Après deux longues années d’attente, de teasing et de spéculations, le nouveau film du « Wizarding World » créé par J.K. Rowling est donc enfin sorti au cinéma. Ce n’est pas le monde qui manquait ce mercredi à 22h en plein cœur de Lille pour une séance des Animaux Fantastiques 2, certains arborant fièrement les couleurs de leur maison (mais si, vous savez, cette maison qui est attribuée à chaque élève de Poudlard suivant sa personnalité), d’autres accompagnants simplement leurs amis sans vraiment savoir de quoi il en retourne, s’étant vaguement fait expliquer la trame du premier opus des Animaux Fantastiques dans le métro.
Article écrit par Alexis Tillieu
Cet article vous est garanti sans spoiler.
Après les traditionnelles quinze minutes de publicité, les lumières s’éteignent enfin, le silence se fait progressivement, et le logo de Warner Bros apparait à l’écran. Jusqu’ici, on est bons, rien de neuf sous le soleil. Et pourtant, en sortant de là deux (longues) heures plus tard, mes amis et moi sommes unanimes : on a frôlé le navet. Alors pourquoi ?
Déjà parce que Johnny Depp fait du Johnny Depp, c’est-à-dire qu’il continue de franchir des paliers dans la médiocrité, n’étant plus que l’ombre de lui-même. On lui demande de jouer Gellert Grindelwald, un sorcier extrêmement puissant qui fomente une guerre contre les Moldus (ceux qui n’ont pas de pouvoirs magiques) « pour le plus grand bien ». Pour faire simple, une caricature un peu maladroite de la montée des périls en Europe à cette époque. Et pourtant, on n’arrive pas à le détester, ni à éprouver de l’empathie. On reste de marbre face à une prestation plus que discutable d’un comédien qui n’est clairement plus à la hauteur.
Ensuite parce que J.K. Rowling a confondu « étendre » et « transformer ». Si le premier opus nous faisait découvrir une nouvelle facette de ce monde de la magie aux États-Unis, ce retour en Europe va de paire avec la réapparition de nombreux personnages emblématiques (pour ne citer qu’eux, Nagini et Dumbledore font leur grand retour). Alors si vous pensiez tout connaître de l’univers de notre sorcier à lunettes parce que vous avez lu les livres assidument, détrompez-vous, Joanne a tout prévu : à la question « Comment ne pas ennuyer les fans inconditionnels qui savent déjà tout de la vie des personnages ? », elle répond sans bégayer « Bah en y allant à gros coups de révélations chocs, quitte à s’asseoir sur la cohérence de mon œuvre, quelle question idiote ». Je ne vais pas dévoiler ici les absurdités auxquelles j’ai assisté impuissant depuis mon siège, par soucis de respect de votre expérience, mais vous aurez une pensée pour moi après le trente-sixième retournement de situation sans queue ni tête, qui en fait de vous tenir en haleine vous fera juste vous demander si vous avez lu les bons bouquins ou vu les bons films. Faute de nous faire découvrir de nouveaux lieux et époques du monde la magie, J.K. Rowling prend le parti de modifier le passé de certains de ses personnages pour créer artificiellement un cliffhanger digne des plus grands films Marvel (on salut au passage la scène à l’entrée de Poudlard dans les dernières minutes du film, où on ne sait plus trop si l’on a affaire à des sorciers ou aux Avengers).
Si vous pensiez que les révélations de Rowling sur la relation d’amour qui lie Dumbledore et Grindelwald allait avoir une quelconque incidence sur la trame (en même temps vous auriez le droit puisqu’elle l’avait assuré), vous pouvez tout de suite remballer la carte bleue, ça ne sera pas pour cette fois malgré un Jude Law au top de sa forme qui nous livre une interprétation d’Albus Dumbledore digne des plus grandes heures des publicités cosmétiques, à grands coup de sourires face caméra. Chapeau l’artiste. C’est encore là un moindre mal, il reste encore trois films à Joanne pour nous montrer autre chose qu’une scène de vingt secondes dont la tension sexuelle m’a rappelé mes cours de biologie en quatrième.
Je ne m’attarde pas sur la performance de Eddie Redmayne, qui continue de jouer Norbert Dragonneau comme s’il avait eu le premier rôle pour Rain Man, ni sur le fait que désormais tout le monde balance des sortilèges impardonnables à tour de bras, y compris les Aurors, la police magique censée réprimander ce genre de pratiques. Non, je vais plutôt m’intéresser à une idée révolutionnaire. Maintenant, on ne s’embête plus avec les contraintes de la vie quotidienne : n’importe quelle tache ou énigme peut être résolue en un tour de baguette magique, sans aucune limite. Forcément ça élargit le champ des possibles. Vous pourrez donc suivre Norbert « Hercule Poirot » Dragonneau à la recherche de son amie (ou amante, on ne sait plus trop, et franchement ça ne nous intéresse pas plus que ça) disparue en plein cœur de Paris et la retrouver en deux tours de magie, ou encore David Yates se faire remplacer à la réalisation par Peter Jackson en personne (enfin je pense) pour un combat face à un dragon qui ne sera pas sans vous rappeler les meilleures scènes du Seigneur des anneaux. Alors oui, les lumières dans tous les sens ça fait joli, mais on préférait quand ça voulait dire quelque chose, si ça ne vous dérange pas.
Dans la même lignée, on aura le plaisir de découvrir toute une ribambelle de nouveaux animaux fantastiques, tous plus poilus et mignons les uns que les autres, et qui ont le don un peu spécial de provoquer dans la salle des soupirs (voire des onomatopées improbables) à chaque fois qu’ils bougent. À se demander si on regarde un film de l’univers de Harry Potter ou une vidéo de chats sur internet. Ah non, au temps pour moi, on me signale dans l’oreillette que Warner Bros vient de se faire des millions de bénéfices sur la vente de peluches sniffleurs, des génies du marketing je vous dis.
On sera quand même assez subjugués par certaines révélations (qui ne vont pas à l’encontre de sept livres et neuf films), et on se laissera emporter par le frisson qui a parcouru la salle au moment du premier travelling sur Poudlard. On sera entraînés par une bande originale comme toujours exceptionnelle, et on ira jusqu’à apprécier certaines références aux précédents films, même si au bout du quarante-huitième clin d’œil on est plus sur une conjonctivite qu’autre chose.
Alors quelle conclusion tirer ?
Le scénario est trop alambiqué pour quelqu’un qui viendrait au cinéma sans rien connaître de l’univers, et trop frustrant pour un « Potterhead » comme moi (comprendre que je suis d’une mauvaise foi à toutes épreuves lorsqu’il s’agit de prendre la défense d’Harry Potter, c’est dire comme il me coûte d’écrire cet article). Alors à qui s’adresse ce film ? Je vous le demande. Warner Bros semble jouer la carte du blockbuster moyen, en sachant que de toute façon nous serons tous de retour dans les salles obscures pour le prochain opus, avec plus d’appréhension sans doute, mais avec l’espoir que Madame Rowling nous refasse rêver, poursuite d’un souvenir d’enfance sans doute impossible à retrouver, la madeleine de Proust de notre génération, en somme.