Pour ces deux mois brûlants de l’été, Mauvaise Graine magazine s’est glissé dans les valises de vos artistes préférés pour parler vacances et détente. On a donc reconstruit notre format “Dans la tête de…” pour ce break estival. Tous les jeudis de juillet et août, retrouvez donc des artistes qui vont vous faire danser dans la chaleur torride de l’été. On continue notre voyage musical dans les confins de l’électro pop avec rA, chorégraphe, compositeur, enseignant-chercheur et dresseur de souris. Vous pouvez retrouver ses deux premiers albums (Pour faire jouer les rats et Mes peluches sont belles) avant d’embarquer vers d’autres aventures…
Propos recueillis par Eva Darré-Presa
Salut Roméo ! Tu fais quoi cet été ?
Salut ! Cet été je lis, je mange, je bois, je joue, je compose, et j’assume plus encore l’idée que nous allons tous mourir, que nous allons tous avoir très mal.
Le meilleur endroit pour aller nager sans que le morse s’approche ?
Le morse dont je fais mention dans mon titre Swimming ? Il nage dans toutes les eaux. Il cherche. Il veut aimer sans retour. Recouvrir de sa chair et de ses désirs celle ou celui qui croise son chemin. Le rencontrer, c’est inévitablement suffoquer sous le poids de son amour. C’est triste mais extrêmement banal quand on y pense. Faire souffrir avec l’intention de faire le bien. Toutefois, il existe un lieu magique qu’il ne visite jamais : la dernière piscinette gonflable de chez Lidl « le monde la jungle ». Cet espace magique garantit une maximum de sécurité car aucun amour ne peut s’y déployer.
Un film à regarder à 3h du matin en rentrant de soirée ?
Chromosome 3 de Cronenbebrg.
Le hit qui doit passer passer à la guinguette du village au moment du troisième pastis ?
J’hésite. Je n’aime pas trop imposer de musique. C’est un véritable travail qui nécessite beaucoup de rigueur et de sensibilité. Je préfère suivre et râler quand le titre est mal choisi. Mais si on m’obligeait à choisir, je tenterais en toute humilité Encore une fois de Sash. Un flop dont je me délecterais certainement.
L’endroit le plus insolite où tu aimerais aller ?
Je ne sais pas si ça répond à la question mais je rêve, pour les concerts de rA, d’espaces pourvus de dispositifs scénographiques et technologiques élaborés. Je rêve d’une ouverture qui me permettrait d’arriver en volant, d’une gigantesque colonne d’or qui fonde et révèle les corps de 60 danseurs, d’hologrammes à mon effigie qui satureraient le plateau au point de devenir un paysage de chair, de chorégraphies live sous-marines, d’une coline géante au sommet de laquelle un arbre au rat pendu s’embraserait et dont la fumée et les flammes se teinteraient de vert. Voilà ! Sinon j’aimerais aussi visiter la maison de Britney Spears. Particulièrement sa cuisine, son frigo.
Trois chansons qui composent ta playlist de l’été ?
- Euro trash girl de Chicks on Speed
- Porque te vas de Jeanette
- Gasoline de Las Aves
Trois personnes avec qui partir en résidence tout l’été pour monter le meilleur spectacle ?
D’abord il y aurait Natacha Veibert, mon amie fée des viandes qui m’accompagne en chant et en danse sur scène depuis le commencement. Ensuite, pour l’élaboration d’un culte, je pense qu’il me faudrait demander à Mokk, le dieu des rats qui parle à travers moi pour que triomphe la vermine, d’éliminer deux de mes cultistes gesticulateurs : Corentin Le Flohic, Garance Bréhaudat, Alessia Pinto, Johann Nöhles. Ces adeptes originels se valent en dévotion et en génie. Ils finiront, je l’espère, par s’entretuer pour que s’accomplisse la prophétie. Mokk encourage cette saine compétition en tout cas.
L’album à écouter au réveil autour d’un petit dej au retour de la boulangerie ?
Sans vouloir paraître trop distant, les Opus 117 et 118 de Johannes Brahms que j’adule depuis toujours. Plusieurs interprétations rivalisent. J’apprécie particulièrement les enregistrements de Philippe Cassard, de Piotr Kaminski ou encore Bertrand Dermoncourt. Il y a aussi la totalités des sonates de Scarlatti. Dans tout les cas cela ira très bien avec un croissant au beurre et un café.
L’écrivain.e avec qui discuter autour d’un verre, les jambes dans la piscine ?
P. Lovecraft ou Vladimir Sorokine. Je pense qu’on rigolerait bien.
Le personnage de film qui incarne le mieux tes vacances ?
Je ne comprends pas bien la question. Mais, pour l’avoir revu il y a peu, j’ai une certaine fascination pour le personnage de Bervely Sutphin, somptueusement incarnée par Kathleen Turner dans Serial Mother de John Waters. Beverly tient au respect de certaines règles et tue ceux qui désobéissent . Elle transgresse donc elle-même des principes moraux plus fondamentaux. Je pense en particulier à la scène du meurtre de Madame Jensen qui, alors qu’elle regarde chez elle la comédie musicale Annie se fait assassiner à coups de gigot d’agneau parce qu’elle n’a pas rembobinée la cassette qu’elle avait précédemment emprunté au vidéoclub. En un sens que je trouve terrible et drôle à la fois, Mme Sutphin travaille sans relâche. Elle n’est jamais en vacances. Elle doit sans cesse maintenir le cadre moral au sein duquel elle évolue tout en réfrénant ses pulsions immorales.
C’est quoi tes plans à la rentrée ?
Le dernier culte, associé à mon second album a été présenté en avril dernier, juste avant la réouverture, au Pavillon Villette de Paris. Très attaché à mon indépendance en musique et sur scène, j’aimerais à présent pouvoir le diffuser. C’est une forme terrible et hilarante assez complète que je consacre une nouvelle fois à la fin des temps. J’adore la scène. Je souhaite de tout cœur la retrouver. Je recherche donc activement des occasions de jouer. Ensuite, après Pour faire jouer les rats en 2019 et Mes peluches sont belles en 2021 (mon nom de scène étant trop générique, les noms de mes albums restent un bon moyen de me retrouver sur les plateformes. J’aime bien cette idée d’ailleurs), je vais également me plonger dans la genèse d’un troisième disque. J’écris beaucoup donc. Et je puise également dans les chansons que j’ai composées dans mon adolescence pour que s’élabore une eschatologie festive. J’obéis.