À l’occasion de la sortie du clip Falling In Love (feat Tina Rozen) de LaFrange, ce 17 juin, MaG a rencontré cette jeune artiste autoproduite, authentique et prometteuse. Cette réalisation signe ainsi le dernier chapitre de son EP Everything’s Fine, paru en janvier dernier. Compositrice, autrice et interprète, cette amoureuse des mots nous invite dans un univers onirique, romantique et teinté de mélancolie, à travers une esthétique indie-folk et lo-fi. Elle a la frange bien lissée, le sourire sur le coin des lèvres, la voix douce et surtout plein de choses à raconter : découvrez ce qu’il se passe dans la tête de LaFrange, ou, de son vrai nom, Zoé Seignouret.
Propos recueillis par Léa Pruvoost
Ton mot préféré
« Bateau ». Pour le côté cliché, un peu niais et surtout le rapport à la mer.
La couleur de ta musique
Du coup, le bleu. Ce n’est pas du tout ma couleur préférée mais elle représente l’immensité, la nostalgie et la mélancolie. Trois notions qui s’accordent bien avec ma musique.
La B.O de ta vie
L’album Virgo Indigo de Fog Lake. Ce sont des morceaux assez introspectifs, lo-fi, qui donnent cette impression d’être enregistrés dans une cave. C’est notamment cet album qui m’a donné envie de faire de la musique.
Tes sources d’inspiration
L’amour, la haine et mes lettres (d’amour ou de haine). J’interprète mes carnets griffonnés de souvenirs, de regrets et de déclarations. Ce sont des textes que j’avais écrit entre mes 15-25 ans.
Il y a aussi une phrase de Nico dans sa chanson « These Days » qui m’a marquée. Elle dit, de façon très sarcastique, « j’avais un amoureux, je ne suis pas sûre de réitérer de sitôt ». Un versant amer du romantisme et en même temps très fleur bleue, le chagrin et l’expérience. Et c’est ça aussi dans ma musique : je m’inspire beaucoup de mes propres histoires sentimentales. Je me raconte et j’en rajoute aussi, avec ce côté dramatique.
Le personnage le plus mélancolique que tu aies découvert dans un livre
L’enfant narrateur (il n’a pas de prénom…) dans le livre En attendant Bojangles d’Olivier Bourdeaut. Le récit est écrit de façon très naïve, enfantine du coup : entre admiration et incompréhension.
La dernière fois que tu as pris ta guitare
Le week-end dernier et sûrement demain.
Ta comédie musicale préférée
God help the Girl, une comédie musicale réalisée par Stuart Murdoch. Ce dernier est notamment le chanteur et fondateur du groupe Belle and Sebastian. Et c’est l’histoire d’une fille qui a une frange et qui fait de le musique (comme moi quoi).
Une adresse secrète à Paris
Alors, elle n’est pas trop secrète mais j’adore le Belvédère de Belleville, je m’y rends souvent !
La chanson qui te fait pleurer à tous les coups
Colorblind de Counting Crows. Je l’ai découverte avec ma première peine de cœur et elle est restée.
Ta madeleine de Proust
La série Scrubs. Pour l’humour, la tendresse, le romantisme, la légèreté…
Et parce qu’on est curieux…
Qu’est-ce qui te pousse à écrire et à composer ? Quel est ton « déclic » créatif ?
Alors, je dirais qu’il y a deux déclics. Le premier c’est mon angoisse : je ne peux pas ne rien faire. Du coup, dans ce cas-là, je m’enferme et je vais « me forcer » à créer des choses. Ce n’est pas l’idéal, mais je vais être productive. Puis, je vais trier les textes à garder de ceux à jeter.
Le deuxième déclic, un peu plus créatif, est la lecture de mes journaux intimes, brièvement évoquée précédemment. Je vis beaucoup dans le passé et à un moment j’écrivais régulièrement aux autres, mais aussi à moi-même. En mode « ne refais pas les mêmes erreurs ». Et ça m’inspire beaucoup, alors je retravaille mes textes et les romance parce qu’ils sont, de base, remplis d’amertumes, très bruts et écrits à l’instant T. Lire ces souvenirs « arrachés » me donnent envie de les faire « revivre » et de les rendre, d’une certaine manière, intemporels, parce qu’encore aujourd’hui je vis des situations similaires.
À travers les paroles comme les clips, tu nous proposes donc un voyage à la fois dans le temps, ton temps, et ton intimité, même si elle est un peu romancée. Est-ce important selon toi, de partager un peu de soi dans ses chansons ?
Pour moi, c’est fondamental. On est toujours plus touchant quand on est soi-même. Certes, ça peut déplaire à certains, mais je trouve que dans la musique – et même la vie en général – ça se voit quand quelqu’un est vrai, brut et sincère. Qu’on aime ou pas, qu’on soit à l’aise ou pas, des paroles personnelles ont toujours plus d’impact.
C’est comme lorsque l’on rencontre une personne pour la première fois. On peut jouer un rôle ou être spontané.e, et la décision se ressent. Dans la musique, c’est la même chose. Surtout que c’est le terrain idéal pour s’exprimer et être soi-même, sans contrainte. C’est une échappatoire, un remède en quelque sorte, surtout quand les choses ne vont pas. Puis, il y a aussi ce côté où l’on va transformer quelque chose de moche en beau, qui est prenant.
