmanuelle Faguer

Une pièce à soi (1929) de Virginia Woolf

On ne présente plus Virginia Woolf (1882-1941) la romancière anglaise aussi célèbre pour son œuvre Mrs Dalloway (1925) que pour son engagement féministe.

A room’s of one’s own est maintenant traduit Une pièce à soi par Marie Darrieussecq (Éditions Denoël, 2016). En effet, le terme « chambre » dénaturait le sens premier de « room ». La chambre réduisait la femme à n’exister que dans une seule pièce de la maison. Là où elle donnait naissance à ses enfants et accomplissait le devoir conjugal. En l’appelant « pièce », Marie Darrieussecq redonne son sens originel à toute la pensée de Virginia Woolf.

« Ce n’est pas une bedroom, mais une “room of one’s own”. Pas une chambre à soi, mais une pièce, un endroit, un lieu à soi. » (Une pièce à soi, Prologue de Marie Darrieussecq, Éditions Denoël, 2016, Page 9)

L’ouvrage rassemble une série de conférences données par Virginia Woolf à Cambridge en 1928 sur les femmes et la fiction. Ce sujet très vaste sert de prétexte à une question encore plus profonde :  qu’est-ce qui empêche l’ascension des femmes dans la littérature ?

Virginia Woolf dresse une liste de toutes les contraintes qui enferment les femmes : le mariage, les enfants, le manque de revenus (et donc d’indépendance), la société qui les méprise, le manque de reconnaissance… Elle en vient à cette conclusion qui donne son titre à l’ouvrage : Les femmes doivent avoir une pièce. Une pièce fermée à clé où elles peuvent créer en toute liberté, où elles ne dépendent de personne. Deuxième, et c’est corrélé à la première constatation : elles doivent aussi avoir une rente. L’argent, c’est l’indépendance. C’est le moyen de n’appartenir à personne.

NB : Pour aller plus loin, voir l’excellent The Hours de Stephen Daldry où Nicole Kidman interprète Virginia Woolf. Une interprétation qui lui a valu un Oscar.

Le deuxième Sexe (1949) Simone de Beauvoir

Que l’on aime ou pas Simone de Beauvoir (1908-1986) et que l’on conteste certains de ses propos en 2021 n’enlève rien à l’héritage qu’elle nous a laissé. Le deuxième sexe pose les bases de toute la pensée de Simone de Beauvoir sur la philosophe féministe. Dans cet ouvrage, la philosophe rejette tout idée de déterminisme et s’interroge sur les origines de la domination masculine.

Conclusion : les femmes ne naissent pas dominées, elles le deviennent, par la société patriarcale. Par les acquis sociaux culturels. La philosophe veut comprendre pourquoi la femme a été définie comme inférieure, pourquoi elle a été placée de côté, pourquoi certains philosophes (notamment Levinas) la considère comme « Autre ». L’autre moitié de l’Alpha, l’homme, qui lui est supérieur en tous points.

« Elle est l’inessentiel en face de l’essentiel. Il est le Sujet. Il est l’Absolu. Elle est l’Autre. (…) elle est l’Autre au cœur d’une totalité dont les deux termes sont nécessaires l’un à l’autre. » (Le deuxième sexe, Introduction, Édition Gallimard, Pages 18 et 22.)

Son analyse est biologique, psychanalytique et historique. La conclusion ? L’infériorité des femmes s’explique en grande partie par leur rôle de mère qui les empêchent de s’épanouir dans d’autres domaines. Si Simone de Beauvoir accuse les hommes de sexisme et de lâcheté, elle n’est pas tendre avec les femmes : des soumises qui acceptent leurs rôles d’inférieures avec trop de passivité. Il faut donc ramener l’œuvre à son époque, et tenir compte du contexte. C’est un ouvrage qu’il faut lire avec une analyse à côté. D’une part, parce qu’elle emploie de nombreux termes et références philosophiques. D’autre part, parce qu’elle cite abondamment Heidegger, philosophe allemand phénoménologiste (maintenant très controversé en raison de son adhésion au parti national-socialiste). Se renseigner sur sa pensée et ses influences est donc essentiel pour comprendre tous les termes qu’elle emploie, et pourquoi elle les emploie !

King Kong théorie (2006) Virginie Despentes

Virginie Despentes (1969 – ) est peut-être l’écrivaine française la plus célèbre du moment. Son œuvre féministe est immense. Elle est aussi controversée dans les milieux conservateurs qu’adulée dans les milieux militants. Reconnue unanimement pour la puissance de sa plume et la profondeur de ses personnages, elle a été membre de l’académie Goncourt jusqu’en 2020 (date à laquelle elle a démissionné). Elle a écrit des dizaines de romans, nouvelles et pièces de théâtre. Elle a également réalisé plusieurs courts et longs métrages.

King Kong théorie est un ouvrage fondamental, nécessaire et urgent de (re)lire. Despentes retrace ses propres expériences, notamment son viol et son choix de se prostituer. Ce parcours compliqué a nourri sa réflexion sur la sexualité, la prostitution et le mariage. À sa sortie, son éditeur présente cet ouvrage comme « le manifeste d’un nouveau féminisme ».

Dans cet essai, l’autrice prône une liberté des corps et déconstruit les attentes de la société. Elle fait de son viol un événement fondateur de sa lutte et prône la pornographie et la prostitution comme une réappropriation du corps de la femme.

