Requiem for a dream, Las Vegas Parano ou encore Pulp Fiction, nombreux sont les films où les drogues coulent à flot. Échappatoires pour personnages désemparés, qu’elles soient à piquer ou à sniffer, avec les prises de substances illicites le cinéma réalise les pires fantasmes de la réalité en entraînant les (anti) héros dans des spirales infernales où la rédemption semble être une lointaine espérance. Qu’on suive les périples d’un dealer, la descente aux enfers d’un mauvais lieutenant ou des histoires sans lendemain de junkies, c’est par l’image que l’on vous propose aujourd’hui d’échapper au quotidien. 

Smiley Face de Gregg Araki

Article collaboratif

Smiley Face, Gregg Araki (2007)

Moins transgressif que ses précédents films mais tout aussi irrévérencieux, Gregg Araki revisite ici le stoner movie en y apportant une bonne grosse touche cartoonesque et en détournant les codes du genre avec une protagoniste féminine. Smiley Face suit en effet la journée chaotique d’une jeune starlette dont la carrière ne décolle pas, partie en plein bad trip après avoir englouti les space cakes de son coloc. Entre enchaînements psychés, chutes en tous genres et humour potache, le film est surtout porté par le potentiel comique de l’excellente Anna Faris (figure du genre depuis Scary Movie). En looseuse héroïque, tout ce qu’elle entreprend pour réussir ou bien réparer ses erreurs est voué à l’échec… qu’elle soit sobre ou blindée de drogues récréatives. Derrière cette comédie somme toute classique, le réalisateur fait le portrait d’une jeunesse américaine désenchantée et nihiliste, contemplant l’abîme aussi bien que l’abîme la contemple. Une thématique qu’il explore dans sa filmographie depuis son cycle “teenage apocalypse” dans les années 1990 (composé des films Totally Fuckep Up, The Doom Generation et Nowhere). 

Par Justine Bouchon

Scarface, Brian De Palma (1983) 

Classique me direz-vous, mais indémodable. Près de quarante ans après sa sortie en salle, le film où l’on prononce 226 fois le mot « Fuck » en près de trois heures continue de séduire. Peu importe les générations. Tony Montana, le principal protagoniste, en est l’explication : il s’agit d’un jeune immigré souhaitant intégrer la grande vie des trafiquants de drogue. Une histoire intemporelle, permettant ainsi au public de s’y identifier. Au début des années 1980, Tony Montana (Al Pacino) et son bras droit Manny Ribera (Steven Bauer) sortent d’une prison cubaine. Tous deux débarquent à Miami et fréquentent rapidement le haut gratin de la Mafia. Vite repérés, ils travaillent pour les plus grands mafieux et obtiennent ainsi leur confiance. Tony fonde à son tour son propre empire avec Manny, jamais bien loin. L’ascension est à son paroxysme : l’argent coûle littéralement à flot dans la baignoire, Tony épouse la femme de son boss, le tigre se pavane dans la maison… Mais attention à la chute Tony, car comme tu le dis si bien : « J’ai des mains faites pour l’or et elles sont dans la merde ». Si Scarface reste et restera un film culte, c’est pour deux raisons bien valables. Al Pacino livre ici une de ses meilleures performances dans sa carrière d’acteur, dominée par un regard fou et un charisme incongru. Le scénariste Oliver Stone dépeint dans Scarface la réalité de l’époque, soit une Amérique obsédée par la réussite et alléchée par le dollar. Le bijou de Brian De Palma, déjà remake du film du même nom réalisé en 1932 par Howard Hawks, pourrait voir à son tour un troisième remake, avec Michael B. Jordan pressenti pour reprendre les affaires de Montana.

