Sans les cinémas qui présentent des courts-métrages en début de séance et sans les festivals qui leur sont consacrés, ces œuvres courtes et pourtant si inventives risquent de perdre leur public, à notre plus grande tristesse. En effet, le court-métrage est un art à part entière, parfois beaucoup plus libre que les longs films, plus inventif et plus personnel, qui mérite d’être vu et accueilli comme il le mérite. C’est la raison pour laquelle nous avons fait une sélection de 5 courts-métrages parmi nos favoris, en libre accès, de tous les genres, de toutes les longueurs et pour tous les goûts afin que vous puissiez vous laisser bercer avec amour et humour par ces formes plus courtes, pour un plaisir plus condensé !

Article écrit par Alma-Lïa Masson-Lacroix

Le Repas Dominical de Céline Devaux (2015, 14min)

C’est dimanche. Jean est invité à déjeuner chez ses parents. Au cours du repas, Jean observe les membres de sa famille. Le mieux, c’est de continuer à boire, pense-t-il. Car la conversation va forcément porter sur sa vie amoureuse. C’est normal : c’est le repas dominical.

Plein d’humour noir et de poésie, ce court-métrage navigue dans les eaux pourpres du vin et des souvenirs du quotidien de chacun. Entre histoires de famille, tantes vieilles-filles homophobes, mère nostalgique, père effacé et homosexualité du fils, tout le burlesque authentique de ce repas que nous avons tous vécu surgit ici dans le récit du narrateur, accompagné par un dessin d’une liberté enivrante, d’une poésie incontestable et d’un humour acerbe.

https://www.youtube.com/watch?v=cfVMeTsVrU0

Les Indes Galantes de Clément Cogitore (2017, 5 min)

Clément Cogitore adapte une courte partie du ballet Les Indes galantes de Jean-Philippe Rameau, avec un groupe de danseurs de Krump, et trois chorégraphes : Bintou Dembele, Grichka et Brahim Rachiki. Le Krump est une danse née dans les ghettos de Los Angeles dans les années 90. Sa naissance résulte des émeutes et de la répression policière brutale qui ont suivi le passage à tabac de Rodney King.

À travers ce film de danse, le cinéaste parvient le temps d’un court instant à donner à l’image une énergie à la fois violente et organique, qui atteint le spectateur au plus profond de lui. Film d’amas de corps qui vibrent, qui dansent, se tendent et pulsent, Cogitore y inscrit, sans y mettre une seule parole, une lutte des corps (les noirs, les blancs, les féminins, les masculins) mais aussi une colère et une force pleine d’espoir qui ne peuvent qu’avoir des échos vibrants dans le monde d’aujourd’hui.

Skhizein de Jérémy Clapin (2008, 13 min)

Frappé par une météorite de 150 tonnes, Henri vit désormais à 91 centimètres de lui-même.

Ce court-métrage tout en douceur et poésie présente un personnage à côté de la plaque et à côté de ses pompes, mais littéralement. Le cinéaste en fait l’histoire d’une solitude dans un monde sans patience pour les différences, et nous entraîne dans une réinvention ingénieuse et malgré tout mélancolique d’un univers intime. Dérive poétique sur des expressions figurées, ce petit film tape dans le mille. 

https://www.youtube.com/watch?v=ZTewSb4LKUc

Kung Fury, David Sandberg (2015, 31min)

Kung Fury, détective de la police de Miami dans les années 80, voit son coéquipier abattu par un ninja. Alors qu’Adolf Hitler, spécialiste des arts martiaux, voyage dans le futur, Kung Fury va tenter de sauver le monde en remontant dans le temps. Un bug informatique le conduit à voyager entre les époques.

Court-métrage nanardesque à l’esthétique électrisante des années 80, hommage aux films d’action / d’arts martiaux / films what the fuck de cette grande époque du cinéma de série Z, Kung Fury nous entraine dans une aventure qui flirte avec le point Godwin et le politiquement incorrect. Kung Fu, voiture bling volante et nazis se disputant sur la beauté de leur moustaches respectives, le tout brassé dans une multitude de clichés sans pareil, on y rit jaune, on y rit noir, on y rit beaucoup, et on aime.

Next Floor de Denis Villeneuve (2008, 12 min)

Au cours d’un opulent et luxueux banquet, onze convives, servis sans retenue par des valets et des serviteurs attentionnés, participent à un étrange rituel aux allures de carnage gastronomique.

Rythme assourdissant d’une musique répétitive ponctuée par une voix criant « next floor » comme un refrain prophétique ; bruits de bouches et de couverts s’accélérant dans une cadence et une décadence gargantuesque qui n’a d’égal que les plats qui sont disposés sur cette table ; images organiques d’une nourriture toujours plus visqueuse, fumante et indécente ; et ces gens attablés, toujours moins humains et somptueusement parés, qui tombent dans l’animalité, et qui tombent, toujours plus loin, next floor. Le cinéaste construit le film comme un thriller peu appétissant, aux allures métaphoriques voire paraboliques, d’une société qui consomme toujours plus jusqu’à son anéantissement.