De Kid’s Riot à Jane’s Death et la sortie de l’album « A Story of Love », Lucas Martinez (chanteur du groupe) retrace avec nous l’histoire un peu spéciale du premier album de son groupe. Un album qui nous entraîne sur les traces de Jane, le personnage imaginaire créé par le groupe et inspiré par la célèbre photographie de Marc Riboud « La jeune fille à la fleur ». Un album explosif et envoutant, à écouter d’une traite pour embarquer aux côtés de Jane dans un voyage hypnotique.
Propos recueillis par Edwige Chauvière
Est-ce que tu peux me présenter le groupe et les membres ?
À la base le groupe c’est Luka Bertolino et moi (Lucas Martinez) les deux guitaristes principaux. On est de la Bouilladisse, c’est un petit village à 40 km de Marseille.
On a commencé à jouer de la musique ensemble en 2013 et très rapidement on a intégré Paul Camau qui est un autre guitariste. Le groupe à la base s’appelait Kids Riot, on a sorti deux EP en 2013 et 2015, et là on avait fait un peu le tour du projet qui était plutôt acoustique. On a un peu durci le ton avec des guitares électriques et on a fait rentrer dans le groupe Matthieu Aimon, le batteur et Marine Sahakian à la basse et c’est avec cette formation là qu’on a enregistré l’album de Jane’s Death.
Au-delà du changement d’esthétique, pourquoi choisir Jane’s Death comme nom de groupe ?
Kids Riot on trouvait que ça faisait un peu trop enfantin, et c’était un nom qui était déjà beaucoup pris, donc c’était pas très original. Jane’s Death ça n’existe quasiment pas et c’est un des titres de l’album. À la base ce titre vient avant le nom du groupe, on l’a écrit quand on était encore Kids Riot et quand on a terminé d’écrire l’album et qu’on a enregistré on trouvait ça vachement cohérent de s’appeler Jane’s Death parce que ça faisait écho à tout ; à l’histoire de l’album, à la thématique de Jane. Même le côté un peu tragique à la fin où elle meurt, on trouvait ça assez esthétique et dans l’air du temps.
C’est quoi l’univers du groupe et les influences ?
Le guitariste, Lucas lui il est plutôt branché Joy Division, Neil Young, et Led Zeppelin aussi.
Moi j’ai plus tendance à être attiré par les musiques un peu plus modernes du style The Hives, Franz Ferdinand ou David Bowie.
Et les autres membres du groupe ils ont un côté un peu plus hardcore, indie et noise comme My Bloody Valentine, du shoogaze, et tous les groupes de rock du style Les Clash. On baigne dans cet univers-là. Quand on a enregistré l’album on était à fond sur le mouvement shoogaze et on écoutait à fond My Bloody Valentine et Slow Dive.
C’est vrai que l’enregistrement de l’album on l’a fait en 15 jours et quand t’es inspiré dans cette période-là ça a beaucoup d’écho sur ce que tu vas enregistrer, ton album il va forcément sonner un peu comme ça.
Le facteur principal de notre musique c’est de transmettre une émotion, un côté un peu instinctif. On ne réfléchit pas, on prend nos guitares et on se lance. C’est presque une transe.
Comment est-ce que vous écrivez vos morceaux qui sont tous très évolutifs avec des belles montées en puissance ?
C’est pareil que pour la compo, tout vient vraiment au feeling. Ce qui se passe en général c’est qu’on joue pendant une heure et dès qu’il y a un moment qui commence à être intense on garde ce moment-là. Je commence avec juste des cris, comme des mots scandés avec le micro, et un son saturé. En écoutant les meilleurs moments ensuite, et même si je chante en yaourt, je rajoute des mots derrière ça et on écrit les textes comme ça juste après.
Vous avez un univers graphique très marqué, comment vous l’avez travaillé ?
On est fans d’astronomie Lucas et moi, et on écrivait beaucoup les chansons le soir en regardant un peu les étoiles avec le télescope. Pas mal de chansons ont été composées pendant ces soirées-là. Le thème un peu spatial c’est quelque chose qui nous plait.
L’esthétique visuelle elle est liée à nos concerts où on se déguise en soldat et où on se maquille un peu, on voulait garder ça. L’idée c’était de faire un clin d’œil entre l’astronomie, nos concerts et l’histoire.
On a fait appel à un graphiste qui s’appelle Elzo Durt, il est Belge. Il utilise des gravures du 18ème, il fait des compositions et il les assemble sur Photoshop. On l’a contacté et on lui a laissé plus ou moins carte blanche. On voulait qu’il y ait la jeune fille sur la photo, Jane, et on avait dit qu’on voulait aussi un soldat et ensuite il a tout fait tout seul.
L’album est inspiré de la photographie de la jeune fille à la fleur Jan Rose Kasmir, photographiée pendant les manifestations contre la Guerre du Vietnam aux USA dans les années par Marc Riboud. C’est un symbole de tout une époque. Pourquoi partir de cette photo ?
C’est une photo qui est très forte, avec beaucoup de signification. C’est la force d’une image. C’est un peu le hasard, mais c’est comme ça que les choses se créent. Cette photo elle est tombée du ciel au moment où on était en train de composer et nous les artistes on a besoin d’être inspirés par tout ce qui nous entoure. On est tombés dessus et on a imagé le truc, on a commencé à écrire des textes en parlant de cette photo.
C’est l’histoire de la personne sur la photo ou c’est juste un point de départ ?
