Fin février, le collectif La Rennes des Voyous dévoilait La House Rennaise, une compilation réunissant les producteurs locaux autour d’un projet artistique et solidaire. Une balade à la découverte de la capitale bretonne proposée au fil des 13 titres qui composent la tracklist d’une house music plurielle. En reversant l’intégralité des bénéfices à l’association Utopia 56, La Rennes des Voyous s’inscrit dans une dimension engagée et s’emploie à faire bouger les lignes. Nous avons rencontré Théotime, co-fondateur du collectif, pour échanger à propos du projet, des enjeux solidaires liés à une telle dynamique et de la scène rennaise.

Crédits photo : Martin Rose – Roseau Studio

Propos recueillis par Anna Le Gallou

Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter et présenter le collectif ?

« Je m’appelle Théotime, j’ai 27 ans et je suis conseiller en insertion professionnelle. Autrement, je suis co-fondateur de l’Association La Rennes des Voyous depuis 2016. On a commencé à 4 et aujourd’hui on est 8 voyous basés à Rennes. Au départ DJs, le collectif s’est construit autour des musiques électroniques avec la volonté des voyous de partager leur goût pour la musique : disco, funk, soul, etc.  On souhaitait présenter tout ça à nos amis, à notre entourage donc on a commencé à faire des soirées, à jouer dans des bars à Rennes. Petit à petit, l’association a grandi : émission de radio, séries de podcasts, projet de festival solidaire. »

Vous avez lancé un Volume 2 du projet La House Rennaise au profit de l’association Utopia 56, est-ce que tu peux nous parler un peu de ce projet et de l’asso ?

« Ce projet de compilation a commencé pendant le tout premier confinement, en avril 2020. J’avais déjà en tête de faire une compilation car personnellement je suis un grand fan de house music, un des courants de la musique électronique. Je savais qu’à Rennes, le son très en vogue c’est la techno, il se fait de très belles choses en la matière et je trouvais que la house était un petit peu en retrait. Il y a beaucoup de producteurs qui évoluent dans cette veine house et avec La Rennes des Voyous on avait toujours à cœur d’adopter une démarche caritative envers la question migratoire. Je me suis donc lancé dans ce projet de La House Rennaise au sein de l’Association. Comme je suis DJ depuis 7 ans  et que je connais bien la scène rennaise électronique, j’ai contacté les producteurs dans ce style-là et ils ont répondu présents sur une base volontaire.

Ce projet fait donc intervenir un panel d’acteurs de la culture électronique rennaise : un graphiste a créé les visuels (martin rose) et un ingénieur du son s’est chargé de retravailler les sons avant la sortie (l’artiste Blutch).

On avait déjà rencontré Utopia 56 en novembre 2019 lors d’un événement, c’est donc naturellement que je les ai contacté pour leur parler du projet. C’est une association nationale avec plusieurs antennes en France, l’antenne de Rennes agit beaucoup en faveur des mineurs non reconnus comme tels en les accompagnant sur plusieurs plans. Ils organisent aussi des maraudes pour venir en aide aux personnes exilées et aux personnes de la rue. Depuis le premier confinement, l’association ne cesse de grandir car les besoins se sont multipliés. »

La publication du Volume 1 avait permis au collectif de récolter 800 € au profit d’Utopia 56. Un volume réalisé en l’espace de deux semaines seulement et très bien accueilli par le public, local majoritairement. Pour cette édition, l’équipe entend toucher un plus large public et dépasser les frontières bretonnes grâce à une couverture médias plus importante que pour le premier opus.

Pourquoi c’est important de soutenir une telle cause aujourd’hui ?

