Dans la grisaille d’un zoom en fin de journée, on a rencontré Barthélémy et Delphinius, l’infernal duo composant Bosco Rogers. C’est avec entrain et humour qu’ils balayent les limites imposées par les frontières entre la France et l’Angleterre pour produire un nouvel album disponible cet été, on l’espère. En attendant, ils reviennent avec deux single, Tiramisu et Polar Moves, tous les deux clipés par Victor Unwin. Entre le rétro kitch et la chaleur de l’exotica, il est certain que vous avez besoin de Bosco Rogers en attendant le printemps.
Propos recueillis par Eva Darré-Presa
Comment a commencé l’aventure Bosco Rogers ?
Barth : On s’est rencontré en Angleterre. Del est anglais, je suis français et j’avais l’habitude de traîner à Camden, à Londres. On s’est rencontrés parce qu’on est tous les deux musiciens et qu’on buvait des coups dans le même pub. On a joué et parlé musique, on a des amis en commun. J’ai découvert sa musique, il a découvert la mienne et on est tombés amoureux (rires).
Donc vous faisiez tous les deux de la musique avant de vous rencontrer ?
Del : Je faisais partie d’un autre groupe avant.
Barth : Le groupe de Del s’appelait The Candies.
Tu faisais aussi partie d’un groupe, Barth ?
Barth : Oui mais il portait mon nom parce que j’étais seul. Personne ne voulait jouer avec moi. (rires)
Comment est-ce que vous procédez pour écrire vos chansons ? Est-ce que vous avez déjà eu envie d’en écrire une en français ?
Del : Je pourrais essayer d’écrire en français mais ce serait très mauvais si je m’en occupais ! On écrit ensemble : l’un de nous a une idée, puis l’envoie à l’autre et inversement.
Votre clip Tiramisu réalisé par Victor Unwin (qui avait déjà réalisé ‘All Wet’) semble être un savant mélange entre un film des 70’s de Jodorowsky et un film de vacances. Est-ce que vous pouvez nous raconter l’histoire derrière votre clip ?
Del : C’est une bonne description, Jodorowsky rencontre John Woo, ou quelque chose du genre. C’est cool. On a confiance en Victor, c’est un peu le troisième membre du groupe. Donc on le laisse faire les visuels et il revient avec de super projets.
Barth : Oui c’était l’idée, le laisser faire ce qu’il veut. Il aime le surf et le skateboard, donc on l’a laissé avec sa caméra. Il voyage beaucoup et il en rapporte plein d’images. Et nous on a juste besoin de rester à la maison, c’est parfait !
Et où est-ce que le clip a été tourné ?
Del : En Espagne, sur le territoire des western spaghettis !
Vous avez une patte esthétique très marquée, entre le rétro et le kitch ensoleillé. Quelles sont vos principales inspirations graphiques et visuelles ?
Barth : C’est tout à fait ça, on écoute beaucoup de musiques avec ce côté ensoleillé. Je ne veux pas parler à la place de Del, il est plus dark que moi (rires). Je suis le côté lumineux du groupe, et lui il est plus du côté des ténèbres. On est tous les deux très forts, comme Luke Skywalker et Dark Vador. Mais ce n’est pas mon père !
Ça aurait été une drôle d’histoire de rencontrer ton père dans un pub en Angleterre de cette manière !
Barth : Avec un casque noir !
Vous avez des artistes, des peintres ou des écrivains qui vous inspirent ?
Barth : Beaucoup ! On a beaucoup d’influences. Je peux te parler de notre dernier album, Post Exotic. Le nom vient d’un livre qu’on a lu avec Del, Le post-exotisme en 10 leçons par Antoine Volodine qui est un écrivain français pas très connu. C’est un peu de la science-fiction cheap, avec un arrière-goût de films de série B, un peu comme notre musique. Ce n’est pas très sérieux.
Del : Il a écrit beaucoup de livres sous différents noms mais ils font tous partis de ce courant post-exotique. Il a créé un mouvement à lui seul avec plusieurs pseudonymes. Il y a beaucoup d’obscurité dans ce livre mais il est pourtant très ludique. J’aime beaucoup l’histoire qu’il a construite autour de lui et de ses livres.
Barth : Ce n’est pas notre seule influence mais il y en a tellement qu’après un certain temps, on est influencé par des choses simples. Je n’écoute pas beaucoup de musique aujourd’hui, contrairement à quand j’avais 18 ans mais maintenant je préfère le silence et laisser les idées venir à moi.
