À l’occasion de la sortie de leur premier album le 4 décembre prochain, Animal Triste nous a fait pénétrer dans sa tanière le temps d’une interview. Récit d’un échange sympathique avec Mathieu Pigné, membre fondateur et batteur du groupe.

Propos recueillis par Jess Di-Laudo et Amélie Garnier

D’où vous est venue l’idée/l’envie de créer Animal Triste ?

L’idée est venue de Fabien, le guitariste, avec qui je jouais dans Radiosofa et de Yannick, le chanteur (La Maison Tellier). On a tous des projets qui nous plaisent, mais notre premier amour reste le rock, à la base. On était dans une soirée, on parlait et on a remarqué qu’on ne jouait pas la musique qu’on écoutait. Je me suis rendu compte que dans ma discothèque, il y avait très peu de variété française. À un moment, ça ne sert à rien de râler contre la musique que l’on n’aime pas, autant faire la musique que l’on aime.

On s’est dit que ça serait pas mal de réunir des gens de bonne volonté, qui ont envie de faire la même chose. On ne s’est mis aucune pression, on s’est juste dit « allons nous enfermer dans un local et regardons ce qu’il se passe. »

J’avais depuis longtemps très envie de travailler avec Yannick, c’est un super ami et je suis vraiment très fan de sa voix. Fabien, j’ai passé vingt ans avec lui dans Radiosofa et j’avais envie de continuer l’aventure avec lui. Et puis ce groupe là, c’est un truc pour se faire des vrais souvenirs. De construire une histoire, de se dire plus tard qu’on a fait des choses bien et puis c’est important. On a résisté.    

Et pourquoi ce nom pour le groupe ?

Yannick trouvait que ce nom allait très bien avec l’époque. Il fait référence aussi à un film qu’il avait aimé. On ne voulait pas prendre un nom anglais et aller trop loin, sachant qu’on est français et qu’on chante en anglais. L’époque est intéressante et un peu triste aussi, on trouvait qu’il y avait quelque chose de sauvage dans le rock et donc un peu d’animal, et quoi qu’on en dise on reste tous des animaux.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Ceux qui se connaissent depuis plus longtemps, c’est Fabien (guitares) et moi, on a joué ensemble pendant vingt ans. Ensuite j’ai rencontré Darko (claviers et guitares) et Cédric (basse) quasiment à la même époque. Yannick (chant) et Sébastien (guitares) se sont greffés plus tard. Mais il y a des gens avec qui tu n’as pas besoin de parler, tu les regardes et tu sais que ça va aller. Nous sommes une fratrie depuis toujours, il y a peu de gens en qui j’ai autant confiance. C’est un vrai symbole d’amitié. C’était logique que ce groupe ça soit ensemble.

Le noyau de base c’était Yannick, Fabien et moi. On faisait des chansons sans se poser de questions, sans se demander si on allait enregistrer ou jouer sur scène, c’était pour le plaisir de faire de la musique et rien d’autre. C’est Cédric qui nous a dit qu’il fallait jouer nos chansons. De fils en aiguille, Darko et Seb sont arrivés. C’est vraiment cliché mais c’est la vraie histoire d’amitié, celle qui ne se dément pas.

Quelles sont vos influences majeures ?

On a fondé ce groupe, un peu grâce à nos influences. Avec Fabien et Yannick, on s’est demandé ce qui nous avait bouleversé récemment. On s’est rendu compte qu’on retombait toujours sur les Doors. Je dois mon parcours à ce groupe-là, c’est grâce à eux que j’ai fait de la musique. Yannick a appris à chanter sur la voix de Morisson, Fabien c’est un peu pareil. Pour le coup, c’est un groupe qui nous fédère tous les six. Il y a aussi les groupes qu’on écoutait au moment où on a fondé le groupe, comme Black Rebel Motor Circle Club ou Archie Bronson Outfit. On avait aussi des références un peu plus dans le post-rock comme Mogwai. Et au-delà de tout il y a le père fondateur Nick Cave, c’est une référence commune.

On avait envie de faire de faire du rock noir. J’avais envie de la belle voix basse de Yannick, de quelque chose d’interprété. Je ne voulais pas qu’on fasse semblant. Je voulais une voix qui me parle parce que c’est certainement une réminiscence de Morisson, une des voix qui m’a le plus touché et me touche encore maintenant. Yannick ça n’est pas du tout une copie loin de là, mais il a la même référence, parfois j’ai les mêmes frissons qu’avec Morisson. Tout le monde rêve d’avoir un groupe avec son idole, là c’est un peu ça. La musique dans le monde d’aujourd’hui on oublie qu’il faut qu’elle soit nécessaire, et quand Yannick chante c’est nécessaire. C’est cette fameuse histoire de la musique qui parle au ventre et de la musique qui parle au cerveau, nous on voulait une musique qui parle au ventre.

Crédits photo : Léonard Titus

Quel est le processus de création d’Animal Triste ?

