En préparant cette semaine autour des luttes pour les droits des femmes, certaines thématiques nous ont semblé évidentes et primordiales à aborder. Mais comment préparer une semaine autour de luttes féministes sans lier ce dit féminisme à de l’inclusivité par rapport au genre ? En tant que femme cis hétéro, il était bien plus évident de nous en tenir à ce que nous connaissions.
Article collaboratif. Merci à Laurie Panier pour son aide et ses conseils.
Nous ne sommes pas réfractaires à cette inclusivité, bien au contraire, mais nous ne sommes pas concernées. À partir de là, comment trouver cette légitimité de prise de parole sans pour autant prendre la place de celleux à qui elle appartient ? La réponse à cette question peut sembler évidente, et pourtant elle ne nous a pas tout de suite sauté aux yeux.
Et c’est là qu’est le problème. Comment déconstruire le genre, comment donner de la place et de la visibilité aux minorités de genre si on n’ose pas le faire, par peur d’être maladroit ou de viser à côté ?
Et bien tout simplement en laissant la parole aux concerné.e.s.
Nous nous sommes donc tournées vers Lexie qui tient le compte @aggressively_trans et qui vient d’écrire le livre Une histoire de genres. Voici donc les comptes instagram de personnes trans qu’elle nous recommande.
Mais pourquoi partager des comptes Instagram ? En plus de souhaiter donner de la visibilité aux minorités de genre, partager ces comptes permet aussi de changer le regard de la société sur les personnes trans. Depuis toujours, notre imaginaire a été nourri par une certaine construction sociale du genre dans la société occidentale capitaliste. Nombreux sont les films ayant pathologisé la transidentité, faisant d’un personnage masculin portant des attributs féminins un tueur en série, un fou, un dangereux psychopathe (Psychose d’A. Hitchcock, Le silence des agneaux de Jonathan Demme, Pulsions de Brian de Palma). Tipoui, militante transféministe sur Youtube, évoque d’ailleurs dans une vidéo introductive sur le ciswashing Le Silence des agneaux comme sa première confrontation avec une représentation transidentité dans le cinéma autour du personnage du tueur et souligne la dimension néfaste d’un tel imaginaire. Nous vous recommandons à ce sujet le documentaire ‘Disclosure’ sur Netflix qui donne la parole à de nombreu.se.s acteurices, producteurices et réalisateurices trans.
Les réseaux sociaux sont des espaces de militantisme forts où les minorités de genre ont créé la place que la société leur refuse afin d’exprimer leurs colères, leurs engagements, leurs luttes et leurs vécus. Il est nécessaire que de tels espaces soient à portée de clics, quand bien même les plateformes semblent enclines à les invisibiliser (avec par exemple la censure des corps). Suivre des comptes militants sur les transidentités, la non-binarité et d’autres identités de genres, c’est aussi prendre en charge sa déconstruction. Nombreux sont les comptes qui proposent du contenu pédagogique, parfois ludique ou même humoristique et il est important que chacun.e y cherche des informations que ces personnes concerné.e.s prennent du temps à publier, souvent de façon bénévole et en parallèle d’une autre activité. Ce sont des mines d’or dès que l’on commence à s’interroger sur le genre, sa diversité, les façons multiples qu’il a d’être incarné et vécu. En plus, il y en a pour tous les goûts : fin 2020, Lexie d’Aggressively Trans proposait d’ailleurs une sélection de podcasts, documentaires et séries autour des transidentités. Elle vient également de publier un livre, Une histoire de genres, aux éditions Marabout, qui se présente comme un guide pour comprendre et défendre les transidentités, à l’usage de toustes. Elle en a longuement parlé au micro de Lauren Bastide dans un IGTV disponible sur le compte Instagram de cette dernière.
Si vous commencez à vous intéresser à ces questions, des points de vocabulaire peuvent parfois vous manquer. Nous vous conseillons à ce sujet le très bon épisode “Les femmes trans sont des femmes” du (lui aussi très bon) podcast Camille, produit par Binge Audio. Il donne des clés éclairantes pour comprendre et déconstruire les préjugés autour de la transidentité et son exclusion d’un féminisme traditionnel, blanc et bourgeois. Grâce à la forme très pertinente des “non mais” (Petites phrases transphobes de personnes qui ne pensent pas l’être), l’épisode donne des arguments et des réponses clairs pour recadrer gentiment vos potes. Pour revoir les bases, vous pouvez également vous tourner vers la chaîne Youtube de Tipoui ! qui propose plusieurs vidéos de B.A-BA sur comment être un ou une bonne allié.e. Celle qui se définit comme “une meuf mignonne et rigolote” propose des formats courts, concis et efficaces.
Nous nous sommes également questionnées sur la représentation de la non-binarité dans la cause féministe. Après en avoir discuté avec une personne concernée, nous nous sommes rendus compte que la question de la non-binarité paraît exclue de la lutte féministe. Comment peut-on alors lui donner sa place ? A quelles intersections les minorités de genre se rejoignent-elles ?
Laurie nous donne son point de vue sur la question :
“Sur le sujet des droits des femmes et de la journée du 8 mars, on pourrait défendre que cela concerne finalement les personnes perçues comme femme dans notre société occidentale, incluant alors différentes identités de genre. J’ai beau être non-binaire, il n’y a pas un seul moment où on ne me perçoit pas comme femme dans l’espace public. Je suis traitéx comme femme dans la société, je vis le sexisme. En soit, la lutte anti-sexiste et les droits de la femme me concernent, puisque je suis catégoriséx comme tel par le regard extérieur, par l’administration. Certaines personnes trans et/ou non binaires revendiquent d’ailleurs cette identité dans la sphère professionnelle, ou politique ou autre. Iels reprennent cette position pour en faire un espace de lutte, d’engagement, de fierté. Chacun le ressent différemment, mais il me semble évident que les dénonciations du 8 mars ne peuvent concerner que les femmes cisgenres, que d’autres minorités de genre vivent sexisme et violences dû.e.s au cis-hétéro-patriarcat.”
Les recommandations de Laurie :
Ce qu’on aura appris en rédigeant cet article, c’est qu’il est important d’admettre qu’on ne sait pas et de donner la parole aux concerné.e.s. Il faut ensuite écouter ce que nous apprennent ces personnes pour s’éduquer, se renseigner, se déconstruire et se remettre en question. En bref, avoir une démarche active. Si vous souhaitez prendre la parole à ce sujet, n’hésitez pas à nous écrire.