Il y a un an, la comédienne Adèle Haenel s’est levée au moment de l’annonce du César du meilleur réalisateur décerné à Roman Polanski (accusé de viol sur plusieurs mineurs). Le lendemain, Virginie Despentes écrivait une tribune dans Libération. Ces quelques mots résument bien sa pensée et son engagement :

« Le monde que vous avez créé pour régner dessus comme des minables est irrespirable. On se lève et on se casse. C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde. » (Libération, Tribune 1er Mars 2020. Césars : « Désormais on se lève et on se barre », par Virginie Despentes.)

Mémoire de fille (2016) Annie Ernaux

L’œuvre littéraire d’Annie Ernaux (1940 – ) devrait être enseignée dès le lycée tant elle relève d’utilité publique. Annie Ernaux est professeure de lettres et écrivaine. Elle a consacré toute son œuvre à analyser les rapports humains et familiaux à travers le prisme de l’autofiction. En 1984, elle reçoit le prix Renaudot pour La place, récit autobiographique qui retrace de manière fragmentée ses souvenirs d’enfance. En 2017, elle reçoit le prix Marguerite-Yourcenar pour l’ensemble de son œuvre.

Dans Mémoire de fille, l’écrivaine revient sur sa première expérience sexuelle en 1958. Et sur l’impact de ce premier rapport sur la femme en devenir. L’adulte de plus de 70 ans fait un voyage introspectif. Elle emmène le lecteur dans une réflexion bien plus profonde sur notre rapport à la sexualité, sur les relations hommes/hommes et sur ce que cela veut dire devenir femme.

« Ma mémoire échoue à restituer l’état psychique créé par l’imbrication du désir et de l’interdit, l’attente d’une expérience sacrée et la peur de « perdre ma virginité ». La force inouïe du sens de cette expression est perdue en moi et dans la plus grande partie de la population française. » (Mémoire de fille, Annie Ernaux, Folio, Page 32)

Sorcières, la puissance invaincue des femmes (2018) Mona Chollet

Mona Chollet (1973 – ) est journaliste, essayiste et cheffe d’édition du Monde Diplomatique.

Dans cet ouvrage, l’autrice part de la figure de la sorcière pour établir une grande histoire de la misogynie jusqu’à aujourd’hui. Au total, entre cinquante à cent milles femmes ont été injustement brûlées en raison de fausses accusations de sorcellerie au cours des siècles (surtout entre le XVI et XVIIème siècles).

De la femme brûlée sur le bûcher, à la faiseuse d’ange qui faisait avorter les femmes clandestinement, en passant par celles qui fabriquaient des potions, Mona Chollet dresse une série de portraits d’héroïnes modernes. C’est aussi un grand récit sur l’intolérance qui nous rappelle que nous sommes un peu toutes des sorcières.

« Avoir un corps de femme pouvait suffire à faire de vous une suspecte. Après leur arrestation, les accusées étaient dénudées, rasées et livrées à un « piqueur » qui recherchait minutieusement la marque du Diable, à la surface comme à l’intérieur de leur corps en y enfonçant des aiguilles. » (Sorcières, Mona Chollet, Zones, Page 18)

Présentes (2020) Lauren Bastide

Lauren Bastide est journaliste. Elle a notamment créé le podcast La Poudre et le studio Nouvelles Écoutes. Présentes est un manifeste féministe et antiraciste très documenté qui décortique notre société sans concession. À la manière de son podcast (qui cumule 10 millions d’écoutes) Lauren Bastide donne la parole aux femmes, qu’elles soient militantes, journalistes, écrivaines et/ou victimes de discriminations. La journaliste s’interroge sur la place des femmes dans l’espace public, dans les médias, dans la sphère politique, culturelle et intime. C’est un ouvrage qui permet également de se rendre compte que le combat féministe va bien au-delà de la lutte pour l’égalité hommes-femmes (déjà très importante). C’est reconnaître l’existence de toustes ceux qu’on a rejetés de l’espace public : les femmes, les personnes transgenres, les handicapé.es, les femmes voilées, les homosexuel.le.s…

C’est le manifeste d’un combat que toutes les femmes, peu importe leur milieu, leur religion et leurs origines sociales, mènent au quotidien.

« Ouvrez les yeux et reliez les points entre eux. Si vous les ouvrez bien, vous réaliserez que le monde est en train de changer. Les femmes osent parler. La honte change de champ. Les vieux mécanismes patriarcaux tombent un à un. C’est pour cela que j’ai écrit ce livre dans un élan d’urgence. Je veux cristalliser ce moment que nous vivons, car je suis convaincue que nous sommes à un tournant. »

Autres ouvrages pour aller plus loin (liste non-exhaustive bien évidemment !)

  • Le génie lesbien. Alice Coffin, Grasset. 2020.
  • Les monologues du Vagin. Eve Ensler. 1996
  • Manifeste féministe. Laure Adler. 2011. Ed Autrement.
  • L’origine du monde. Liv Strömquist. 2016
  • Les Sentiments du prince Charles. Liv Strömquist. 2010.
  • Beauté fatale, les nouveaux visages d’une aliénation féminine. Mona Chollet. Zones, 2012. (Pour n’en citer que deux mais toute ses bandes-dessinées sont à lire)
  • La collection Les femmes qui… chez Flammarion, coécrite par Laure Adler :
    • Les femmes qui lisent sont dangereuses, 2015
    • Les femmes artistes sont dangereuses 2018
    • Les femmes de pouvoir sont dangereuses, 2020…
  • La maison. Emma Becker. J’ai Lu. 2019
  • Ma vie sur la route : Mémoires d’une icône féministe, Gloria Steinem. Harper Collins. 2019
  • J’ai peur des hommes, Vivek Shraya. Les éditions du Remue-Ménage. 2018.
  • Féminismes et pop culture. Jennifer Padjemi. Stock. 2021