De tout ce que j’ai enregistré c’est de loin ce que je préfère, je sais que c’est l’album qui nous ressemble le plus. Je valide à 100% tout, de la production au son en passant par les personnes qui sont dedans. On a tout fait de manière artisanale, parce que faire du rock aujourd’hui ça n’est pas simple. C’est un projet home made, c’est sans triche sans mascarade, c’est nous.

Au départ c’est Fabien qui avait ses chansons et on est arrivé avec Yannick. On voulait vraiment se servir de Yannick comme d’un instrument. Avec Fabien on avait beaucoup travaillé les chansons, Yannick arrivait, il improvisait, on découpait et on prenait les passages qui nous plaisait. On proposait à Yannick de répéter certains passages et ainsi de suite. On avait dû faire six morceaux tous les trois dont les premiers, (Shake Shake Shake, Wild at Heart, All bout) et finalement c’est devenu de plus en plus collégial. Darko s’est saisi des chansons pour ajouter des arrangements. Ce groupe est un jouet formidable pour nous, on veut que tout le monde soit libre de faire ce dont il a envie.

Comme on a confiance les uns les autres, il n’y aucune question à se poser. Je sais que quand Fabien fait quelque chose je n’ai jamais de doutes, de la même manière pour Darko, Yannick, Sébastien et Cédric. Les gars je veux qu’ils s’amusent et de fait ils s’amusent donc tant qu’on a ça on continuera longtemps. A partir du moment où tu perds l’amusement, il faut arrêter. Le verbe jouer de la musique est important, c’est quelque chose que l’on retrouve peu en ce moment dans la musique. Faire du rock aujourd’hui c’est suicidaire, nous ce qu’on voulait c’était de jouer de la musique et continuer à s’amuser sans se poser de questions.

L’important pour le groupe c’est que si c’est personnel c’est universel mais l’inverse n’est pas vrai. Il n’y a pas de vérité, ce qui est important c’est de savoir comment toi tu veux en parler et comment tu veux l’exprimer. Donc on s’est dit qu’il fallait que ça soit personnel.

Une reprise de Springsteen, pourquoi ?

Parce que Springsteen faisait partie des références qu’on avait, on a tous écouté Springsteen. C’est quelqu’un qui parle de choses nécessaires.

Dancing in The Dark, le texte de cette chanson est tellement concerné, tellement actuel qu’on trouvait intéressant de ne pas être complètement noir dans notre musique et d’y mettre quelque chose de chouette. C’est une chanson qu’on a toujours adorée, ce n’était pas un calcul mais une évidence. Ça aurait été trop évident de faire une reprise des Doors par exemple, parce que c’est notre ADN et c’est fondateur. On ne touche pas aux idoles, Springsteen en est une. Mais cette chanson, ses arrangements moi je les trouve super mais ils étaient d’une autre époque. Alors on s’est dit qu’on pouvait peut-être avec respect, lui donner un tour de clé. Springsteen est un chanteur assez exceptionnel et c’est assez jubilatoire de se glisser dans ses pompes même si elles sont trop grandes pour nous. Le reprendre c’était aussi un petit acte symbolique, un acte de naissance pour Animal Triste pour dire où on se situait.

L’album sort le 4 décembre, sous quel format sera-t-il disponible ?

C’est suicidaire de sortir un album à cette période, c’est vraiment très compliqué. Il va sortir sur les plateformes numériques et en vinyle. C’est un combat à mener, donc on s’est dit quitte à faire un truc dont on est vraiment fier et à être suicidaire, autant aller pousser la démarche jusqu’au bout. Le vinyle va être sublime j’en suis sûr.

Un mot sur l’art work ?

On a travaillé avec un ami (Léonard Titus), qui nous a fait la création de la pochette. Ça s’est fait comme le groupe, c’est un ami depuis toujours. J’ai toujours eu envie de travailler avec lui, on ne l’a pas fait sur nos autres projets que ça soit Radiosofa ou Darko. On lui a laissé carte blanche et à chaque fois qu’il nous faisait une proposition c’était toujours mieux que celle d’avant encore.

En cette période un peu particulière, des futurs projets de concert ?

La question qui vaut cher, il y en avait mais ce n’est pas facile de se construire dans un monde qui se déconstruit. Je me mets à la place des tourneurs et surtout des petits producteurs, les gens qui sortent nos disques (M2L), ce sont aussi nos tourneurs (Melodyn Production). C’est des gens super, des résistants, des artisans comme nous et c’est l’enfer pour eux. En tout cas, on a hâte de monter sur scène.

Un titre à écouter en ce moment ?

Alors j’aime bien Bad Feeling du groupe Muzz ou Been Struggling d’Alex Maas (chanteur des Black Angels). Les titres sont disponibles sur la playlist Animal Triste Sélection #1 Mathieu sur Spotify.

Pour retrouver Animal Triste sur Instagram, c’est par ici.