« La situation migratoire en France est assez désastreuse dans le sens où elle n’est pas du tout prise en charge. Ce sont des associations qui œuvrent dans ce domaine et elles ne sont pas du tout aidées par l’Etat. Il y a énormément de violences envers les personnes exilées, de démarches administratives qui leur sont délicates à atteindre, de flou administratif de manière générale. Quand tu vois dans certains camps, comme à Calais aujourd’hui, où on empêche une journaliste de filmer des policiers qui détruisent ces camps. Cela renforce l’image du migrant qui n’est pas le bienvenu. C’est pour tout cela qu’on souhaite venir en aide à ces personnes en réelle difficulté sur le territoire français. »

Qui sont les artistes qui ont participé au projet ? Comment tu as réussi à les mobiliser ?

« Alors certains font partie de mes amis, dont un par exemple est un voyou (Jilo). Sinon ce sont des personnes qu’on croise souvent sur Rennes lorsqu’on joue dans des bars ou en festival, ou avec qui on est en contact via d’autres associations. En creusant un peu pour réaliser ce deuxième volume, j’ai découvert beaucoup d’artistes et de personnes qui évoluaient dans ce courant. »

La scène rennaise est hyper prolifique, est-ce que tu peux nous en parler un peu ? Est-ce que cette idée de projet commun est une dynamique récurrente ?

« Il y a plusieurs labels à Rennes qui montent, axés techno notamment, avec lesquels se développent une démarche collaborative et inter-associative pour mettre en avant ce qui se fait sur le territoire. Ces projets naissent des affinités qui se créent au fil des rencontres lors de soirées et petit à petit on crée un maillage où beaucoup d’acteurs du milieu se connaissent.

Le confinement a encouragé les artistes à se tourner vers d’autres manières de promouvoir leur travail : produire des podcasts, sortir des morceaux sous un label… Il y a une belle émulation de la scène à Rennes qu’elle soit techno, house ou peut-être même disco pour certaines associations comme la nôtre. En termes de labels, on peut parler de Electronic Consortium , Human Disease Network ou TXTR Recordings. De beaux projets se mettent en place. Je pense par exemple à Turtle Corporation qui a lancé les formats audiovisuels Carapace avec des producteurs du territoire.  En l’espace d’une heure, les artistes créent un morceau. Ça permet de mettre en avant la scène et les artistes d’une nouvelle manière. »

Vous aviez un projet de festival Groove De Jour, Amour Toujours qui devait se tenir fin août au parc des Gayeulles de Rennes, comment vous avez vécu cette annulation ?

« L’idée de faire un festival nous trottait dans la tête depuis un petit moment. En septembre 2019, on était dans une dynamique générale où on avait les moyens humains pour y arriver. On s’était mis d’accord sur plusieurs  piliers sur lesquels on voulait fonder le festival : une proposition artistique éclectique soul, funk, disco, musique électronique avec des groupes et des live band dans un lieu adapté comme le parc des Gayeulles, la cause solidaire bien sûr et enfin la démarche locale en termes de partenaires (restauration et boissons). »

Malheureusement annulé à cause de la situation sanitaire, l’événement devait accueillir 4000 personnes sur 2 jours au parc des Gayeulles à Rennes en août 2020. Une édition 2021 n’est pas envisagée par l’équipe car trop risquée.

Quelles sont vos perspectives pour la suite ?

« On vient de nous proposer une résidence sur une nouvelle radio pour faire des podcasts de musique donc ça c’est cool, ça nous remotive. Sinon on a toujours en tête de créer un label. Il y a pas mal de projets individuels au sein du collectif puisque c’est un vivier artistique riche avec des graphistes, de la production, des DJs. »

Le projet La House Rennaise se déploie donc au-delà de la métropole rennaise et prouve une nouvelle fois la portée fédératrice de la musique et l’engagement de ses acteurs.

Pour finir, on vous laisse avec la recommandation musicale de Théotime :

Si vous souhaitez acquérir la compilation La House Rennaise  – Volume 2 et apporter votre petite pierre à l’édifice c’est par ici.  Vous pouvez suivre La Rennes des Voyous sur Facebook  et sur Instagram.

Enfin, si vous voulez suivre les actualités de l’antenne Utopia 56 Rennes, RDV ici.