Puisqu’on ne peut plus vraiment voyager, et qu’on enchaîne encore et toujours les mêmes films (américains) et mêmes séries (américaines) en boucle depuis un an et demi (du moins certains d’entre nous, on ne dira pas qui), l’équipe ciné propose de vous emmener dans un tour du monde depuis votre salon, dans une épopée cinématographique internationale assis devant votre écran. Parce qu’Hollywood n’a pas le monopole de la qualité, ni du divertissement et de la beauté, les rédacteurs vous proposent de découvrir les mouvements, les époques, les réalisateur.rice.s phares et leurs films favoris qui ponctuent l’histoire du cinéma du différents pays, de l’Italie à la Corée, en passant par l’Allemagne, et même la France (car rien ne vaut le terroir). Alors n’hésitez plus, et prenez place à l’école de ciné Mauvaise Graine, celle qui ne fermera jamais !

Article écrit par Maude Vuillez

Cette fois-ci, c’est Maude qui vous propose de voyager du côté de nos voisins de l’Est, à travers l’histoire du cinéma allemand – un des grands cinémas d’Europe, pourtant encore trop peu connu du grand public.

Étonnamment, il semblerait que l’on porte un regard toujours trop méfiant sur le cinéma allemand. Comme si l’on n’avait jamais réussi à se détacher de son image parfois trop élitiste, comme s’il impressionnait, semblait inaccessible. Cet article relate dans les grandes lignes son parcours et atteste que le cinéma allemand n’est pas forcément celui que l’on croit et qu’il n’a pas dit son dernier mot. 

Expressionnistes que sont les allemands

Dans les années 30, le cinéma allemand est au sommet de son succès avec des oeuvres toujours et encore incontournables : Le Cabinet du Docteur Caligari (1920), dir. Robert Wiene, Nosferatu (1922), dir. Friedrich Murnau ou encore Metropolis (1927) et M. le Maudit (1931) de Fritz Lang. Décors aux perspectives déformées, ombres portées, exagérations des expressions, gestuelles quasi mécaniques, le cinéma allemand qualifié de « cinéma expressionniste » est alors un univers en soi. En marge de l’expressionnisme allemand, sont réalisés des films visant à dénoncer et comprendre les injustices sociales qui traversent le pays. La Rue sans joie (1925), dir. Georg Wilhelm Pabst avec Greta Garbo en est évidemment un film phare comme l’emblématique chef-d’oeuvre L’Ange Bleu (1930) de Josef von Sternberg qui a révélé Marlene Dietrich devenue star iconique du cinéma. Cette époque malheureusement va s’assombrir et plonger le cinéma allemand dans un engrenage d’où il mettra du temps à en sortir. 

Un cinéma au service de la propagande

Avec le Troisième Reich, des artistes sont contraints à l’exil, comme Fritz Lang, d’autres n’auront pas la même « chance » et les films sont pensés comme un outil de propagande. Léni Riefensthal réalise entre autres Le triomphe de la volonté (1935) dont les prouesses techniques sont indéniables mais qui est un pure produit pour glorifier le régime hitlérien. Contre-plongées exagérées sur Hitler, plans d’ensemble de la foule faisant le salut nazi s’étendant à perte de vue et gros plans sur l’Aigle Royal et la croix gammée, tout est magnifié et dissimule l’horreur de ce qui se trame dans ce pays.

Au lendemain de la guerre, le 7ème Art a du mal à se relever, à se remettre sur les rails. A cette époque, peu de films sont notables. Romy Schneider apparaît dans son premier film : Quand refleuriront les lilas blancs (1953), dir. Hans Deppe. Mais ce n’est pas qu’en Allemagne qu’elle fera carrière. Reiner Werner Fassbinder, lui, est un réalisateur de l’après-guerre qui mettra un coup de pied dans la fourmilière de la société allemande bien-pensante avec des films qui parlent d’homosexualité et qui questionnent la culpabilité de l’Allemagne. Très intéressé par le théâtre, il n’hésite pas à faire de ces films de véritables mises en scène. Ce réalisateur s’inspire de Godard, Marker, Chabrol, Melville ou encore Rohmer et est l’un des représentants du nouveau cinéma allemand des années 60-70. Ce courant cinématographie né en Allemagne de l’Ouest s’éprend de la critique sociale et politique, porte un regard sur le monde et ce cinéma résonne avec la Nouvelle Vague française. Mais cette résonance atteint son paroxysme avec la Berliner Schule (L’école de Berlin) qui symbolise un cinéma d’auteur dans le même esprit que la Nouvelle Vague. L’un des chef de file est Christian Petzold, élève de Werner Herzog, qui introduit le renouveau progressif des années 2000. Petzold a notamment réalisé Contrôle d’identité (2000) ou par la suite, Transit (2008).

On ne peut oublier Wim Wenders, le cinéaste allemand par excellence qui en impose à l’international, avec son inoubliable Paris-Texas (1984), qui a reçu la Palme d’Or à Cannes suivi du merveilleux film Les Ailes du Désir (1987). 

Un cinéma qui en impose

Petit à petit, le cinéma allemand s’est doté d’une nouvelle jeunesse, d’un autre regard et depuis les années 2000 se sont imposés des films absolument remarquables. Pour en citer quelques uns : Good Bye Lenin ! (2003), dir. Wolfgang Becker est une comédie sur l’après-chute du mur et du côté du drame : La Vie des autres (2006), dir. Florian Henckel von Donnersmarck, au scénario remarquable sur la période de la Stasie en Allemagne de l’Est. Tourné en un seul et magnifique plan-séquence, Victoria (2015), dir. Sebastian Schipper est marquant ainsi que Toni Erdmann (2016), dir. Maren Ade, film absolument « barré » mais totalement lié aux moeurs de la société ! Les oubliés (2017), dir. Martin Pieter Zandvliet vous bouleversera et Une Valse dans les allées (2018), dir. Thomas Stuber ou comment un supermarché peu devenir un espace d’une grande poésie est très touchant. Côté séries, Dark diffusé sur Netflix et que l’on ne présente plus, est la preuve parfaite de ce renouveau du cinéma allemand.

On ne peut mentionner le cinéma sans évoquer les festivals. Recevoir un Ours d’Or à Berlin, qui équivaut à une Palme d’Or à Cannes, est le rêve de nombreux réalisateurs. Prestigieux festival, la Berlinale porte le cinéma international et allemand vers le haut. C’est également l’occasion de présenter Augenblick qui se déroule à Strasbourg, un festival entièrement dévolu au cinéma allemand. L’équipe travaille sur l’édition de novembre 2021, que l’on espère maintenue. Chaque année, la programmation est aussi riche que variée, alors, si vous voulez un bain de films de qualité, c’est l’occasion rêvée. Et pour les non-Strasbourgeois, l’occasion de visiter la jolie capitale alsacienne.

Et parce que l’été pointe son nez et que le cinéma permet de voyager, place à un film coup de cœur : 303 de Hans Weingartner réalisé en 2018. Jule et Jan, la vingtaine, se retrouvent à covoiturer ensemble. C’est l’histoire d’une rencontre, d’un regard… de regards échangés. Ce road movie estival, absolument touchant et surprenant de simplicité, met du baume au cœur. 

Vous pouvez le voir en streaming sur Canal + : https://www.canalplus.com/cinema/303/h/12080887_40099