En parlant de cette énergie d’excès, on utilise plein de noms exotiques pour qualifier votre musique : ‘flower punk’, ‘new wave’, ‘pop psychédélique’, ‘proto punk’, ‘indie music’, ‘pop garage’. Si vous ne deviez en garder qu’un, ce serait lequel ?
Del : Je dirais simplement rock’n’roll ou pop music, mais pas de la pop au sens traditionnel. Une syllabe c’est bien : pop.
Barth : Pour moi un mot n’est pas suffisant, je dirais quelque chose en français que je ne peux pas traduire.
Del : Croissant ? (rires)
Barth : Beaucoup de groupes souhaiteraient être le meilleur groupe du monde, de tous les temps. Mais j’aimerais qu’on soit le meilleur groupe de tous les jours, vraiment le groupe que tu écoutes le matin. Si t’as envie de sortir faire le con avec tes potes c’est parfait, et si tu te fais plaquer et que t’es un peu triste, c’est bien aussi. C’est ça ma définition du groupe.
C’est quoi vos projets pour l’avenir ?
Barth : On travaille sur l’album.
Del : On aura environ douze chansons, peut-être un peu plus. On est dans une bonne forme pour le prochain album.
Barth : Ce sera fini pour l’été et ce sera bien sympa. Mais avec la pandémie dont je ne me souviens plus le nom, c’est un peu compliqué mais ce sera prêt pour l’été. On veut envoyer les chansons à Victor pour qu’il prépare de super clips, et on sera tous heureux.
Vous travaillez chacun depuis la France et l’Angleterre sur cet album ?
Del : Ce serait sympa d’être ensemble mais pour le moment ce n’est pas possible. Je risque de me faire vacciner le mois prochain donc je pourrai venir.
Barth : Parce qu’il a plus de 75 ans donc il pourra vite revenir. (rires)
Donc vous enregistrez chacun de votre côté et ensuite, comment est-ce que vous enregistrez l’album ?
Del : Oui on enregistre des bouts et ensuite on les assemble et on terminera quand on sera ensemble.
Barth : On a des studios à la maison donc on enregistre au max. C’est pratique, on peut enregistrer chez Del ou chez moi.
Si vous ne pouviez plus écouter qu’un album, lequel serait-ce ?
Del : C’est difficile parce que ça change souvent. En ce moment j’écoute beaucoup The Visitors d’ABBA. C’est leur dernier album et il est très noir parce qu’il avaient déjà divorcé et qu’ils se détestaient. Les chansons sont vraiment noires et tristes et les thématiques tournent autour de la claustrophobie et de la suffocation. C’est un super album pop pour moi, avec de super mélodies et une belle production. C’est un très bon album qu’on peut écouter en n’importe quelle circonstance. Je ne sais pas si c’est avec ça que je veux rester bloqué pour le reste de ma vie mais je l’écoute beaucoup en ce moment. Ou alors très simplement : Pet Sounds (ndlr : des Beach Boys) parce que c’est magnifique.
Barth : Je suis un peu comme Del. Je commencerais par un album que je viens de découvrir et plus j’en parlerais plus je finirais avec quelque chose comme l’album blanc des Beatles ! Mais si je voulais quelque chose de plus original je dirais une compilation de surf music qui est très bizarre et qui s’appelle The Lavender Jungle d’un étrange producteur qui s’appelle Colonel Charro. C’était un producteur à Los Angeles dans les années 1950-60 et il était vraiment très bizarre, il invitait beaucoup d’hommes gays dans sa villa et ils étaient nus toute la journée, avec des chapeaux de cowboys et ils chantaient toute la journée.
Del : On dirait nous quand on compose un album !
Barth : Voilà, c’est pour ça que ça ressemble à ce qu’on fait, sauf qu’on est que deux mecs. (rires) La musique est géniale sur cette compil’ et les visuels à l’intérieur sont géniaux avec tous ces magnifiques garçons. Peut-être que c’est un beau cadeau pour vos grands-mères. Ou vos grands-pères, après tout on est en 2021 !
Et pour terminer, qu’est-ce-qu’on peut vous souhaiter pour le futur ?
Del : La paix dans le monde ? Je n’en sais rien (rires)
Barth : Pour être honnête je n’ai besoin de rien alors peut-être que tu peux garder ces souhaits pour des gens qui en ont besoin !