Le confinement nous a tous un peu forcés à devenir casaniers pour le supporter. Et c’est ainsi que je me suis retrouvée à passer mes lundis soir sous un plaid derrière L’Amour est dans le pré avec ma mère… Au-delà de cette émission qui divise plus les Français-es que l’utilisation de l’écriture inclusive, la douce voix de Karine Le Marchand m’a menée à la réflexion suivante : c’est très étrange de voir des personnes sans masque et surtout qui ne respectent pas la distanciation sociale. Les gestes barrières auraient-ils matrixé notre façon d’envisager nos relations ? Le confinement va-t-il changer notre manière d’aimer ?

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Article écrit par Fantine Dufour 

Une expression différente de nos amours

Petite utilisation du pluriel simplement pour rappeler que l’amour ne concerne pas seulement les relations amoureuses mais aussi les relations amicales et familiales. Juste pour désacraliser un peu cette idée d’Amour avec un grand A et prendre conscience de la multitude d’amours que nous pouvons ressentir. Mais la réflexion d’aujourd’hui ne porte pas sur le sentiment en lui-même : moult écrivain-es et scientifiques l’ont fait avant moi et la crise sanitaire ne va pas bouleverser ce que l’on peut ressentir. Là où les choses peuvent changer, c’est dans la manière d’exprimer nos amours.

Dans son livre Les Cinq langages de l’amour, Gary Chapman avance que l’on peut donner et recevoir de l’amour de cinq manières différentes. Si le titre peut faire penser à ces ouvrages de développement personnel un peu trop niais, le livre a l’avantage de permettre une compréhension plus concrète de ce sentiment qui paraît assez flou aux premiers abords. Les différentes catégories sont les suivantes : toucher physique, paroles valorisantes, moments de qualité, cadeaux et services rendus. Le toucher physique est techniquement le plus simple à appliquer, à ce gros détail près que le minimum requis est le consentement de la personne à qui l’amour est destiné.

Et là, c’est le drame : crise sanitaire et pandémie mondiale mettent un frein clair et net à cette manière d’exprimer notre amour. La distanciation sociale est en vigueur partout – même si le nombre de mètres à respecter change selon les pays. Le confinement va même plus loin en empêchant les rencontres physiques avec les personnes n’habitant pas avec nous. C’est là qu’il peut changer notre manière d’aimer : il est déconseillé de serrer les êtres aimés dans nos bras alors nous voilà à écrire des déclarations enflammées sur nos applications de messagerie instantanées, à visionner des films ou séries en même temps ou à envoyer des petits cadeaux.

Finalement, c’est un peu comme si on ne vivait que des relations à distance. On découvre ainsi les possibilités que donnent les moyens d’expression virtuels. Attention, réflexion de boomeuse : en temps normal, on peut parfois reprocher aux réseaux sociaux de freiner les relations in real life. Aujourd’hui, on se rend compte qu’ils servent aussi réellement à maintenir, voire créer, des liens avec les personnes qu’on ne peut voir physiquement. Reste à chacun-e de choisir comment iel veut investir ce nouveau canal de communication – phrase très start-up, je vous le concède.

Mais si ces relations à distance restent momentanées, la distanciation sociale est peut-être tellement intégrée à notre manière de fonctionner et de penser qu’une certaine retenue restera par rapport à nos contacts physiques avec d’autres personnes, même dans des cas où cette règle n’est pas réellement respectée. Cela sera très probablement très étrange de prendre à nouveau d’autres personnes dans nos bras lorsque le mètre entre nous ne sera plus en vigueur.

Une nouvelle liberté à double tranchant

Le confinement a quand même cela de positif que nous pouvons choisir les personnes avec qui nous voulons créer ou entretenir une relation, qu’elle soit amoureuse, amicale ou familiale. En dehors des personnes avec qui nous vivons, nos autres relations sont moins subies : plus besoin de supporter cette personne agaçante que l’on devait croiser au travail ou à l’université, nous sommes en lien avec qui on veut et quand on veut.

L’absence de lien social obligatoire peut donner l’opportunité de réfléchir sur nous-mêmes, nos attentes et nos envies, et sur les relations uniques que nous entretenons avec d’autres. La distance peut en effet permettre de prendre du recul par rapport à certaines situations et de prendre conscience de ce que chaque proche peut nous apporter ou non. On voit souvent les relations comme quelque chose de spontané et qui ne doit pas être trop pensé au risque de perdre en naturel. Il peut pourtant être intéressant de trouver un juste milieu, surtout que le confinement donne le temps.

Plus concrètement, nos relations peuvent évoluer de manière assez brutale avec ce confinement. N’étant plus amené à croiser les personnes qui pouvaient faire notre quotidien, les relations avec celles-ci peuvent se renforcer si le contact est maintenu via le virtuel ou se dilater si la présence physique de la personne est nécessaire. Cette dilatation est certainement momentanée : la relation a beaucoup de chance de revenir à la normalité avec le déconfinement. Mais le renforcement est plus à même de durer puisqu’un lien particulier a été tissé, comptant davantage les uns sur les autres en période difficile.

Cette plus grande liberté de choix a quand même un gros défaut : il est plus difficile de rencontrer de nouvelles personnes quand on ne peut pas sortir de chez soi. C’est là que les applications de rencontre font leur apparition, mais elles sont souvent limitées aux rencontres amoureuses. Et leur nouvelle importance dans cette forme de relations a simplement été renforcée par le confinement.

Le confinement ne va pas bouleverser notre manière d’aimer. Des petits changements peuvent durer dans certaines relations, mais tout devrait certainement revenir à la normale avec la fin de la crise sanitaire. À moins que toute cette « situation » n’ait fait de nous une bande d’asociales qui se couchent à 22 heures.