Par Julie Guillaud

Mad Love In New-York, les Frères Safdie (2016)

Ce film, qui a mis plus de deux ans à parvenir dans nos salles françaises, a été acclamé par la critique, considéré comme le plus beau portrait de la communauté toxicomane de New-York depuis Panique à Needle Park de Schatzberg en 1971. Et pour cause. On y suit une jeune femme, Harley, survivant dans la jungle urbaine, et vouant son existence à Ilya, un jeune garçon profondément instable. Leur passion commune, dévastatrice, se structure autour de l’héroïne. Les réalisateurs ne tentent d’aucune façon d’esthétiser l’addiction, leurs acteurs, et encore moins la ville. Ils nous offrent un portrait brut d’une jeunesse en marge, à la dérive, qui peut s’effondrer à tout moment. Sur fond de musique techno et d’un montage haletant, on est pris dans cette course contre la montre, à la recherche d’une dose, à la recherche de l’autre. Le résultat est spectaculaire, et l’est d’autant plus placé dans la rétrospective de la genèse du film ; le personnage d’Harley, interprété par Arielle Holmes (que l’on aura ensuite vue dans le génial American Honey d’Andrea Arnold) a été façonné à partir de la vie de l’actrice, ancienne héroïnomane, que les réalisateurs ont rencontré par hasard dans Manhattan. Ils l’ont ensuite poussée à la rédaction de ses mémoires, et à jouer son propre rôle. Ce film, tourné à la manière d’un documentaire, nous donnant parfois le tournis, parfois la nausée, est majeur dans son portrait juste et non-surplombant d’une humanité parfois oubliée, souvent déshumanisée. 

TW suicide et pression psychologique 

Par Imène Benlachtar 

Inherent Vice, Paul Thomas Anderson (2014) 

Avec ce film, Paul Thomas Anderson (There will be blood, Magnolia), nous offre une nouvelle fresque des États-Unis comme il sait si bien les faire. A la fin des années 60, l’Amérique sort la tête de l’eau d’une période psychédélique, aux arrières goûts de sectes, de haines contre les “dirty hippies”, et de de violence – et la paranoïa règne en maître. Doc, détective privé, s’intéresse à la disparition d’un milliardaire à la demande de son ex-petite amie, et part sur ses traces dans des bordels au milieu du désert, dans des sectes festives, des cabinets de dentistes et des asiles de fous. Il croise sur son chemin de nombreux personnages tous plus loufoques les uns que les autres, du mélancolique et vulgaire détective Big Foot au musicien/policier infiltré sans oublier le dentiste/dealeur aux mains baladeuses. Le film se construit comme une épopée incompréhensible, bercée d’humour, de paranoïa et de non-sens, et le scénario lui-même semble évoluer selon les caprices de l’herbe que fume tant Doc. Joaquin Phoenix propose ici, à mon sens, le meilleur rôle de sa carrière, entre douceur et folie. En bref, un film psychédélique qu’il ne faut pas chercher à comprendre, et par lequel il faut se laisser porter, par les images, les jeux d’acteurs, et des répliques plus cultes les unes que les autres.

Bad Lieutenant, Abel Ferrara (1993)

Si vous aviez aimé Taxi Driver, vous allez adorer Bad Lieutenant. Porté par un Harvey Keitel magistral, le film raconte la descente aux enfers d’un flic new-yorkais accro à la drogue et aux paris (et peut-être aussi aux gros mots). Inspiré de l’histoire vraie du viol d’une religieuse dans une église d’East Harlem qui refuse de dénoncer ses agresseurs, Ferrara nous plonge dans un polar mystique où la rédemption semble être la seule échapatoire possible pour ce lieutenant corrompu. Mais essaie-t-il de la sauver, ou de se sauver lui-même des dettes dans lesquelles il s’est empêtré ? D’une réalité crue, le réalisateur fait de New York un terrain de jeu sauvage et sans pitié, dont les rues servent de chemin de croix à ce mauvais flic criblé de dettes, incarné par Harvey Keitel qui se donne corps et âme dans son rôle. Jamais on ne l’aura vu si physiquement investi dans un personnage. Scorsese dira même sur Bad Lieutenant, “C’est pour moi l’un des plus grands films qu’on ait jamais fait sur la rédemption… Jusqu’où on est prêt à descendre pour la trouver…”. 

Par Eva Darré-Presa