Jeudi 29 novembre 2020, 20h45, les dernières séances de cinéma touchent à leur fin. Il est temps de dire au revoir aux salles obscures…
Article écrit par Julia Durand
En ces temps complexes, le cinéma se regarde désormais devant une télévision, un ordinateur ou encore une tablette. Les choix de programme sont de plus en plus vastes nous nous retrouvons alors souvent devant une série que l’on connait par coeur. Cette manière de faire nous place alors dans un état de consommation et non plus dans une action, un acte, un engagement. Etre chez soi pour voir des films ce n’est pas du confort, le vrai confort c’est d’avoir une expérience collective, d’entendre les gens autour de nos réagir, de vibrer avec eux, d’être agacé. Cocteau parlait du cinéma comme d’ une « cérémonie des spectacles » où tout comme le théâtre ou l’opéra, le cinéma doit respecter certains codes et se regarder comme un spectacle. Ce spectacle, il réside au delà de l’écran, il a lieu aussi dans la salle et c’est cet ensemble qui donne au cinéma toute sa magie !
Ces dernières années, Disney a racheté successivement Pixar, Marvel et Lucasfilm puis 21st Century Fox et la pépite du cinéma d’auteur Fox Searchlight, ce qui lui a permis de détenir jusqu’à 40 % des recettes du box-office des Etats-Unis en 2019. Faute de pouvoir rentabiliser sur grand écran l’ensemble de ses futures sorties comme Black Widow ou West Side Story, le groupe a reporté leurs sorties à l’an prochain. D’autres films moins chanceux comme Mulan et Soul sortirons eux directement sur la plateforme. L’exportation en salle, qui était jusqu’à maintenant la voie royale pour la diffusion d’un film est désormais complètement remise en question par les producteurs. Le choix de la diffusion en salle se joue désormais à pile ou face. En France, les plateformes de VOD ont connu une augmentation de 59% pendant le confinement ce qui conforte les producteurs à choisir ce mode de diffusion, plus sur pour eux. Mais derrière cette nouvelle manière de diffuser les films se pose une question plus importante : quelle place pour le cinéma indépendant ?
En France, une grande partie des films produits bénéficient du soutient du CNC (principal organe public de soutient du cinéma) or une des principales sources de revenues du CNC provient des entrées cinéma. Sans les sorties salles et avec une baisse de 50% du nombres d’entrées depuis la réouverture des salles on peut donc s’inquiéter des baisses de subvention et du nombre de films soutenus pour les années à venir. La part des films indépendants va donc chuter au profit des films auto-produits par les majors du streaming et le paysage cinématographique risque de manquer cruellement de diversité artistique. Quelques mesures ont été prises par le gouvernement pour venir en aide au cinéma comme la réduction de la chronologie des médias, l’autorisation de la publicité cinéma à la télévision ou encore la diffusion de films à des créneaux horaires normalement interdit à la télévision. Certes des bonnes nouvelles mais pas réellement suffisantes pour les exploitants et les petits acteurs du cinéma.
Cet été, le célèbre cinéma du Grand Rex à même du fermer ses portes en raison d’une trop faible fréquentation. Période normalement privilégiée des blockbusters américains, les salles de cinéma françaises ont subit la mauvaise gestion de la crise sanitaire aux Etats-Unis. Ce qui a eu comme résultat une baisse de films grands publiques à exploiter en France cet été. Le cinéma comme une grande partie de l’économie est aujourd’hui mondialisé et donc dépendant de nombreux facteurs pour sa réussite.
Entre les effets de la mondialisation et le fleurissement des plateformes de VOD la crise sanitaire est-elle donc une accélération d’un phénomène déjà lancé ou juste une mauvaise conjoncture?
Certes, les évolutions technologiques sont en marche depuis un certain temps et ne font que se developper d’avantage mais notons tout de même que 2019 fut l’année avec le plus haut score d’entrées en salle en France. La demande de cinéma est donc bien là et les proposions artistiques également. Du coté des salles, de nombreux investissements sont mis en place pour renouveler le secteur afin qu’il reste attractif comme des aménagements technologiques dans les salles mais aussi des événements et actions culturelles. De plus, on peut voir que les français favorisent désormais les salles indépendantes, de quartier avec qui ils ont une relation et un engagement plus fort.
On peut également observer que les films qui sortent directement sur des plateforme de VOD ne rencontrent pas le succès qu’ils auraient pu avoir en salle. Tout le travail de publicité, de promotion et de bouche à oreille qui a lieu autour d’une sortie salle sera beaucoup plus faible avec une sortie online. Comme le dit Denis Rostein, Directeur Général d’Universciné, lors qu’un entretient avec France Culture : « La VOD doit être consommée dans un second temps en complémentarité de la salle. »
Dernière nouveauté pour Netflix qui devient maintenant exploitant. En effet, le géant du streaming loue une salle de cinéma mythique de New-York pour des projections d’événements et compte faire de même à Los Angeles. Cette nouvelle peut paraitre réjouissante de première abord mais n’est en vérité qu’une astuce pour permettre aux productions Netflix d’avoir accès à certains grands festivals qui nécessitent une sortie salle. Cette règlementation révèle bien la place centrale de la salle de cinéma dans la vie d’un film. Peu importe les évolutions qui pourront avoir lieu, la salle reste un lieu sacrée où l’on assiste à un spectacle.
En 1970, l’avenir du cinéma était déjà remis en question avec le développement de la télévision. Godard disait alors « Le cinéma fabrique des souvenirs, la télévision de l’oubli ». Où place-t-on alors le streaming dans cette déclaration ? Tout comme la télévision, il faut voir les plateformes de streaming comme un service complémentaire du cinéma. Opposer les deux ne ferait que renforcer les problèmes que l’on rencontre actuellement. En les prenants comme deux entités différentes qui opèrent des fonctions propres à chacune d’elles, il sera alors plus simple de mettre en place des systèmes d’encadrement et de réglementation. De nombreux cinéphiles ont vu naitre leur passion du cinéma à travers la télévision, il ne faut donc pas être si critique envers elle l’important étant de connaitre ses limites. Bien que la télévision ait connu un essor incroyable, le cinéma en est pour autant resté attractif et à su être protéger par des réglementations qui par exemple interdisent la diffusion de films à la télévision le mercredi, jour des sorties cinéma. On peut donc voir le streaming comme le cousin de la télévision qui doit prendre le temps de se développer pour être mieux encadré.
Aujourd’hui, de nombreuses plateformes et chaines de télévisions ont un catalogues de plus en plus pointu en matière de cinéma ce qui nous a permis de nous consoler avant la réouverture des cinémas prévue en janvier. Cette année, le calendrier de l’avant aura donc la double tache de nous faire patienter avant Noël et avant le retour du cinéma!