La photo c’est le point de départ, c’est le point d’inspiration pour le texte. À partir de là on a brodé autour de cette chanson, d’autres chansons qui n’ont rien à voir avec la photo : on ne parle pas de la guerre du Vietnam ni de Jan Rose Kasmir.
En fait on a créé un personnage qui s’appelle Jane, inspiré de la photo parce qu’elle s’appelle Jan Rose et nous notre personnage c’est Jane. Donc c’est un personnage imaginaire. Au travers des textes, elle revient. C’est elle la protagoniste, c’est elle quand on dit « she ».
En tout cas ce n’était pas une envie au départ de faire une histoire, c’est venu en rédigeant, c’est du puzzle. Il faut laisser l’imaginaire parler.
Jan Rose Kasmir parle sur le morceau Story of Love, elle vous a écrit un poème. C’est quoi l’histoire de cette rencontre complètement folle ?
On avait sorti notre premier EP avec la photo originale en pochette d’EP. Marc Riboud le photographe est décédé entre temps, et donc on a fait un hommage sur YouTube avec la chanson Jane et la photo en question. Jan Rose Kasmir qui habite aux USA est tombée sur notre hommage et elle nous a contacté par le biais des commentaires YouTube pour nous dire qu’elle adorait la chanson. De là on a commencé à avoir des échanges par mail. Nous on était surpris, c’était fou. On ne savait même pas qu’elle était encore vivante, on pensait qu’elle était super vieille et qu’elle n’avait même pas internet, et en fait elle est super active sur les réseaux sociaux. Donc on est restés en contact et ça s’est arrêté là au début.
Quand on a décidé de sortir le disque, en vinyle et de vraiment le finaliser, je trouvais qu’il manquait un titre, et un moment pour s’échapper, un titre inédit et frais. On avait ce titre Story of love avec juste cette phrase et le riff. J’ai contacté Jan et je lui ai dit ça serait cool que tu participes. Elle a écrit un texte et elle l’a enregistré avec son téléphone et je l’ai calé en rythme avec la musique. On avait envie de finir en beauté avec un featuring un peu original.
Le clip de Story of Love est sorti le 1er mai, avec une ambiance de film des années 30. Qui l’a réalisé ?
C’est nous-même. On a pris des images d’un film qui s’appelle Extase et qui date de 1933 (Gustav Machaty), on a pris des images de ce film, on a découpé des séquences qui nous plaisaient et on les a montées pour faire un fil conducteur. En parallèle, on a tourné des images avec nos caméras dans la forêt et on a gardé le même format avec le noir et blanc et le côté carré.
C’est un film très controversé parce que c’est un des premiers films au monde où il y a eu une grosse censure à cause de scènes d’orgasme, c’était trop violent à l’époque. Le film a été interdit aux États-Unis, et un peu partout, et le réalisateur a brûlé toutes les bandes, mais il restait quelques archives.
Nous ce qui nous intéressait c’est que la musique et l’image faisaient vraiment un, et on racontait vraiment une autre histoire.
Est-ce qu’il y a d’autres projets de clips à venir ?
Il y a un clip qui va sortir le jour de la sortie de l’album, sur le titre Inside It. Ca sera un clip très coloré, absolument à l’opposé de A Story of Love, avec beaucoup de couleurs très psychédéliques. Un mix d’images qu’on a tournées nous, et des images d’archives et qui sera beaucoup plus rock dans l’esthétique.
À court terme il y en aura d’autres bientôt, et peut être un projet d’aller à Washington, qui sait ?
Si tu devais raconter l’histoire de Jane, la protagoniste de l’album, ça donnerait quoi ?
Son histoire c’est qu’on se retrouve dans un monde qui ne tourne pas vraiment rond, c’est assez actuel, et elle recherche juste de l’amour et de la liberté. Information Off par exemple, c’est de dire arrêtez de regarder les infos et la télévision parce que ça part trop en couille. Après elle tombe amoureuse de ce soldat et en fait elle décide de partir avec lui en quête d’un monde meilleur et de s’évader de tout ça. Pour s’évader, il n’y a pas 46 solutions, elle part en voyage sur l’océan avec le titre Island, ils partent s’isoler sur une île. Et c’est pas suffisant donc ils prennent des drogues, il y a aussi un voyage mental. Cet album c’est une échappatoire, c’est une bouffée d’air. ça représente l’adolescence, le passage à l’âge adulte.
Et on termine par des chansons qui parlent un peu d’espace avec Milky Way et Jane’s Death, parce qu’en fait ils terminent dans l’espace, ils font un voyage cosmique, qui peut être un voyage de trip psychédélique.
C’est une grosse évasion et une histoire d’amour sur une planète qui ne tourne pas rond.
Vous partez d’une image profondément ancrée dans le passé mais l’histoire de Jane résonne beaucoup dans notre présent. Votre inspiration elle vient du présent ou du passé ?
Du présent clairement. C’est inspiré de nous aussi, de ce qu’on vit tous les jours. On regarde plus vers le futur que vers le passé. On décrit un monde qui n’est pas vraiment une utopie et il faut qu’échapper de ce monde-là. Et la musique elle est là pour ça aussi pour s’évader.
C’est quoi vos projets pour le futur ?
On aimerait caler des dates de concert pour la rentrée, on veut remonter sur scène et jouer l’album sur scène.
Le vinyle est disponible à ce lien.
Vous pouvez retrouver Jane’s Death sur Facebook et Instagram.