Peux-tu nous parler de ton EP Everything’s Fine ?
Cet EP est très personnel. C’est notamment la première fois que j’ai le lead sur la totalité de la composition et de la production. Et pour cette dernière tâche, j’étais bien entourée. Il a notamment été produit à l’aide de Tina Rozen, Simon Blévis et Carlos Popoulos.
Composé de « chansons de chambre », il peut être associé à un témoignage riche et surtout nostalgique. Il n’y a pas de fil conducteur entre les différents titres, chacun a son sujet : tantôt je vais parler d’un amour de vacances ou d’une peine de cœur, tantôt de sujets plus sociétaux comme le harcèlement ou les agressions. D’ailleurs, c’est pour ça que l’EP s’appelle Everything’s Fine : c’est un titre sarcastique, un pied-nez au « ça va ». Dire que « tout va bien » est une formule parfois utilisée pour ne pas déranger les autres, pour ne pas prendre trop de place… La société a aussi des mauvais côtés mais on les passe sous silence. C’est pourquoi le titre est assez évocateur et me semblait pertinent : il a plusieurs lectures.
Tu nous livres six titres poétiques et authentiques. Y-a-t-il un morceau que tu chéris particulièrement ?
Everything’s Fine est sans doute le morceau le plus important de l’EP. C’est aussi pour ça qu’il porte son nom : le thème est fort et j’ai d’ailleurs longtemps hésité avant de l’aborder. Parce que j’avais peur, tout simplement. C’est bien là le problème d’ailleurs.
Toutefois, celui que j’aime le plus c’est « Old Song », le « mal-aimé » de l’EP. Pourquoi ? Car c’est vraiment une chansonnette pour laquelle je ne ferai jamais de clip. C’est sans doute la plus personnelle, la plus intimiste. Elle me fait penser à une boite à musique : la chanson légère et retrouvée. Puis, je joue de la guitare dessus, mais mon jeu est assez maladroit. Avec l’équipe on était en mode « allons au bout de la chanson de chambre ».
Tu as collaboré avec différents réalisateurs pour tes clips rétros. Dirais-tu que la richesse de ton univers vient aussi de ces nombreuses rencontres ?
Complètement ! Même réalisé dans la simplicité, c’est important de souligner que cet EP existe grâce à mon équipe. Une équipe d’ami.e.s.
À titre d’exemple, Horty Piquante a notamment réalisé le clip de Stockholm avec des couleurs très saturées. On est amies depuis longtemps, on était à la même école, on réfléchissait ensemble sur nos différents projets. Elle voulait faire de la photo et moi de la musique. Puis, on a fini par vraiment travailler ensemble, les choses se sont concrétisées.
Généralement, je laisse carte blanche aux gens avec qui je travaille, pour qu’ils combinent justement leurs univers au mien. C’est une chance d’être bien entourée, d’être complémentaire et d’avoir matière à créer. Je me souviens que Quentin Pépion, qui a réalisé le clip de Nightmare, s’est emballé à un moment, mais bon on avait aussi des contraintes et nos attentes respectives. On a finalement trouvé des compromis. Pour décrire un peu son style, il est beaucoup inspiré par le cinéma français, les films indépendants et la ville de Paris.
C’est Léo Adrover qui a réalisé les clips de These Day et Everything’s Fine. J’ai vraiment eu de la chance de travailler avec lui, car c’est vraiment son métier : il est réalisateur-monteur. Pour le coup, c’est quelqu’un que j’ai rencontré sur les réseaux.
Enfin, c’est Tina Rozen, qui a réalisé le clip Falling In Love.
Falling In Love signe justement le dernier chapitre de ton EP Everything’s Fine. Il est donc réalisé par Tina Rozen, dans lequel elle chante également, et le clip est en ligne. Peux-tu nous parler de cette collaboration en particulier ?
Tina Rozen, c’est un peu la fille à quatre mains. Pour reprendre les propos de Chloé Crozat dans le Fanzine Lipsum : « En fait, tu peux dire « J’aimerais bien avoir quelqu’un pour réaliser un clip » ou « J’aimerais bien trouver une batteuse pour mon groupe » (…) la réponse sera la même, elle lèvera la main en disant « moi » alors que tu ne l’avais jamais vue avec une caméra ou des baguettes dans la main auparavant. »
Elle produit, elle réalise, elle prend les photos et elle chante ! Bref, elle sait tout faire. Elle chante notamment la dernière phrase de « Falling in Love ». Et je trouvais ça intéressant de voir la caméra dans un « autre sens ». Pour un peu contextualiser (et spoiler), elle se tourne vers moi et me questionne, après que je l’ai accusée de ne pas se mettre à ma place et de voir les choses à ma manière. Pour l’anecdote, j’avais envoyé à Tina, une vieille maquette et elle m’a renvoyé une prod trop cool. C’était impossible que je sorte mon EP sans elle et je lui ai demandé de la chanter avec moi. Puis, pour aller au bout des choses, elle a souhaité réaliser le clip.
Quels sont tes futurs projets ?
Je suis actuellement en train de finaliser la suite de l’EP, la « phase B », pour sortir par la suite un album. Et pourquoi pas en format cassette !
Pour découvrir la totalité des clips de l’EP Everything’s Fine de LaFrange, rendez-vous sur sa chaîne YouTube !